Touria El Glaoui, fondatrice de la foire 1-54: «Notre grand challenge, c’est d’avoir un pied permanent en Asie dans les cinq prochaines années»

Touria El Glaoui, fondatrice de la foire 1-54.

Le 09/02/2024 à 18h33

VidéoLa 5ème édition de la foire 1-54 de Marrakech se poursuit jusqu’au dimanche 11 février. Sa fondatrice, Touria El Glaoui, évoque dans cet entretien avec Le360 les principales nouveautés de cette édition et les ambitions futures de cette grand-messe de l’art contemporain africain.

Pas moins de 27 galeries d’art représentant plusieurs pays africains, dont le Sénégal, le Ghana et le Maroc, participent à la 5ème édition de la foire d’art contemporain africain 1-54 à Marrakech. Cette année, la foire a investi un deuxième site dans la ville ocre. Il s’agit de l’espace d’art DaDa, où 7 galeries présentent les œuvres de leurs artistes.

Le360 s’est entretenu avec Touria Glaoui, fondatrice de cette grand-messe de l’art contemporain initiée à Londres en 2013, sur les autres nouveautés de cette édition et les ambitions pour le futur.

Le360: La foire 1-54 de Marrakech en est à sa 5ème édition. Quelles sont les principales nouveautés cette année?

Touria Glaoui: La foire 1-54 de Marrakech siégeait à la Mamounia depuis quatre ans, et cette année, nous avons la chance de pouvoir nous agrandir. Nous avons un deuxième espace à Jamâa El Fnaa qui est très à l’opposé du concept initial. À l’espace DaDa, c’est très contemporain, et ici à la Mamounia, c’est un écrin qui a cent ans, connu du monde entier. Les ambiances sont vraiment très différentes.

La principale nouveauté de cette édition de Marrakech, c’est l’ouverture de la foire à beaucoup plus de galeries marocaines et à la production artistique réalisée au Maroc, afin d’offrir à nos collectionneurs locaux mais aussi étrangers la possibilité d’avoir une plus grande production d’artistes marocains.

Nous avons aussi une galerie du Ghana, présente ici à Marrakech et qui représente aussi des artistes marocains et tunisiens à Accra. Donc, nous remarquons des liens qui se tissent grâce à 1-54. C’est une très bonne chose, car le continent africain est tellement important en termes de créativité que plus on a de galeries qui peuvent représenter ces artistes localement et à l’international, plus on accorde une attention particulière à ce continent d’où proviennent ces artistes incroyables.

Quel est le poids des artistes représentés à la foire 1-54 de Marrakech sur le marché de l’art international?

Nous avons la chance d’avoir d’énormes artistes du continent africain aujourd’hui. Des artistes comme M’barek Bouhchichi, reconnu ici et à l’international comme étant l’un des plus grands artistes contemporains actuellement, ou encore Amoako Boafo, la star de la foire cette année. C’est un artiste reconnu à l’international avec une appréciation sur le marché secondaire qui est assez incroyable, mais c’est la première fois qu’il a voulu participer à la foire 1-54 et il voulait que ce soit à Marrakech.

Le fait d’être une foire basée en Afrique enrichit l’expérience des artistes africains, car d’habitude, on les présente à l’étranger pour essayer de les consolider dans un marché déjà saturé.

Si vous deviez vous projeter dans l’avenir, quelles sont les perspectives de la foire 1-54 dans les prochaines années?

Les deux premières années post-Covid-19, notre objectif était de remettre les trois foires, celles de Londres, New York et Marrakech, sur pied et d’être sûrs qu’elles fonctionnent comme elles fonctionnaient avant la pandémie. Cette année, une de nos initiatives après la cinquième année à Marrakech, c’est de faire Hong Kong.

C’est notre grand challenge cette année. Nous partons sur un autre continent, l’Asie, et nous essayerons de présenter nos artistes à une nouvelle audience qui n’a encore connu ni 1-54 ni beaucoup d’accès au continent africain. Dans 5 ans, j’espère qu’on aura un pied permanent en Asie. Mais le plus important pour nous aussi, c’est qu’il y ait une vraie initiative d’intégration, d’inclusivité, et que nous ayons ce regard où l’on est l’autre. Les gens doivent bien se rendre compte que ce n’est pas parce qu’ils ont prêté attention aux artistes africains ces dernières années que nous sommes émergents, parce que beaucoup de ces artistes ont peint, ont créé bien avant l’existence de 1-54.

Beaucoup de gens avec le regard étranger disent que ce sont des artistes émergents, mais ce n’est pas forcément le cas. Ils sont peut-être émergents pour le nouvel œil, mais ce sont des artistes très établis. Je pense que d’ici les cinq prochaines années, on ne les dénommera plus en fonction de leur positionnement géographique en disant qu’ils sont artistes africains. On entendra plutôt «le grand artiste Abdoulaye Konaté», «le grand artiste Barthélémy Toguo», «le grand artiste M’barek Bouhchichi»... L’origine n’aura plus d’importance.

Par Qods Chabâa et Adil Gadrouz
Le 09/02/2024 à 18h33