Reconvertir les activités illicites en licites, développer la filière dans des secteurs jusqu’ici peu ou pas investis et, surtout, accompagner agriculteurs et opérateurs en assurant suivi et contrôle de bout en bout sur le terrain... C’est, doit-on le préciser, la mission de l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) qui travaille pour réguler au mieux ce secteur. Tout est mis en œuvre pour garantir que chaque étape du processus, de la culture à la commercialisation, est strictement encadrée et conforme aux normes établies, mais aussi à la philosophie ayant conduit les pouvoirs publics à légaliser la culture du cannabis à des fins pharmaceutique et médicinale.
Ce circuit verrouillé repose sur des contrôles rigoureux, mais surtout d’un accompagnement aux agriculteurs, et aux opérateurs. Les autorisations sont délivrées de manière sélective et basées sur des critères stricts, afin de prévenir toute dérive vers des pratiques illicites et de maintenir une traçabilité transparente de la production, nous confirme une source autorisée.
Ce dispositif, loin de promouvoir une expansion incontrôlée de cette culture, a une seule finalité: offrir aux fellahs la possibilité d’exercer leur activité de manière honorable et durable, assure-t-on. La consigne est claire: «Pas de besoin, pas d’autorisation.» On vous explique.
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«L’intérêt des agriculteurs pour la culture réglementée du cannabis est manifeste, entraînant un afflux notable de demandes. De même, nous constatons une réponse positive de la part des opérateurs qui cherchent à établir des conventions avec ces agriculteurs. Cependant, il est crucial de comprendre que l’éligibilité à cultiver du cannabis sous ce cadre réglementé ne se traduit pas automatiquement par une autorisation. Un agriculteur doit avoir signé une convention avec un opérateur pour que sa demande d’autorisation soit prise en compte», fait savoir notre interlocuteur.
De la culture à la commercialisation, chaque étape est strictement contrôlée. L’ANRAC réglemente neuf activités liées aux usages licites du cannabis. Cela inclut la culture et la production du cannabis, la création et l’exploitation de pépinières de cannabis, l’exportation des semences et des plants du cannabis, l’importation des semences et des plants du cannabis, la transformation et la fabrication du cannabis, le transport du cannabis et de ses produits, la commercialisation du cannabis et de ses produits, l’exportation du cannabis et de ses produits et l’importation des produits du cannabis.
Un circuit 100% étanche
Rien n’est laissé au hasard, chaque activité est soumise à des contrôles rigoureux et des régulations strictes pour garantir la conformité et la sécurité tout au long de la chaîne de production. Première étape: la culture et la production du cannabis. Pour cela, il est nécessaire d’obtenir une autorisation. Ce document, délivré aux agriculteurs des provinces d’Al Hoceïma, Chefchaouen et Taounate, n’est accordé que dans la limite des quantités nécessaires pour répondre aux besoins des activités de fabrication de produits à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles. L’objectif est double: maîtriser ce flux et prévenir la déviation vers des marchés illicites non régulés, insiste encore notre source.
À Issaguen, au coeur de la culture de la Beldia, variété marocaine de cannabis légalisée par l’ANRAC. (A. Et-Tahiry / Le360)
Pour obtenir ce fameux sésame, il faudra déjà remplir plusieurs conditions: être de nationalité marocaine, avoir atteint l’âge de la majorité légale, résider dans l’un des douars relevant de l’une des provinces autorisées, à savoir Al Hoceïma, Chefchaouen et Taounate, adhérer à l’une des coopératives spécialement créées à cet effet, être propriétaire de la parcelle de terrain nécessaire à cette fin, ou avoir l’accord de son propriétaire pour y cultiver le cannabis, ou disposer d’un certificat délivré par l’autorité administrative locale attestant qu’il exploite ladite parcelle.
Il est également requis de respecter la limite de 1% de tétrahydrocannabinol (THC) dans ces cultures, les autorisations pour cultiver des variétés avec une teneur en THC supérieure étant strictement réservées aux utilisations médicales et pharmaceutiques. Une fois la récolte effectuée, les quantités produites doivent être systématiquement livrées aux coopératives. En cas d’incapacité à livrer, due à des dommages ou des pertes résultant de force majeure ou d’événements imprévus, les cultivateurs et producteurs doivent en informer l’ANRAC pour permettre à l’Agence de procéder aux investigations et contrôles nécessaires.
Un excédent ou un risque? On détruit
Dans le même esprit, les coopératives doivent conclure avec les sociétés ou les autres personnes morales autorisées à procéder à la fabrication, à la transformation ou à l’exportation du cannabis et de ses produits, un contrat de vente en vertu duquel elles s’engagent à livrer les récoltes qui leur sont fournies par les cultivateurs et les producteurs, détaille notre source.
Le transport du cannabis recolté. (A.Et-Tahiry / Le360). Le360
Pour garantir la conformité des livraisons, celles-ci sont effectuées en présence d’une commission réunie sur convocation de l’ANRAC, composée de représentants de l’Agence, des autorités administratives locales et des services de sécurité compétents. Un procès-verbal est établi à cet effet où sont consignés l’identité des parties, la date et le lieu de la livraison, la quantité livrée, l’identité du transporteur et la destination de la récolte. Cette commission procède à la destruction immédiate de tout excédent de production qui dépasse les quantités objet du contrat conclu.
En parallèle, l’obtention de l’autorisation de transformation et de fabrication du cannabis ou de l’autorisation de transport du cannabis et de ses produits est subordonnée à la présentation d’un dossier justifiant que le demandeur satisfait certaines conditions. Le demandeur doit ainsi être constitué sous la forme d’une société ou d’une autre personne morale régie par le droit marocain, disposer des moyens matériels et humains qualifiés et suffisants pour exercer ses activités, et avoir obtenu les autorisations nécessaires pour exercer les activités réglementées en vertu de la législation en vigueur, explique-t-on.
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Autre impératif: ces sociétés autorisées doivent disposer d’entrepôts sécurisés et surveillés pour stocker les récoltes du cannabis qu’elles achètent auprès des coopératives. Ces produits doivent être transportés dans des emballages ou conteneurs fermés pour empêcher toute substitution ou mélange, et ils doivent être correctement étiquetés.
Pour l’importation des semences, tout demandeur doit déposer une demande auprès de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et obtenir suite à cette demande un agrément du ministère de l’Agriculture pour l’importation des semences et plants. Il doit aussi déposer un dossier auprès de l’ANRAC.
Tout au long de ces étapes, l’ANRAC doit assurer le suivi de la traçabilité du cannabis. L’objectif est de s’assurer qu’il ne soit pas utilisé dans une activité illicite et que le cannabis produit illicitement ne soit pas utilisé dans des activités licites. Pour ce faire, l’agence tient plusieurs registres, dont le registre des autorisations, un registre concernant les différentes activités et opérations en rapport avec le cannabis, et le registre des stocks de cannabis. Les titulaires des autorisations sont également tenus de tenir des registres détaillés, consignant les activités autorisées, la date de leur réalisation, ainsi que les quantités de cannabis, de ses semences, de ses plants et de ses produits fixés par l’Agence.
Des produits à base de cannabis légal. (A.Gadrouz / Le360)
En assurant une traçabilité rigoureuse et en imposant des contrôles stricts à chaque étape, le Maroc met tout en œuvre pour que les produits à base de cannabis soient conformes aux normes internationales, sécurisés et exclusivement destinés à des usages médicaux, pharmaceutiques et industriels légaux. «Cette approche garantit non seulement la qualité des produits, mais aussi la protection des agriculteurs et des consommateurs, tout en prévenant toute dérive vers des marchés illicites», conclut notre source. Devant le succès de cette régulation, d’autres pays veulent s’inspirer de l’expérience marocaine pour réguler leurs propres filières de cannabis.