Le «fassad» nouveau expliqué à mes enfants

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ChroniqueIl était une fois, quelque part dans un pays où il fait très bon vivre, surtout quand on a les moyens, des gens qui profitaient un max de ce pays et dans ce pays, sans se soucier une seconde de ce que peuvent bien penser tous les autres gens de ce pays.

Le 16/08/2016 à 11h03

Mes chers enfants,

Depuis que vous êtes nés, ou plus exactement depuis que vous avez commencé à comprendre, j’ai toujours essayé de vous expliquer ce qu’est le faux et le vrai, le juste ou le pas juste, le conseillé et le déconseillé, le permis et l’interdit, bref, en gros et pour faire court et simple, ce qu’est le bien et le mal.

En vérité, je n’ai fait que vous transmettre les valeurs morales et parfois religieuses - même si, entre nous, je n’ai jamais été très costaud sur ce rayon – valeurs que m’ont transmises mes parents ainsi que certains de mes maîtres et mes enseignants lesquels, soit dit en passant, n’étaient pas tous des musulmans.

Mes chers enfants,

Comme il m’est déjà arrivé de vous le rapporter, tout cela on m’apprenait à l’école déjà quand j’étais tout petit. En effet, je ne me souviens plus si c’est en CP ou en CE1, nous avions un cours de morale chaque matin. Oui, vous aviez bien lu : morale et tous les matins. Mieux : c’est avec ça qu’on commençait.

Ma maitresse, une jolie blonde, grande comme un palmier et belle comme un cœur, nous expliquait lentement et en articulant bien les mots pour qu’on n’en rate pas le sens, que ce n’est pas bien de mentir, que c’est vilain de tricher, que c’est moche de copier, que c’est méchant de tromper, que c’est affreux de corrompre, que c’est ignoble de trahir, que c’est interdit de voler etc., etc., etc.

Comme je vous le disais, tout cela rejoignait et complétait ce que m’inculquait, à leur manière, ma mère, mon père, mes tantes, mes oncles, mes grandes sœurs et mes grands frères. Et je crois que c’est pour cela que plus tard, je suis devenu si obtus en tentant, autant que faire se peut, d’appliquer à la lettre les préceptes des uns et des autres.

Et puis, encore plus tard, quand vous êtes arrivés, mes chers enfants, pour égayer mon monde, j’ai tenu à vous les répéter autant que je peux avec l’espoir que vous arriviez à les appliquer à votre tour, tout en sachant qu’actuellement, les choses étant devenues ce qu’elles sont, il n’est pas toujours facile de les mettre en pratique. Mais, le vrai problème n’est pas là.

En fait, mes chers enfants, si j’ai décidé de vous reparler aujourd’hui de tout cela, c’est que j’ai l’impression que toutes ces valeurs dont je vous ai toujours parlé n’ont plus ni la même valeur ni même le même sens qu’avant. Certains pourraient même me dire, et ils n’auraient pas tout à fait tort, qu’elles n’ont plus aucune valeur ni aucun sens. Justement, c’est un peu de cela que je voulais vous parler.

Je vais vous raconter une histoire. Il était une fois, quelque part dans un pays où il fait très bon vivre, surtout quand on a les moyens, des gens qui profitaient un max de ce pays et dans ce pays, sans se soucier une seconde de ce que peuvent bien penser tous les autres gens de ce pays.

Pour ce faire, et ce faisant, ils mentaient, trichaient, copiaient, trompaient, corrompaient, trahissaient, et parfois, volaient, et d’ailleurs je crois que c’est grâce à tout cela qu’ils sont devenus ce qu’ils sont, c’est-à-dire riches, forts, puissants, intouchables et tout et tout. Tout cela se pratiquait partout et a duré durant si longtemps que tout le monde a fini par s’y accommoder, à commencer par les autres gens qui en étaient les premières victimes, à savoir les pauvres gens.

Et puis, un jour, un beau jour, des gens qui vivaient dans ce même bled, mais qui donnaient l’impression de venir d’une autre planète, sont sortis dans la rue et ont commencé à haranguer la foule en leur disant qu’il est temps de cesser tout ce laisser-aller et que ce sont eux, et eux seuls, qui étaient capables de mettre fin, à l’immoralité, aux irrégularités, aux criminalités, à l’immunité, à l’impunité, bref, en un mot qui résume à leurs yeux tout, au fameux «fassad» que le Bon Dieu maudit et que tout le monde le prend à la rigolade.

Une bonne partie de leur auditoire, à force d’écouter religieusement leurs discours a fini par succomber à leur cour et a fini à son tour par leur déclarer leur grand amour. Jusqu’au jour où tout ce beau monde a découvert que tous ces beaux parleurs et tous ces prétendus bienfaiteurs étaient également de grands pécheurs qui ne voulaient, en fin de compte, qu’être, eux aussi, tous nourris.

Et du coup, le “fassad” a perdu tout son sens et toute son essence, et que « tous pourris » a commencé à rimer avec «tous fassidine».

Voilà, mes chers enfants, ce que je voulais vous raconter et je n’ai plus rien à ajouter. Par ailleurs, je n’ai pas besoin de vous préciser que toute ressemblance avec des personnes ou des lieux existant ou ayant existé n’est qu’une malencontreuse coïncidence. Cela dit, si vous trouvez quand même que ça ressemble un peu beaucoup avec qui vous savez, c’est vous qui voyez…

Et, surtout, c’est vous qui votez.

Maintenant, mes chers enfants, mes chers lecteurs et mes chères lectrices, je n’ai plus qu’à vous dire vivement une vraie moralité dans ce pays et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 16/08/2016 à 11h03