Il y a vingt-trois ans, le 20 août 1999, le Roi Mohammed VI prononçait son premier discours et déjà, la place de la femme au sein de la société marocaine y occupait une place importante.
«Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre sainte religion les a mises sur un pied d’égalité avec les hommes, des droits qui correspondent à leur noble mission, leur rendant justice contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi?», déclarait le Roi Mohammed VI, alors tout juste intronisé.
Des paroles puissantes, annonciatrices de changements profonds au sein de la société marocaine, lesquels se sont concrétisés quelques années plus tard, le 10 octobre 2003, avec la promulgation par le souverain du Code de la famille, la Moudawana, codifiée en 1958 sous le règne de Mohammed V, puis amendée une première fois en 1993 par Hassan II.
Au cours de ces dix-neuf années qui séparent la promulgation de la Moudawana et la nécessité d’une réforme de ce texte, formulée par le Roi dans son discours du 30 juillet 2022, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Perpétuelle mineure passant de l’emprise de son père à celle de son mari, privée de prendre des décisions pour ses enfants, ne pouvant endosser aucune responsabilité au sein de la famille, soumises à la loi de la répudiation, ne pouvant pas divorcer… La femme marocaine a parcouru un sacré bout de chemin, mais pour autant toujours semé d’embûches.
Car entre l’esprit du texte et son application, les droits des femmes peinent encore à être appliqués avec à titre d’exemple le mariage des mineurs qui sévit toujours, au même titre que la polygamie. En cause, est-il pointé dans le discours royal, «certains obstacles», à même de parfaire la réforme initiée et d'atteindre les objectifs escomptés, et parmi ces écueils, «l’application (...) incorrecte du Code en raison de divers facteurs sociologiques».
En effet, on ne sait déjà que trop bien qu’au Maroc les lois et les mentalités s’entrechoquent, rendant ardue la bonne application de l’esprit de la Moudawana dans des régions où les traditions et les coutumes ont la peau dure. Mais il n’en demeure pas moins que la formation et la sensibilisation des juges officiant au sein des tribunaux de la famille à l’esprit de la réforme reste un enjeu majeur, tout autant que la limitation de la marge d’interprétation qui leur est octroyée par le Code de la Famille.
Par ailleurs, au-delà des échecs de la loi sur le terrain, les revendications des Marocaines d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier. Ainsi, si la femme a gagné le droit de divorcer, aujourd’hui les dispositions prévues dans le code de la famille s’avèrent discriminatoires en matière de garde des enfants et de pension.
On notera aussi parmi ses revendications, la question de l’égalité dans l’héritage qui est certainement l’une des plus épineuses en ce qu’elle a trait à la religion ou aussi celle du droit de l’avortement.
Le discours prononcé hier par le Roi Mohammed VI est à plus d’un titre une bouffée d’oxygène pour les Marocaines, un message d’espoir qui nous fait entrevoir des lendemains meilleurs pour toutes celles qui peinent encore à jouir des principes d’égalité en droits et de parité, pourtant consacrés dans la Constitution de 2011.