Une paire de fesses qui s’affiche sur la page facebook de Mohamed Yatim, notre ministre de l’Emploi, une femme en prison pour avortement clandestin et relations sexuelles hors mariage, une autre poursuivie pour incitation à la débauche… La rentrée politique au Maroc s’annonce depuis plusieurs mois sur fond de scandales à caractère sexuel impliquant, au premier plan, des femmes.
Ce type d’affaires de mœurs, nous en avons pris l’habitude au Maroc. Plus précisément, nous en sommes devenus coutumiers depuis le printemps arabe qui a vu la chute de pouvoirs autoritaristes.
En lieu et place de programmes politiques, c’est à une batterie de valeurs religieuses, conservatrices et machistes que nous nous confrontons plus que jamais. Et à contrario, dans ce nouveau modèle social qui se pense épuré et pur, jamais nous n’aurons tant parlé de sexualité et du corps féminin.
Ce printemps arabe, que l’on qualifiait alors naïvement de révolution des femmes tant celles-ci occupaient les premiers rangs des manifestations, a tourné, pour nous les femmes, au fiasco.
Le rêve de sociétés arabo-musulmanes reconstruites par des hommes et des femmes sur la base d’un projet commun, prônant le respect et l’égalité, a sombré. En lieu et place de cela, un islam politisé, que certains pensaient gage de transparence et d’intégrité, qui met à mal la situation des femmes.
Ne nous y trompons pas. Ces histoires de femmes teintées de scandales, de polémiques sur fond de faits divers sordides qui impliquent beaucoup trop souvent sexe et mœurs sont l’affaire de tous, et pas seulement des féministes.
A force de nous y retrouver confrontés au quotidien, un sentiment de profonde lassitude s’installe en nous. Une envie irrépressible d’ailleurs, une conviction (bien qu’infondée) qu’on serait mieux dans un autre pays et le rêve persistant d’élever nos enfants dans une société plus ouverte et moins liberticide. Et de guerre lasse, nombreux sont les Marocains qui décident de quitter leur pays pour élever leurs enfants, et surtout leurs filles, sous d’autres cieux.
Ces conversations qui s’éternisent jusque tard dans la nuit où nous comparons notre Maroc d’avant à ce Maroc d’aujourd’hui en reviennent toujours au même constat. Ce n’était pas forcément mieux avant à bien des égards, mais une chose est sûre, cette religiosité extrême qui bride nos comportements, qui remplace toute réflexion et bannit toute forme d’autocritique est quelque chose de nouveau pour les trentenaires, et les plus âgés, de ce pays.
Nos parents, quand ceux-ci sont encore de ce monde, sont les premiers à s’en étonner. Eux qui ont connu la mode yéyé, le rock, les pantalons tailles basses, les chaussures à talon des hommes, Ain Sbaâ quand Edith Piaf et Charles Aznavour y chantaient, Mohammedia à l’époque du Sphinx et de Jacques Brel, les avant-premières de films à succès étrangers aux cinémas Rialto, Rif ou ABC, en présence des réalisateurs et des acteurs. Eux qui se souviennent encore du premier coca-cola qu’ils ont bu, des paquets de trois cigarettes qu’ont leur parachutait dans les rues, eux qui dansaient, chantaient et riaient en écoutant Bouchaib Al Bidaoui…
«Hram», «débauche», «colonisation», «influence des koufars» s’insurgeront certains! Oui, peut-être, si l’on doit se référer aux propos de ceux qui tentent de nous faire croire que leur vision de la religion est la seule voie possible pour le salut du Maroc.
N’oublions pas pour autant d’où nous venons. Aujourd’hui plus que jamais, il est temps que nous nous tournions vers notre passé, notre histoire, non dans un élan de nostalgie, mais bien pour apprendre à mieux nous connaître et faire ainsi valoir notre exception marocaine.
Loin, bien loin de modèles importés d’ailleurs qui nous abreuvent d’interdits, de peurs et de remontrances à coups de fatwas et de prêches ridicules qui nous expliquent qu’il faut voiler le visage d’une femme car il ressemble à un vagin, que les légumes à forme phalliques doivent être achetés râpés par les femmes, qu’un mari a le droit d’avoir des relations sexuelles avec la dépouille de sa femme ou encore qu’une femme doit allaiter son collègue pour couper court à toute tentation pendant les heures de travail…
Nous en avons plus qu’assez aujourd’hui, nous Marocains de ce Maroc éclairé qui était celui de nos parents, de cette piètre comédie qui se joue sous nos yeux, en notre nom. Nous en avons assez d’être associés à cette farce ridicule qui traîne notre identité nationale dans la boue et qui nous fait baisser la tête devant les rires moqueurs et les critiques.