L’École de Casablanca en force à la 60ème édition de la Biennale de Venise

La 60ème édition de la Biennale des arts de Venise se tiendra du samedi 20 avril au dimanche 24 novembre 2024.

La 60ème édition de la Biennale des arts de Venise se tiendra du samedi 20 avril au dimanche 24 novembre 2024.. andrea avezzu'

Pour la première fois depuis sa création, l’École de Casablanca sera représentée à la Biennale de Venise. L’occasion pour le Maroc de faire valoir son rôle d’acteur majeur dans les modernismes des pays du Sud, encore très méconnus, à travers ce mouvement pionnier qui a révolutionné le monde des arts plastiques dans le Royaume et bien au-delà.

Le 08/03/2024 à 15h34

Du 20 avril au 24 novembre prochains, la grand-messe du monde de l’art se tiendra, comme tous les deux ans, dans des endroits emblématiques de Venise: au gré des allées boisées des Giardini et dans les espaces de l’Arsenal, où se nichent les pavillons officiels des pays invités et les expositions de la Biennale.

À l’occasion de cette 60ème édition de l’exposition internationale, dont le thème s’intitule «Foreigners everywhere» (Étrangers partout), deux sections seront présentées: le «Nucleo Contemporanero», qui se concentrera sur «l’activisme de la diaspora» et «la désobéissance de genre», et le «Nucleo Storico», qui rassemble des œuvres du XXème siècle d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. C’est au sein de cette section, présentée dans la salle «Abstractions» du pavillon central, au cœur des Giardini, que le Maroc sera représenté par les artistes de l’École de Casablanca.

Au sujet du thème de cette 60ème édition, Adriano Pedrosa, commissaire de l’exposition internationale, rappelle, dans son introduction, que «la Biennale Arte 2024 s’adresse en priorité aux artistes eux-mêmes étrangers, immigrés, expatriés, diasporiques, émigrés, exilés ou réfugiés, en particulier ceux qui ont évolué entre le Sud et le Nord». En effet, poursuit-il, «la migration et la décolonisation sont ici des thèmes clés» de la Biennale, mais aussi, notera-t-on, de l’École de Casablanca, qui œuvrera à écrire les pages d’une nouvelle histoire de l’art, marocaine, tournant le dos à l’hégémonie de l’art colonial, encore très présent dans l’environnement plastique des années 1960.

Les artistes indigènes, acteurs des modernismes du Sud, au cœur du «Nucleo Storico»

Le Maroc rejoint ainsi la liste des pays participant à la Biennale de Venise avec quatre artistes parmi les 37 exposés au sein de la salle «Abstractions» du pavillon central, originaires de l’Argentine, d’Aotearoa (Nouvelle-Zélande), du Brésil, de la Colombie, de Cuba, de la République dominicaine, de l’Égypte, du Guatemala, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Irak, de la Jordanie, du Liban, du Mexique, du Pakistan, de la Palestine, des Philippines, de Porto Rico, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.

Pour la première fois, la plupart des artistes qui composent le «Nucleo Storico» de la biennale seront exposés ensemble, avec une œuvre de chacun, principalement des peintures, mais aussi des œuvres sur papier et des sculptures, couvrant la période 1905-1990. L’occasion, selon Adriano Pedrosa, de «tirer des leçons de ces juxtapositions imprévues dans la chair qui, espérons-le, nous indiqueront alors de nouvelles connexions, associations et parallèles». Car avec l’inclusion pour la première fois de la grande majorité de ces artistes au «Nucleo Storico» de la Biennale Arte, «une dette historique leur est payée», estime-t-il.

Un choix judicieux qui entend rétablir un équilibre entre les modernismes des pays d’Europe et d’Amérique, eux bien connus et documentés, et ceux des pays du Sud, encore largement méconnus. Se révéleront ainsi «les types uniques et distincts de modernisme dans les pays du Sud (qui) prennent des figures et des formes radicalement nouvelles car ils dialoguent souvent avec des récits et des références locaux et autochtones», explique-t-on.

Des artistes marocains qui se démarquent

Avec l’École de Casablanca, mouvement artistique créé dans les années 1960 et qui constitue la trame originelle d’un mouvement plastique marocain très important, le Maroc s’avère être une pièce maîtresse du grand échiquier des modernismes mondiaux. Le mouvement artistique sera représenté sur les cimaises de la salle «Abstractions» par des grands noms: Mohamed Chebâa et Mohamed Melehi, deux des trois fondateurs de l’École de Casablanca (au côté de Farid Belkahya qui ne figure pas dans la liste des artistes de cette 60ème édition de la Biennale de Venise), et Mohamed Hamidi, acteur majeur de ce mouvement.

À leur côté, on retrouve Mohamed Kacimi, emblème de l’artiste militant et novateur des années 1980, l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre, qui a participé à la mondialisation de l’art contemporain arabe.

Au sein de la salle «Abstractions» du pavillon central, les artistes marocains sortent du lot. En effet, souligne Adriano Pedrosa dans son introduction, «une référence incontournable ici est l’extraordinaire école de peintres marocains de Casablanca, dont certains seront présentés pour la première fois à la Biennale». Ce qui intéresse ici, poursuit le commissaire de la Biennale de Venise, «c’est un certain type d’abstraction qui se détache de la tradition géométrique abstraite constructiviste européenne, avec sa grille orthogonale rigide de verticales et d’horizontales et sa palette de couleurs primaires, pour privilégier des formes plus organiques et curvilignes, des couleurs vives et décomplexées, dans des compositions saisissantes».

Autre artiste marocaine elle aussi présente, Bouchra Khalili s’impose dans la section «Nucleo Contemporaneo». Ces œuvres cinématographiques, photographiques et sérigraphiées forment une critique intelligente des idées de langage, d’histoire commune et d’identité multiforme, une exploration et une interrogation approfondies des concepts complexes de liberté, de géographie et de nation. Elle se démarque dans cette section aux côtés des nombreux artistes ayant exploré de multiples manières l’élément textile et dont les œuvres «révèlent un intérêt pour l’artisanat, la tradition et le fait main, ainsi que pour des techniques parfois considérées comme autres, étrangères ou étranges dans le domaine plus large des beaux-arts», relève Adriano Pedrosa.

Par Leïla Driss
Le 08/03/2024 à 15h34