Pour Hicham Lasri, l’espace est toujours beaucoup plus fort que les personnages parce qu’il conditionne quelque chose (leurs paroles et comportements, NDLR). Cette conviction de celui qui est féru de cinéma, de littérature et adepte du huis clos théâtral est transmise plus que jamais dans sa nouvelle pièce «Arab Lives Matter». Pour s’en sortir, quatre personnages, coincés dans le hall d’un immeuble sont obligés, à contrecœur, de communiquer entre eux pour calmer leurs peurs et leurs angoisses.
Le360 vous convie à découvrir les bonnes feuilles de cette pièce de théâtre où l’esprit «lasrien» est à son apogée.
Tableau 1:
Un homme en toge se découpe sous un faisceau de lumière christique. Il se racle la gorge… Puis il brandit un mégaphone. Il ouvre la bouche et se racle la gorge une deuxième fois, mais avec le mégaphone activé.
L’homme
On plante le décor: le hall d’une bâtisse qui sent le moisi, le XVIIème siècle et les chaussettes de maçon… L’épée de Damoclès du récit sera le détecteur de mouvement qui s’enclenche pour allumer les ampoules du hall… Peut-être que c’est le deus ex machina… On verra… Les personnages…
(Un temps)
Il y a Ali… Il est… Ali… Mmmh… Je ne vais pas tout raconter… Je vous laisse découvrir…
Il sourit.
Il baisse lentement la main qui porte le mégaphone…
La lumière baisse au même rythme...
Puis l’obscurité avale l’homme au mégaphone.
On reste quelques secondes dans le noir
Tableau 2:
Il fait sombre.
On entend le brouhaha d’une rue commerçante quelconque, du genre de la rue Saint-Georges à Rennes.
Le brouhaha continue un moment.
Puis un grésillement se fait entendre…
Une porte s’ouvre et on réalise qu’on est dans le hall d’un immeuble datant du XVIIème siècle. Ce sera le seul décor. Une silhouette molle se découpe dans l’encadrement de la porte. L’ombre qui s’étire sur le sol est encore plus ratatinée que la silhouette qui la génère.
C’est Ali qui fait une entrée spongieuse dans le hall de l’immeuble en travaux où il loge depuis quelques mois. Un peu partout il y a des outils, des machines, des câbles, du bois, des plaques... C’est le chantier.
La silhouette s’avance et la porte se ferme très lentement sur l’obscurité…
Le faisceau lumineux se résorbe entre les jambes de la silhouette et s’arrête une seconde au moment où il semble devenir une lame grattant le sol.
Puis la porte se referme avec fracas…
La silhouette fait quelques pas et on entend le bruit d’un sac de patates qui s’écrase… Un petit cri de douleur accompagne la cascade. Un souffle rauque sature l’obscurité. On ne voit pas ce qui se passe, mais on entend l’agitation.
Une boîte à outils s’écrase sur le sol avec fracas et les outils se dispersent, formant une mare de notes métalliques sous la nappe des gémissements d’Ali.
On reste dans l’obscurité pendant un moment.
Les gémissements d’Ali s’étirent
(...)