En décembre prochain, les experts de la Banque Mondiale débarqueront à Casablanca. Il s'agit d'une mission de vérification sur le terrain de certains objectifs fixés dans le cadre du Prêt Programme axé sur les Résultats (PPR), qui avait été accordé à la métropole en 2017.
Ce crédit, de 200 millions de dollars, complète le financement du Plan de développement du Grand Casablanca (signé devant le Souverain en 2014 avec un volume d'investissement de 3,4 milliards de dirhams). Il était assorti d'un plan d'action précis à mener par différentes instances de la ville, et dont restaient tributaires les tirages sur cette ligne de financement, assortie à des objectifs chiffrés à atteindre, initialement, à fin 2021.
Objectifs hors d'atteinteLe premier indicateur lié au décaissement de ce programme était corrélé à l'augmentation des recettes de la Commune de Casablanca, abstraction faite de la part de TVA transférée pat l'Etat. Ces recettes incluent donc les taxes, les redevances et les autres recettes courantes administrées par la commune ainsi que la taxe professionnelle, celle sur les services communaux en plus de la taxe d’habitation. "Il existe 32 types d'impôts qui reviennent à la commune. Un véritable casse-tête pour ne pas dire un véritable gruyère fiscal", précise un expert des finances publiques.
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Les recettes de la Ville de Casablanca devaient donc passer progressivement de 2,48 milliards de dirhams (année de référence, 2015) à 3,47 milliards à échéance 2021, selon un document que la Banque Mondiale avait élaboré à la veille de la validation de ce prêt. Sauf qu'à quelques mois de la clôture initiale du programme, cet objectif de 40% de hausse est définitivement hors d'atteinte.
La dernière mise à jour effectuée sur la fiche projet, datant du 13 octobre dernier, fait état d'une augmentation des ressources d'à peine 20,4% au 1er décembre 2020. "C'est un niveau intermédiaire que l'on aurait dû dépasser avant fin 2019 selon le planning de décaissement initialement prévu", nous explique un connaisseur de la gestion communale de la métropole.
En désespoir de cause, la Banque Mondiale s'est même résignée à figer cet objectif à hauteur du niveau de réalisation à fin 2019, soit 22,5% de progression. Car une restructuration de ce prêt a été réalisée en avril dernier "suite à une requête formelle de la Commune de Casablanca" de manière à "prendre en considération l’impact de la pandémie liée au Covid-19", indique le rapport de la dernière mission réalisée début juin dernier. Les 18,5 millions d'euros non décaissés, car alloués à cet indicateur, ont ainsi été réaffectés de manière à devenir tributaires de nouveaux objectifs.
SDL, cherche directeur"L'opérationnalisation de la Société de Développement Local (SDL) Casa Mawarid est un nouveau Résultat lié au décaissement introduit suite à la restructuration du Programme", souligne aussi le document de la Banque Mondiale. Celui-ci vise à renforcer les outils pour améliorer les recettes de la commune.
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"Casa Mawarid sera le fer de lance pour optimiser les ressources fiscales propres de la Commune, entre autres en libérant les synergies avec les différentes structures comme l'administration fiscale ou l'agence urbaine", a souligné Nabila Rmili, la maire de Casablanca. La nouvelle édile a d'ailleurs affirmé que la nomination d'un directeur général pour cette nouvelle structure ne saurait tarder. Le processus devait être achevé en septembre dernier, selon le calendrier établi par la Banque Mondiale qui n'avait visiblement pas pris en compte des échéances électorales. La désignation du responsable de la future SDL fiscale de la métropole sera donc l’une des premières décisions importantes que la nouvelle présidente du Conseil de la ville devra prendre.
Casa Mawarid est censé être la clé pour doper les recettes propres de Casablanca et libérer définitivement son potentiel fiscal. Elle devrait reprendre les chantiers qui ont traîné durant le dernier mandat. "La conseillère chargée de piloter cette réforme fiscale était une enseignante de l'éducation islamique, élue PJD ", tient à rappeler un ancien élu de Casablanca, pour démontrer les incompétences, mais aussi le manque de volonté politique qui ont contribué à ralentir le recouvrement des recettes.
A titre d'exemple, le manque à gagner de la taxe sur terrains non bâtis (TNB) reste énorme et les actions en matière de recouvrement restent timides comparativement à d'autres grandes villes. "La commune de Rabat a pris les devants en recourant à la cartographie par drone pour répertorier l'ensemble des terrains non bâtis. Casablanca aurait pu s'en inspirer, sachant que l'application stricte de cette mesure permettra de forcer les promoteurs immobiliers à honorer leurs engagements et à déceler les dérapages bien avant l'éclatement de scandales d'ampleur", nous explique un connaisseur de la fiscalité locale. L’autre gisement fiscal peu optimisé par la ville relève de la taxe d'édilité. Le chantier de recoupement entre les différentes bases de données à la disposition des organes de la ville tourne au ralenti. "Le croisement avec les compteurs de la Lydec pour identifier les propriétaires avance très lentement, si ce n'est pour les commerces qui ont pignon sur rue", explique encore cet interlocuteur.
Police & performancesDans ce domaine de Référentiel d'adressage unique, un travail colossal a été abattu par une des "Unités Business" de Casa Prestations. Il s'agit de la fameuse Police Administrative Communale (PAC) qui a été créée en 2019. Celle-ci est d'ailleurs une des rares structures de la ville qui a eu droit aux éloges des experts de la Banque Mondiale. "La mission a permis de constater le travail conséquent accompli par la PAC et son impact potentiel évident sur les finances de la Commune, étant donné qu'une partie des recettes dépend directement de son action", indique à cet égard le dernier rapport de la BM.
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Selon des sources proches de la mairie, la PAC a pu recenser plus de 80.000 commerces à Casablanca. Il s'agit de toutes sortes d'échoppes, de cafés ou de restaurants, qui sont assujettis à différentes autorisations de la commune pour exercer leur activité et afficher leurs enseignes. "Seul un commerce sur quatre a été en mesure de produire les autorisations nécessaires aux inspecteurs de la PAC. Les procès-verbaux établis, et les amendes qui vont avec, sont restés sur les bureaux des présidents d'arrondissement pour des considérations électorales", confie cet élu.
Une gabegie d’autant plus regrettable que ne serait-ce que les services d'hygiène, qui dépendent de cette police administrative, pourraient récolter des sommes considérables. "Imaginez seulement si on infligeait à toutes les laiteries de Casablanca une amende entre 300 à 500 dirhams pour tous leurs employés qui ne produisent pas une radiographie pulmonaire. Cela non seulement renflouerait les caisses de la ville, mais aussi installera une culture d'hygiène publique", explique cette source.
Les niches fiscales de Casablanca restent en effet considérables. Leur exploitation repose sur une volonté politique, mais aussi une rupture avec les pratiques nonchalantes du passé. Nabila Rmili, la nouvelle maire, qui dit vouloir se consacrer pleinement à la gestion de la ville, dispose désormais d’un boulevard devant elle pour libérer le potentiel fiscal de la capitale économique. Il y va du respect des engagements qui ont été pris devant des organismes internationaux. Mais il y va aussi, et surtout, de la qualité de vie des Casablancais.