Il y a 80 ans, Staline commanditait l’assassinat de Trotski: sur les traces de l’arme du crime

L'arme du crime, un piolet, est aujourd'hui exposée dans un musée de la capitale américaine. 

L'arme du crime, un piolet, est aujourd'hui exposée dans un musée de la capitale américaine.  . DR

Un piolet: c’est l'arme qui a servi à tuer Léon Trotski le 20 août 1940. Après une longue quête, le fameux piolet est aujourd'hui exposé au Musée international de l'espionnage à Washington.

Le 19/08/2020 à 09h18

Il a fallu pas moins de quatre décennies à Keith Melton, historien de l'espionnage au sein de la CIA, pour mettre la main sur l'arme du crime. Et tout autant pour découvrir pourquoi Ramon Mercader, l'assassin envoyé à l'époque par Joseph Staline, avait utilisé cet outil d'alpinisme pour tuer le révolutionnaire russe (1879-1940).

Keith Melton, qui a parcouru le monde pour rassembler sa collection et ouvrir le Musée de l'espionnage, s'est lancé sur la piste du piolet, disparu peu de temps après l'assassinat, dans les années 1970.

"J'aime les enquêtes de détective. Celle-là m'a donné du fil à retordre", admet-il. Avec toujours une question en tête tout au long de sa quête: mais pourquoi un piolet ?

Tirer sur le bolchevik de 61 ans aurait été bien plus facile, après plusieurs tentatives ratées des services secrets russes (NKVD).

A Mexico, Léon Trotski ne quittait jamais sa résidence, entouré d'une poignée de gardes armés.

Mais Ramon Mercader a pénétré son entourage en devenant l'amant d'une trotskyste new-yorkaise, auprès duquel il s'était fait passer pour le fils gauchiste d'un riche diplomate belge -- une couverture conçue par le NKVD.

Tirer sur Trotski était alors une possibilité, mais le bruit aurait pu compliquer la fuite de l'assassin. De plus, selon Keith Melton, quelques semaines auparavant, le révolutionnaire avait fait installer un portail électrique contrôlé par ses gardes.

Il fallait donc que Ramon Mercader tue Trotski sans faire de bruit et que ce dernier meure instantanément afin que l'assassin puisse quitter les lieux sans éveiller les soupçons.

"J'avais une certaine aisance pour manier le piolet, en deux coups je pouvais briser un énorme bloc de glace", a-t-il ensuite raconté à la police.

Mais comment s'en procurer un à Mexico ? Le fils de son propriétaire en possédait un, Ramon Mercader le lui a dérobé. Le jour du crime, il l'a dissimulé dans son imperméable, avec un pistolet et un couteau.

Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Le piolet a pénétré à 70 millimètres de profondeur dans le crâne de Trotski, mais ce dernier n'est pas mort immédiatement. Il a crié, s'est débattu, les gardes ont été alertés et Ramon Mercader a été capturé.

Le Russe est mort à l'hôpital le jour suivant. Quant au piolet, après avoir été exhibé pendant une conférence de presse de la police, il a disparu.

Pendant ses recherches, Keith Melton a vu d'innombrables piolets présentés comme l'original, dont un exposé dans un musée à Prague. Mais aucun d'entre eux n'était de la marque ou du modèle de l'original, fabriqué en Autriche par l'entreprise Werkgen Fulpmes.

Finalement, en 2005, la fille d'un ancien officier de police mexicain, Ana Alicia Salas, a avoué avoir gardé le piolet des années sous son lit. L'instrument avait toutes les caractéristiques du piolet recherché et Keith Melton l'a acheté pour sa collection - à un prix qu'il ne souhaite pas révéler.

Comme preuve finale, l'historien, avec l'aide d'un médecin légiste de la CIA, a pu mettre au jour une empreinte digitale tachée de sang qui apparaissait sur des photos de police en 1940.

"Nous avons pu déterminer que des traces de l'empreinte étaient toujours sur le piolet", raconte-t-il. "Les contours collaient parfaitement avec l'empreinte de la photo".

Le 19/08/2020 à 09h18