De l’électricité seule à super régulateur de tout le secteur énergétique: ce que l’on sait sur la refonte en vue de l’ANRE

La centrale solaire Noor Midelt, l'une des réalisations du Maroc dans le domaine des énergies renouvelables.

Lors du Conseil des ministres tenu le mercredi 4 décembre, le roi Mohammed VI a ordonné l’élargissement des attributions de l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE) afin de la transformer en Autorité nationale de régulation du secteur de l’énergie. Décryptage des avantages de cette refonte majeure avec une source proche du dossier.

Le 05/12/2024 à 14h17

Nommé à la tête de l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE) par le roi Mohammed VI lors du Conseil des ministres du mercredi 4 décembre, Zouhair Chorfi, ancien directeur du Trésor et des finances extérieures, sera chargé de piloter la refonte majeure de cette instance. Initialement dédiée à la régulation du secteur de l’électricité, cette institution verra ses attributions élargies pour devenir une Autorité nationale de régulation de l’énergie, conformément aux orientations royales.

«Se doter d’une autorité en phase avec le niveau de maturité atteint par les secteurs de l’énergie»

Outre l’électricité, le champ de régulation confié à l’ANRE sera étendu au gaz naturel liquéfié (GNL), aux énergies renouvelables, y compris l’hydrogène vert et ses dérivés, ainsi qu’à l’ensemble de la chaîne de valeur, couvrant la production, le stockage, le transport, la distribution, et plus encore.

«L’élargissement des attributions de l’ANRE permettra au Maroc de se doter d’un outil institutionnel de régulation indépendant, plus puissant et en phase avec le niveau de maturité atteint par les secteurs de l’énergie dans le Royaume, grâce aux réformes et chantiers structurants menés sous la conduite du roi Mohammed VI», nous confie un expert en énergie proche du dossier. Selon la même source, cette refonte permettra au Royaume de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales en matière de régulation du secteur de l’électricité et de l’énergie en général.

La transformation de l’ANRE en «super régulateur» arrive à point nommé. Elle s’inscrit dans un contexte marqué par le développement de grands projets énergétiques qui permettront au Maroc, autrefois fortement dépendant des énergies fossiles, de réaliser des avancées significatives vers une souveraineté énergétique.

À fin 2023, la capacité installée d’énergies renouvelables au Maroc avait atteint 4.607 mégawatts (MW), représentant plus de 41% du mix électrique national. Ce pourcentage devrait augmenter dès cette année avec la mise en service imminente des parcs éoliens Nassim Koudia Al Baida (100 MW) dans la région de Tanger et Nassim Jbel Lahdid (270 MW) à Essaouira, ainsi que le lancement de la STEP Abdelmoumen (350 MW) dans la région de Souss-Massa et de la STEP El Menzel (300 MW) dans la province de Sefrou.

L’entrée en activité, fin 2027, des centrales solaires Noor I (800 MW), Noor II (400 MW) et Noor III (400 MW) du complexe solaire Noor Midelt (technologies CSP et photovoltaïque), ainsi que celle des six centrales du projet Noor Atlas (300 MW), devrait renforcer encore plus la contribution des sources renouvelables à la production électrique du pays.

Une part de 56% des énergies renouvelables dans le mix électrique national en 2027

D’ailleurs, d’après le rapport sur les établissements et entreprises publics (EEP), accompagnant le projet de loi de finances (PLF) 2025, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique national devrait atteindre 56% en 2027, dépassant ainsi l’objectif de 52% fixé pour l’année 2030.

Outre le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité, le Maroc mise sur l’hydrogène vert et le gaz naturel liquéfié pour diversifier ses sources d’approvisionnement et accélérer sa transition énergétique. Au cours de l’année 2023, de nombreux investisseurs nationaux et internationaux ont dévoilé des projets de production d’hydrogène vert dans le Royaume, dont la concrétisation est prévue au cours des prochaines années.

Lors d’une réunion du comité de pilotage chargé de «l’Offre Maroc» pour l’hydrogène vert, tenue le 29 août dernier, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a révélé que la plateforme mise en place par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen) avait reçu près de 40 demandes de projets dans les différentes régions du Royaume, seulement six mois après son lancement.

Concernant le GNL, plusieurs projets stratégiques sont dans le pipe. Le 26 mars dernier, un protocole d’accord a été signé entre le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère de l’Équipement et de l’Eau pour la mise en place d’une feuille de route gazière.

Un pipeline de projets gaziers

Ce programme prévoit la construction de gazoducs domestiques, entre 2024 et 2027, qui permettront de transporter le gaz naturel liquéfié issu des champs gaziers de Tendrara et d’Anchois (Larache) vers le réseau national et les sites industriels, et le lancement simultané de plusieurs points d’entrée dédiés à l’importation et au stockage de gaz.

Parmi les projets phares figurent la construction d’un terminal au port de Nador West Med, ainsi qu’un gazoduc qui le reliera au Gazoduc Maghreb-Europe (GME), deux autres terminaux prévus au port atlantique de Jorf Lasfar 2 (ou Mohammedia) et au port de Dakhla Atlantique, dont le terminal sera, à terme, connecté au gazoduc Nigéria-Maroc.

«La régulation intégrée de l’énergie permet de mieux prendre en compte les équivalences et complémentarités entre systèmes énergétiques, tout en accélérant la transition énergétique», explique l’expert en énergie, ajoutant que cela permettra également de «capitaliser sur l’expérience récente de l’ANRE, qui se distingue notamment par rapport à celles de nombreux pays comparables».

Par Elimane Sembène
Le 05/12/2024 à 14h17