Nadia Tomane, présidente de My Moroccan Heritage: «Il faut inscrire à la propriété intellectuelle tout ce qui se réfère à notre identité»

Nadia Tomane, présidente de My Moroccan Heritage. Crédit photo: DR.

EntretienCela fait des années que Nadia Tomane s’adonne corps et âme à la défense du patrimoine culturel marocain. En France où elle réside, elle a décidé en 2021 de franchir un nouveau pas en fondant My Moroccan Heritage, une association engagée à promouvoir et préserver l’identité culturelle du Maroc. Rencontre avec la militante.

Le 01/05/2024 à 14h46

Dans cet entretien avec Le360, Nadia Tomane revient sur l’éclosion de My Moroccan Heritage, né après le constat alarmant, fait par la militante, de l’appropriation culturelle de tout ce qui est authentiquement marocain, notamment par des cleptomanes mandatés à ces fins par le régime algérien. Après avoir organisé moult ateliers et expositions, mis en lumière l’histoire, la créativité et la splendeur du patrimoine marocain, elle exprime aujourd’hui l’urgent besoin d’associer chercheurs, historiens et stylistes autour de cette cause qui concerne tout le peuple marocain.

Le360: comment est venue l’idée de fonder cette association? Et quelles sont ses principales missions?

Nadia Tomane: l’idée de fonder l’association My Moroccan Heritage est née en réaction à une série d’actes d’appropriation culturelle constatés dans divers domaines. L’initiatrice de l’association a été particulièrement sensibilisée en 2018, lorsqu’une polémiste s’est présentée comme une cheffe de cuisine et a prétendu, dans une grande chaine de télé française, que la bastella était un plat algérien, tout en insistant qu’elle défend la gastronomie algérienne avec force. Choqués, nous avions contacté France Télévisions, mais nous n’avons jamais eu de réponse.

«Plus le temps passait et plus nous nous faisions attaquer et insulter à chaque fois que nous parlions de notre culture.»

—  Nadia Tomane, présidente de "My Moroccan Heritage"

Par la suite, au fil du temps, nous avons constaté que cette propagande était très présente sur les réseaux sociaux. Dans les groupes de cuisine, lorsqu’un(e) Marocain(e) partageait les réalisations de son pays, nous constations que ce dernier était systématiquement attaqué! C’était juste incroyable et du jamais vu, car ayant grandi avec des Algériens, nous n’avions jamais subi un tel sort, nous étions très proches amicalement mais nous savions pertinemment que nous n’avions pas la même identité ni la même culture.

Plus le temps passait et plus nous nous faisions attaquer et insulter à chaque fois que nous parlions de notre culture. Notre tort: «ne pas inclure les Algériens dans l’origine de ce que le Maroc a construit sur plusieurs siècles». C’est-à-dire qu’il fallait automatiquement mentir et dire que c’est maghrébin. Ces gens réclamaient le partage d’un héritage qu’ils ont pourtant découvert chez les Marocains.

L’association a pour principales missions de promouvoir et de lutter contre l’appropriation culturelle, de sensibiliser les Marocains sur leur histoire et sur leur identité, d’alerter lorsqu’une situation d’appropriation culturelle se présente, et de collaborer avec divers acteurs de la société civile et du patrimoine marocain pour protéger la culture du Maroc. Nous allons organiser prochainement des conférences pour sensibiliser sur l’appropriation culturelle et l’importance pour chaque Marocain de promouvoir notre culture à travers les événements.

Récemment, vous avez alerté contre une énième usurpation par le régime algérien du caftan marocain. Pourriez-vous nous expliquer les desseins de cette tromperie algérienne?

L’usurpation du caftan marocain par le régime algérien s’inscrit dans une série de tentatives visant à s’approprier des éléments du patrimoine culturel marocain. Dans ce cas précis, l’Algérie a inclus une photo d’un caftan marocain dans un dossier intitulé «Le costume féminin de cérémonie dans le Grand Est de l’Algérie», sans respecter l’éthique ni la réalité historique. Cette tromperie vise à s’approprier et à revendiquer à tort des éléments du patrimoine marocain pour des motifs politiques ou nationalistes.

«Il est également nécessaire d’alerter les autorités compétentes et de mobiliser la société civile pour défendre la culture marocaine.»

—  Nadia Tomane, présidente de "My Moroccan Heritage"

Collaborez-vous avec d’autres associations ou organismes pour faire bloc contre cette supercherie, qui n’affecte pas visiblement que le caftan et le zellige, mais la quasi-totalité du patrimoine immatériel marocain?

Oui, l’association collabore avec d’autres organismes et associations pour faire bloc contre cette supercherie. Elle travaille notamment avec une association marocaine basée en Belgique, Timendotes, qui se consacre à la préservation de la sfifa, une partie importante du caftan marocain. Son président est un homme d’affaires qui travaille à travers le monde sur notre sfifa et qui a créé des coopératives au Maroc pour préserver le travail de la sfifa et éviter sa disparition.

De plus, l’association collabore avec le Centre de la culture judéomarocaine à Bruxelles, qui possède l’une des plus grandes collections de la culture juive marocaine au monde. Le président de cette association juive n’est autre que Paul Dahan.

«Nous souhaitons que l’UNESCO prenne plus au sérieux ces attaques de la part de l’Algérie et qu’il n’accepte plus les dossiers farfelus.»

—  Nadia Tomane, présidente de "My Moroccan Heritage"

Quelles sont, selon vous, les actions et les mesures à prendre urgemment pour alerter sur cette situation et contrer ces tentatives de vol à répétition?

Pour contrer ces tentatives d’appropriation culturelle, il est crucial de sensibiliser le public sur l’importance de protéger le patrimoine immatériel marocain et de dénoncer toute tentative de détournement. Il est également nécessaire d’alerter les autorités compétentes et de mobiliser la société civile pour défendre la culture marocaine contre les usurpations et les tentatives de vol.

Le Maroc devrait inscrire à la propriété intellectuelle tout ce qui se réfère à notre identité et parler plus ouvertement de ce phénomène qui est l’appropriation culturelle de la part de l’Algérie. Nous souhaitons que l’UNESCO prenne plus au sérieux ces attaques de la part de l’Algérie et qu’il n’accepte plus les dossiers farfelus comme le dossier qui inclut le caftan marocain ainsi que le zellige. C’est ridicule de prendre en considération de tels dossiers.

Nous souhaiterions aussi une action de la part de la ministre de l’Artisanat qui n’a jamais répondu à nos requêtes, contrairement au ministère de la Culture qui travaille très dur et qui a toujours été à notre écoute.

«Nous avons lancé un appel URGENT aux artisans, stylistes, spécialistes du caftan, historiens, associations du Maroc.»

—  Nadia Tomane, présidente de "My Moroccan Heritage"

Quelles sont les chances de voir la pétition que vous avez initiée il y a quelques mois aboutir, et qui compte aujourd’hui près de 40.000 signatures?

Les chances d’aboutissement de la pétition initiée par l’association sont significatives, compte tenu du nombre croissant de signatures (près de 40.000 à ce jour), et du soutien des professionnels du caftan marocain. Cependant, le résultat final dépendra de la capacité de l’association à mobiliser l’opinion publique et à exercer une pression efficace sur les autorités compétentes pour retirer la photo du caftan marocain du dossier algérien.

Mais il n’y a pas que la pétition, et cette partie est très importante car il nous reste quelques jours.

Nous avons lancé un appel URGENT aux artisans, stylistes, spécialistes du caftan, historiens, associations du Maroc. Nous demandons à ces personnes de nous contacter urgemment pour signer un document que nous allons adresser à l’UNESCO.

Adresse courriel de l’association: info@my-moroccan-heritage.com

Par Saad Bouzrou
Le 01/05/2024 à 14h46