Il fut un temps où à l’école comme à l’usine, on portait un uniforme. Au-delà du fait de maintenir nos habits propres, l’idée était surtout d’instaurer une uniformisation parmi les élèves.
Cet uniforme, qu’on retire aujourd’hui aussitôt passé le pas de la porte pour mieux arborer son petit haut sexy devant ses potes, était alors une manière de gommer les différences sociales, de ne pas afficher sa caste, des signes ostentatoires de richesse ou a contrario de pauvreté et ainsi mettre tout le monde sur un pied d’égalité.
Aujourd’hui, l’uniformisation prend une autre dimension et se définit tout autrement: c’est le physique qui prend le pas sur l’habit. Si l’uniforme tend à disparaître de plus en plus des cours d’école, l’uniformisation, elle, gagne du terrain en s’attaquant maintenant au physique.
Fesses ultra-généreuses, taille de guêpe anormalement fine, poitrine débordante, lèvres pulpeuses, petits nez retroussés, longue chevelure noir corbeau… Si on devait dresser un portrait robot des Marocaines d’aujourd’hui, il ressemblerait à cela.
Mais qu’est-ce qu'il s’est passé?
Elles sont loin (déjà) les années 90. Ce temps pas si lointain pourtant où on copiait comme on pouvait, c’est-à-dire avec les moyens du bord, nos stars préférées. Celles dont on recouvrait nos murs de posters, celles auxquelles on voulait ressembler en nouant de la même manière une chemise ou en adoptant la même coiffure.
Aujourd’hui, les posters ont disparu des chambres et les murs sont désespérément vides… Pour les remplir d’images, il aurait fallu acheter des magazines, il aurait fallu lire mais ça, c’est fini. Il paraît que sous nos cieux, on lit 2 minutes par jour… Quelques accroches sur Facebook ou une série de hashtags sur instagram, et hop, on est déjà en overdose de lecture.
De la même manière que les posters d’antan ont été remplacés par des posts sur instagram, les stars, elles aussi, sont une espèce en voie d’extinction, supplantées qu’elles sont par ces influenceuses qui imposent les nouveaux diktats de la mode, de la beauté et de l’art de vivre.
Cette dictature esthétique 2.0 a envahi le monde et particulièrement notre pays où il commence à devenir ardu de parler encore de cette légendaire et ancestrale beauté marocaine.
A chaque coin de rue, dans chaque boutique, sur chaque serviette de plage, des clones de Kim Kardashian chaloupent de leurs hanches disproportionnées, leur longue crinière noire bien mises en avant.
Nos critères de beauté changent, désespérément mus vers une occidentalisation de nos traits, et surtout, pervertis par ces mêmes demandes qui témoignent d’une culture basée sur le faux, ou en langage réseau social, le fake: des cheveux kératinés, des extensions, des faux cils, des faux ongles, des faux seins, des prothèses, des injections, des lentilles… Au point qu’il en devient difficile de se distinguer les unes des autres. De savoir à qui on a affaire. De reconnaître l’autre sur une photo d’enfant. De savoir si oui ou non cet enfant ressemble à sa mère.
Dans nos rues, peu ou pas de galeries d’art, de musées, de cinémas. De rares librairies, pas de bibliothèques… Un vide intellectuel sidéral a envahi la cité, au profit d’un foisonnement de salons de beauté et de cliniques de chirurgie esthétique qui font leur beurre sur le dos d’une génération de femmes en mal de repères qui sautent le pas de la chirurgie avec une facilité consternante.
De quoi donc se nourrit ce besoin d’être quelqu’un d’autre? Pourquoi cette apologie du faux, de l’irréel gagne-t-elle autant de terrain? A quoi donc se raccroche-t-on aujourd’hui pour se construire une personnalité? Et enfin, qu’est-ce qu’être une femme aujourd’hui?
Autant de questions qui feraient faire à Simone de Beauvoir des saltos arrière du haut de son au-delà.
Simone qui?