Il y a 7.000 ans, le Sahara et le Maroc étaient peuplés par les ancêtres des actuels habitants

Bernard Lugan.

ChroniqueLa découverte de Takarkori, dans l’Acacus est de la plus haute importance, car elle nous renseigne sur les hommes qui vivaient dans le Sahara vert de l’époque, il y a 7.000 ans, soit vers 5.000 av. J.-C., durant la période pastorale et donc avant le changement climatique qui transforma la région en désert.

Le 15/07/2025 à 11h00

Une découverte importante a été faite à Takarkori, dans l’Acacus libyen. L’analyse de deux momies naturelles datées de 7.000 ans a en effet montré leur apparentement génétique à l’Homme de Taforalt qui vivait au Maroc 7 à 8.000 ans auparavant, soit il y a +- 15.000 ans.

Toute l’histoire du peuplement de l’Afrique s’inscrit dans les incessants changements climatiques identifiés sur le continent. À partir de +- 15.000, après une longue période de froid et d’aridité, l’Afrique a connu une période humide. Ce fut le Grand Humide holocène– l’holocène est l’étage géologique le plus récent du Quaternaire–, qui dura jusque vers +- 4.000 av. J.-C. avec un maximum pluvio-lacustre vers 6.000 av. J.-C.

Au centre du Sahara, les massifs de l’Aïr, du Hoggar et de l’Adrar des Iforas donnèrent naissance à une multitude d’ouadi, alimentant un fleuve aujourd’hui disparu, l’Azawag, long de 1.600 km. L’actuel désert du Ténéré était alors une savane arborée. Plus à l’ouest, dans la région du Sahara marocain, les dépressions et les cuvettes étaient devenues des lacs. Quant au lac Tchad, il s’étendait alors peut-être jusqu’aux contreforts du Tibesti. Durant la période du Grand Humide holocène, dans tout l’ouest africain, les savanes, donc le Sahel, remontèrent de 500 à 1.000 km vers le nord.

Puis, un nouveau changement climatique se produisit avec l’Aride mi-Holocène (ou Aride intermédiaire ou Aride intermédiaire mi-Holocène) qui succéda au Grand humide holocène et qui s’inscrit entre deux périodes humides. Il s’agit d’un bref intermédiaire aride qui dura un millénaire au maximum et qui se situe chronologiquement entre +- 6.000 et +- 4.500 av. J.-C. selon les régions.

À cette parenthèse aride succéda le Petit Humide ou Humide Néolithique qui s’étendit de +- 5.000/4.500 av. J.-C. à +- 2.500 av. J.-C., et qui fut nettement moins prononcé que le Grand Humide Holocène. Ce fut lui qui donna naissance à la grande période pastorale saharo-sahélienne.

Cet épisode humide ne fut cependant qu’une parenthèse dans un processus d’assèchement continu qui n’a plus cessé jusqu’à nos jours, et cela, en dépit d’oscillations humides constituant autant de rémissions dans un phénomène de péjoration climatique régional allant du semi-aride vers l’aride absolu.

«Ils ont des gènes néandertaliens, certes en faible quantité, mais ce qui indique des contacts, même diffus, avec l’Europe.»

—  Bernard Lugan

La découverte de Takarkori, dans l’Acacus est de la plus haute importance, car elle nous renseigne sur les hommes qui vivaient dans le Sahara vert de l’époque, il y a 7.000 ans, soit vers 5.000 av. J.-C., durant la période pastorale et donc avant le changement climatique qui transforma la région en désert.

Les analyses ADN des deux individus de Takarkori momifiés naturellement révèlent cinq points essentiels:

1- Leur origine est nord-africaine;

2- Leur lignée révèle une profonde continuité génétique formant le fond des populations nord-africaines actuelles;

3- Ils ont des liens génétiques étroits avec les chasseurs-cueilleurs qui, il y a 15.000 ans, vivaient dans la grotte de Taforalt, au Maroc;

4- Ils n’ont aucun lien génétique avec les populations noires d’Afrique sud-saharienne;

5- Ils ont des gènes néandertaliens, certes en faible quantité, mais ce qui indique des contacts, même diffus, avec l’Europe, ce qui fait dire au professeur Johannes Krause (directeur de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste):

«Nos résultats suggèrent que, bien que les premières populations nord-africaines aient été largement isolées, elles ont reçu des traces d’ADN néandertalien grâce à un flux génétique provenant de l’extérieur de l’Afrique».

Le Sahara vert n’était donc pas un «corridor migratoire» entre l’Afrique du Nord et l’Afrique sud-saharienne. Voilà qui remet en question les hypothèses antérieures et qui permet de dire, comme l’écrit le professeur Nada Salem, que les habitants de l’Afrique du Nord procèdent à l’origine d’une population (une lignée génétique) localement enracinée et non d’un diffusionnisme comme cela a longtemps été admis. En d’autres termes, le socle de population ancien y est indigène et ne résulte pas de migrations venues de l’Est ou du Sud.

Source:

Nada Salem, Johannes Krause et alii, Ancient DNA from the Green Sahara reveals ancestral North African lineage. Nature, 02 April 2025, DOI: 10.1038/s41586-025-08793-7.

Par Bernard Lugan
Le 15/07/2025 à 11h00