Une mèche pour les Iraniennes mais rien pour les enfants-soldats de Tindouf…

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ChroniqueMalheureusement, Giulia Pace n’est ni Gigi Hadid, ni Marion Cotillard ou Juliette Binoche. Le grand public ne la connaît pas et en plus, il n’existe aucun hashtag pour la cause qu’elle défend, celle des enfants soldats de Tindouf. Pas de hashtag, pas de mobilisation, pas de médiatisation… Ainsi va le monde aujourd’hui.

Le 09/10/2022 à 12h04

Aujourd’hui, l’engagement pour une cause est dicté par les tendances du moment sur les réseaux sociaux. Cette année, à la Une des médias et des fils d’actualité des réseaux sociaux, les Ukrainiennes ont détrôné les Afghanes, avant qu'elles-mêmes ne passent au second plan derrière les Iraniennes.

Les conflits et les guerres s’enchaînent à un tel rythme aux quatre coins du monde que les Mère Teresa et les Abbé Pierre des réseaux sociaux, si prompts à dégainer un hashtag «je suis», ne savent plus où donner de la tête. Jusqu’à la Tour Eiffel, devenue une véritable boule à facettes à force de changer de couleurs en hommage à la cause du moment, entendez par là, celle qui fait le buzz et bénéficie du plus gros quotient sympathie au sein de la société.

Dernièrement, ce sont donc les Iraniennes qui sont devenues les nouvelles coqueluches des discussions de salons et des stars qui ont besoin de donner du sens à leur vie. Comment faire pour les soutenir? Comment les aider à se libérer, à changer à leur vie, à quoi d'autre encore? Il y a tellement à faire... C’est là que certaines figures médiatiques ont eu une idée lumineuse, brillante, judicieuse, osée, courageuse: se couper les cheveux. Mais pas n’importe comment! En se filmant pardi, et bien sûr, en postant sur les réseaux sociaux cette vidéo, parce que c’est comme ça qu’on existe aujourd’hui.

On a donc vu défiler un certain nombre de vidéos de stars françaises du cinéma et de la chanson se coupant courageusement… les pointes. FLOP… c’est le bruit qui a retenti à nos oreilles en les regardant armées de leurs petits ciseaux, s’emparer d’une mèche de cheveux, la contempler d’un regard en coin inquiet pour finalement laisser glisser leurs doigts jusqu’à son extrémité, et n’en couper finalement qu’un ou deux petits centimètres… Parce que bon les Iraniennes sont bien sympas mais on ne va quand même pas ruiner notre capital capillaire pour des bonnes femmes qu’on ne rencontrera jamais et qu’on aura oublié sitôt qu’Instagram nous aura dicté une nouvelle tendance.

Les Afghanes en savent quelque chose, elles qu’on a adoré soutenir de loin, s’insurgeant le poing levé et si possible les seins à l’air contre leur oppression par les mollahs. Un combat d’autant plus important qu’il implique un voile religieux. Ça, c’est très vendeur… Mais quand il a fallu accueillir celles qui ont fui leur pays lâché par l’Occident, on a tout d’un coup tourné la tête. Quoi, elles viennent chez nous? Non, non, mesdames, ça ce n’est pas du jeu. Après tout, on ne partage pas la même culture, les même référentiels, ça va poser des problèmes d’intégration, et tout et tout…

Les Ukrainiennes ont eu plus de chance. Elles ont pu fuir leur pays avec l’aide de la communauté internationale et être accueillies et logées gratuitement dans les pays européens, voir leurs enfants scolarisés, protégés, intégrés… C’est pas pareil. Elles sont culturellement et religieusement proches de leurs pays d’accueil, c’est ce qu’on nous a expliqué. Aujourd’hui, on aide «vraiment» ceux qui nous ressemblent. Pour les autres, on fait des posts sur Instagram.

On ne s’attend donc pas à grand-chose de la part de ces héroïnes de pacotille, à la générosité aussi bidon que leur grandeur d’âme, dont l’engagement reflète la politique hypocrite de leurs pays respectifs, s’agissant des enfants soldats qui croupissent dans les camps de Tindouf, en Algérie, et qui sont enrôlés, embrigadés dès leur plus jeune âge par les milices armées du Polisario.

Pas assez instagrammables, sûrement… Pourtant Giulia Pace, membre de l’ONG II Cenacolo a rappelé le 6 octobre devant la 4e commission de d’Assemblée Générale de l’ONU à New York, que l’endoctrinement et l’enrôlement de ces enfants constituent un crime contre l’humanité et un déni des droits des enfants recrutés, et par la même occasion, une violation flagrante des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité en la matière.

Mais malheureusement, Giulia Pace n’est ni Gigi Hadid, ni Charlotte Gainsbourg, ni Marion Cotillard, Carla Bruni ou Juliette Binoche… Le grand public ne la connaît pas, et en plus, il n’existe aucun hashtag pour la cause qu’elle défend. Pas de hashtag, pas de mobilisation, pas de médiatisation… Ainsi va le monde aujourd’hui.

On va donc passer notre tour sur le sort de ces enfants arrachés à leurs familles, privés de leur enfance, d’éducation, de soins de santé, de leurs droits. Et tant pis si ça se passe aux portes de l’Europe, juste en face précisément, au Sud-Ouest de l’Algérie, un petit coin de paradis qui est devenu l’une des plus vastes concentrations d’embrigadement militaire d’enfants en Afrique, comme le rappelle Giulia Pace, dans l’indifférence générale.

Comment soutenir ces enfants oubliés par le monde entier, qui n’ont pas voix au chapitre tout en ménageant l’Algérie où se rend aujourd’hui Elisabeth Borne, Première ministre française, en compagnie de seize (!) autres ministres de son gouvernement pour renforcer la nouvelle amitié entre les deux pays?

Entre le gaz pour se chauffer cet hiver et ces enfants sahraouis, qui après tout ne partagent pas le même référentiel culturel que l’Occident, le choix est vite vu. Et puis imaginez donc qu’on crée un hashtag pour eux aussi, ils pourraient prendre ça comme une invitation à se jeter à la mer, et à grossir les rangs des mineurs maghrébins qui font tache dans les rues bien propres sur elles des capitales européennes. Non, sortir ces enfants de leur enfer, ce serait trop risqué. Alors, continuons à soutenir nos sœurs iraniennes, qui, elles, vivent très très loin de chez nous, au nom du féminisme et de la liberté des femmes à disposer de leur corps, et coupons-nous les pointes.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 09/10/2022 à 12h04