Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, les séances dans le rouge se succèdent à la Bourse de Casablanca. Hier encore, au terme de la séance du lundi 7 mars, la Bourse de Casablanca a clôturé en forte baisse, son principal indice, le Masi, ayant chuté de 2,89%, se portant à 12.415,46 points. Le MSI 20, indice regroupant les 20 valeurs les plus liquides, a, quant à lui, perdu 3,39%, s'établissant à 998,23 pts.
Cette tendance baissière est directement liée au conflit russo-ukrainien et ses impacts sur les équilibres macroéconomiques du Maroc. Depuis le déclenchement de la guerre, le 24 février dernier, le Masi a perdu près de 8,5%, ce qui ramène sa performance depuis le début de l’année à -8,06%.
«La correction du MASI a débuté avant le début de la guerre en Ukraine, car [l'indice boursier casablancais] a perdu -3,4% entre le 8 et le 23 février», nuance Farid Mezouar, directeur de FL Markets et spécialiste du marché boursier, contacté par Le360. «Toutefois, la chute s’est accélérée depuis le 24 février avec une correction de -4,11% lors de cette séance. Ainsi, la baisse actuelle des indices est directement liée au conflit Ukrainien, même si le terrain était déjà fragilisé», explique-t-il.
Lire aussi : Maroc: les équilibres macro-économiques à l’épreuve d’un contexte mondial volatile et tendu
Selon cet expert, le mouvement baissier du marché action marocain est alimenté par la crainte des investisseurs «d’une envolée de la facture énergétique et alimentaire car la Russie est le troisième producteur mondial de pétrole et le deuxième exportateur avec une part d’environ 12% du commerce mondial». De même, ajoute-t-il, «la Russie est au 2ème rang mondial des producteurs de gaz naturel (18% de la production mondiale). La Russie et l’Ukraine représentent par ailleurs 30% [des exportations de] blé mondial», analyse-t-il.
Enfin, des considérations liées à la psychologie des investisseurs entrent également en jeu. «Comme au début de la crise du Covid-19, l’émotion et l’incertitude prennent le dessus sur des éléments quantifiés», explique aussi Farid Mezouar.
Bien que la crise ukrainienne ait accéléré le recul du Masi, il n’en demeure pas moins que d’autres facteurs, propres au Maroc, y ont aussi contribué, dont les perspectives d’une mauvais campagne agricole et l’inflation. «La correction a démarré après la constatation d’une forte probabilité d’une mauvaise campagne de céréales. Aussi, l’inflation mondiale s’est invitée au Maroc avec une hausse des prix de plus de 3% au mois de janvier, ce qui a fait craindre le spectre de la stagflation, avec une croissance nulle combinée à une inflation forte», estime cet interlocuteur.
En réalité, les investisseurs anticipent désormais une contraction forte de la croissance de l’économie nationale, qui devrait être bien moindre que celle projetée par les différentes institutions conjoncturistes. «Les investisseurs craignent même une croissance nulle en 2022, car la prévision d’une croissance de 2,9% en 2022 était basée sur un retrait de la valeur ajoutée primaire limité à -1,6% avec l’hypothèse d’une récolte moyenne et non médiocre».
Or, l’important déficit pluviométrique enregistré au Maroc, qui traverse son pire épisode de sécheresse depuis 1981, et la situation critique des barrages qui affichent un taux de remplissage de seulement 32% en moyenne à fin février, contre 42% à la même période de l’année dernière, laisse présager d’une récolte céréalières bien moindre qu’anticipée. La Banque centrale qui tiendra son premier conseil de l’année dans quinze jours devrait d’ailleurs revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour 2022.
Lire aussi : Bourse de Casablanca: la performance annuelle a bondi de +18,35% en 2021, portée par un environnement favorable
Concernant les secteurs les plus touchés par la baisse à la Bourse de Casablanca, Farid Mezouar souligne que les «investisseurs ont vraisemblablement adopté une approche Top-Down avec une vente des actions qui est motivée par des éléments macro-économiques».
Néanmoins, nuance Farid Mezouar, «l’immobilier semble corriger davantage que le marché dans sa globalité, à cause des craintes au niveau de l’impact de la détérioration du pouvoir d’achat sur la demande de logements sociaux. L’agro-alimentaire semble également souffrir à cause de la difficulté de répercuter totalement la hausse des prix des intrants sur les produits finis».