En passant cette semaine devant la nouvelle cité Casa-Anfa érigée sur l’emplacement historique de l’ancien aéroport de Casablanca, j’ai été frappée autant par l’immensité des lieux, jadis pour une bonne part voilée aux regards, que par l’ampleur des transformations, entre place financière, quartier résidentiel, centre commercial ou espaces verts, par ailleurs tellement rares, dont le fleuron est le parc métropolitain central.
À la vue d’un vieux hangar solitaire, je me disais que si j’en avais le pouvoir, je le transformerais sans hésiter, lui ou un autre lieu à l’architecture typique similaire, en nécessaire Musée de l’Air. C’est le moins que l’on puisse faire, au milieu de ces plus de 350 hectares, afin de retracer des pans de l’histoire, conserver la mémoire et assurer un trait d’union harmonieux entre le renouveau urbain et le passé séculaire.
C’est bien ici, au sud-ouest de la ville, qu’avait été érigé, au début du 20ème siècle, le pionnier de l’aviation civile marocaine et un des plus anciens aérodromes de l’histoire de l’Aéropostale, compagnie mythique issue des Lignes Latécoère.
Construit dans les années 1910, alors que l’aviation mondiale en était à ses prémices, il s’appelait «Camp Cazes», du nom de l’aviateur français Jean Cazes dont le monoplan léger venant de Casablanca, faisant une escale technique à Safi, s’était écrasé en mer au large d’Essaouira en 1913.
Le premier vol transcontinental de transport de courrier, initié par le constructeur d’avions, fondateur de la fameuse Aéropostale, Pierre Latécoère, effectué à bord d’un Salmson 2A2, piloté par Henri Lemaître, décollait le 8 mars 1919 de Toulouse vers Casablanca, en passant par Barcelone, Alicante, Malaga et Rabat.
Il transportait un fret de missives, mais aussi, pour le symbole, à destination de Lyautey, un fac-similé du quotidien Le Temps et un bouquet frais de violettes pour la maréchale.
Ce vol préfigurait l’ouverture, en septembre de la même année, d’une liaison régulière reliant Toulouse à Casablanca, considérée comme la première ligne long-courrier française, suivie de la saga de l’extension de la ligne Casablanca-Dakar.
Que de figures légendaires ont posé là leurs aéronefs dont on peut citer à titre d’exemple Jean Mermoz, surnommé l’Archange ou l’auteur de «Vol de nuit», Antoine de Saint-Exupéry!
Dans un contexte de Seconde Guerre mondiale, le site aéroportuaire de Casa-Anfa, qui avait vu un développement conséquent dans les années 1930, s’est concentré sur une fonction strictement militaire.
Rééquipé à neuf par les Alliés, le port aérien accueillit dès lors un important trafic civil, devenant le berceau de la compagnie Air Atlas qui fusionna avec Air Maroc en 1953, donnant naissance quatre années plus tard à notre compagnie nationale Royal Air Maroc, dont le siège est établi dans l’ancien camp d’entraînement des réservistes.
Signe des temps: la ville a gagné du terrain de manière inéluctable.
C’est ainsi qu’à partir des années 1970, les activités techniques et d’exploitation de l’aéroport Casa-Anfa ont commencé à être dirigées vers l’aéroport Mohammed V, sans pour autant cesser certaines activités, dont celles liées au Centre de formation du personnel de l’aviation civile et de la météorologie, avant la désaffection du territoire de l’aérodrome de sa fonction aéronautique en 2007 et le transfert de ses activités aux aéroports de Benslimane et de Nouaceur.
Je la vois d’ici, la salle d’exposition abritant toutes ces cartes postales, ces photographies, ces extraits de livres, ces coupures de journaux, ces animations, restituant les événements historiques, les aventures humaines, «le rêve audacieux» de pilotes pionniers qui ont bravé les cieux, les hôtes célèbres depuis le président américain Franklin Roosevelt en 1943 jusqu’au roi d’Espagne Juan Carlos en 2006!
J’imagine un vaste espace consacré à des objets authentiques, à des prototypes et à de précieuses reliques d’avions de légende: Breguet, Caravelle, Constellation …
À ce propos, le Lockheed Constellation L749, considéré comme «l’un des plus beaux avions de ligne à hélice jamais construit», détient au Maroc une valeur symbolique, ayant été utilisé dans les voyages aériens par le sultan Mohammed V et par la famille royale durant les premières années de l’Indépendance.
Et comme il est permis de rêver, qui nous empêche d’aller en visite, de musée en musée, dans une ville qui en manque si cruellement?
«Notre idée est irréalisable. Il ne nous reste plus qu’une chose à faire: la réaliser», disait Latécoère.
Notre esprit voyage, entre temps, du musée de l’aviation à celui de la marine, du musée de la Résistance à l’art du Marsaoui en passant par le musée de l’Homme!
Sauf que là, si ma mémoire est bonne, des travaux relatifs au parc archéologique avaient bien été entamés en 2014… Vérification faite, j’apprends via d’anciens articles de presse sur le Net qui sont, à défaut d’être frais, visiblement plus joyeux à lire, que tout un chantier muséal est mis en place dans le cadre de la vision 2020.
En tout: pas moins de sept musées sont prévus à Casablanca: le parc archéologique de Sidi Abderrahmane, le musée de l’art moderne, le musée de l’histoire maritime, le musée de la Résistance, le musée de la mode et du design, le musée de l’aviation, le musée de l’Histoire du Maroc.
Rassurant de savoir que de telles perspectives ne sont pas que des chimères et élucubrations de doux rêveurs!
Voyons voir maintenant de plus près quand il nous sera permis de voir nos vœux exaucés ou, pour paraphraser Antoine de Saint Exupéry, de faire de notre vie un rêve et d’un rêve, une réalité.
Date d’échéance des chantiers: Entre 2016 et 2017. Extraordinaire! Cela ne fait jamais que sept années de retard!