Jean Zaganiaris, sociologue et essayiste, s’éteint à 54 ans

L'écrivain et sociologue Jean Zaganiaris.

Figure majeure des études sur le genre et les sexualités dans la littérature marocaine, Jean Zaganiaris est décédé le 29 juillet 2025, à 54 ans. Enseignant-chercheur, essayiste et chroniqueur, il laisse derrière lui une œuvre audacieuse qui interroge les normes et les représentations.

Le 30/07/2025 à 14h37

Le sociologue et écrivain Jean Zaganiaris est décédé hier mardi 29 juillet 2025, en France, à l’âge de 54 ans. Figure incontournable des études sur les genres et les sexualités dans la littérature marocaine contemporaine, il laisse derrière lui une œuvre riche et engagée, marquée par un regard critique sur la société et la culture.

Installé au Maroc depuis 2004, Jean Zaganiaris a travaillé en tant qu’enseignant-chercheur à l’École de gouvernance et d’économie de Rabat entre 2010 et 2019. Il était également membre encadrant de la formation doctorale «Genre, culture, société» à l’Université Hassan II.

Mobilisant les outils de la philosophie et de la sociologie, ses recherches ont porté sur les représentations des genres, des sexualités et des transidentités dans la littérature. Un engagement qu’il a concrétisé à travers son ouvrage majeur: «Queer Maroc: sexualités, genres et (trans)identités dans la littérature marocaine», publié en 2014.

Une réflexion sur la vulnérabilité et les espaces «autres»

Zaganiaris s’intéressait également à la question de la vulnérabilité des corps et des espaces hétérotopiques, ces «lieux autres» présents dans les productions littéraires. Ses travaux reposaient sur une approche innovante, mêlant analyses textuelles, entretiens avec des écrivaines et observations ethnographiques.

À travers les écrits d’auteures marocaines comme Siham Benchekroun, Ghita el Khayat, Siham Boulhal, Souâd Bahéchar ou encore Rajae Benchemsi, il a exploré la manière dont les femmes expriment leurs réalités dans une société marquée par des contraintes, mais aussi par des poches de liberté.

La question des masculinités et de la sexualité masculine

L’œuvre de Zaganiaris ne s’arrêtait pas à l’étude du féminin. Elle abordait également la construction des masculinités dans la littérature, notamment à travers les figures paternelles et la révolte contre l’autorité patriarcale. Ses références incluent des auteurs emblématiques tels que Driss Chraïbi, Mohamed Choukri, Mohamed Nedali ou Bahaa Trabelsi, mais aussi des écrivaines françaises publiant au Maroc comme Valérie Morales Attias et Stéphanie Gaou.

Il a également analysé les représentations de la sexualité masculine, entre amants attentionnés et figures machistes, violentes ou traîtres, en s’appuyant sur des écrivains tels que Mohamed Leftah, Abdelhak Serhane ou Abdellah Taïa.

En dehors de son activité académique, Jean Zaganiaris participait régulièrement à l’émission «Avec ou sans Parure» sur Luxe Radio et signait des chroniques littéraires dans le journal marocain Libération. Plus récemment, en mars 2024, il avait rejoint le média marseillais Peuple Olympien, où il publiait des dossiers approfondis.

Il fut également l’un des fondateurs du Cercle de littérature contemporaine, aux côtés de Mamoun Lahbabi, Abdellah Baida et Maria Guessous, consolidant ainsi son rôle d’animateur du débat littéraire.

Avec son approche audacieuse des questions de genre et de sexualité, Jean Zaganiaris a ouvert des voies nouvelles dans la compréhension des dynamiques sociales et culturelles du Maroc contemporain. Son œuvre, à la croisée des sciences sociales et de la littérature, continuera d’inspirer chercheurs, écrivains et lecteurs.

Par Qods Chabâa
Le 30/07/2025 à 14h37