Alors, M. Abdelilah Benkirane, à vous entendre, le cannabis se réduit au kif, et n’est qu’une drogue? Avant de commencer à démonter ce tissu de fadaises, le vôtre, j’ai soigneusement pris le temps d’hydrater mes mains avec une crème à base d’huile de cannabis.
C’est donc de mes mains adoucies que je vous écris ceci: à vos yeux d’islamiste, et donc naturellement misogyne, certes, je ne suis «qu’une femme», et donc un être forcément inférieur à vous. Mais vous ne me faites certainement pas peur, et j’ai décidé, une fois de plus, de m’attaquer à votre «importante» personne.
J’ai lu, comme tout le monde, ou presque, des articles qui parlaient de la façon tonitruante avec laquelle vous vous êtes élevé contre le projet de loi légalisant le cannabis dans notre pays, pour différentes applications, dont celles à usages thérapeutiques.
J’ai déchiffré votre écriture rageuse, aussi, lorsque vous avez rédigé, sur une feuille que vous aviez déchirée d’un calepin, l’ordre du «gel» de votre adhésion au parti que vous avez fondé.
Votre coup de sang était dû au fait que l’un d’entre vos «frères», présidant un conseil de gouvernement, où d’ailleurs siègent quelques-uns des vôtres, avait approuvé ce projet de loi rendant légaux différents usages du cannabis, sauf celui récréatif.
Comment osez-vous, au nom de cette religion, qui est censée nous unir, mentir à ce point à votre public?
Bien évidemment que non, le cannabis n’est pas qu’une drogue, illicite en islam. Vous, ex-chef du gouvernement, ex-secrétaire général du PJD, vous le savez déjà, puisque vous avez eu à votre disposition le savoir qu’il faut, une documentation que vous avez au moins compulsée, sinon lue.
Comment avez-vous osé vous documenter (car il ne fait aucun doute qu’on a mis sous votre imposant nez ce qu’il vous faut savoir, une description des différents usages du cannabis, et le catalogue de ses différentes espèces et sous-espèces) et, ensuite, continuer, au nom de notre religion, à ainsi dissimuler la vérité, crue, nue, à tous ces aveuglés, allumés, hypnotisés, qui vous suivent inconditionnellement, et surtout sans se poser trop de questions?
Contrairement à vous, pour être suffisamment édifiée, je n’ai eu que la seule page d’une encyclopédie collaborative sur le net. N’étant pas une scientifique, je vais donc éviter me lancer dans un descriptif par le menu des deux variétés de cette plante, répertoriées et classées sous un nom en latin par des biologistes européens, pas plus que je ne vous énumérerai les multiples sous-espèces de Cannabis sativa.
Je ne vous parlerai pas, non plus, de ses usages médicamenteux ou cosmétiques, mais sachez simplement qu’en ce moment même, comme je vous l’ai préalablement expliqué, mes mains, qui pianotent sur ce clavier, sont hydratées avec de l’huile de cannabis conditionnée en une crème onctueuse. Tout va bien, les vapeurs de cette huile ne me sont pas montées au cerveau pour vous dire des âneries.
S’il n’y avait pas eu cette crème, venant d’un magasin de cosmétiques tout ce qu’il y a de plus honorable (écolo, bio, respectueux de la terre, des animaux, n’encourageant pas à l’excès de conditionnement ou au suremballage), les paumes de mes mains seraient longtemps restées affublées de quelques peaux mortes, sans doute dues au changement de saison, plutôt brutal dans notre contrée en ce printemps, mais je m’égare.
Parce que non, je ne vous dirai pas, M. Benkirane, car vous le savez sans aucun doute mieux que moi, que cette plante, selon sa variété et la sous-espèce à laquelle elle appartient, est plus ou moins concentrée en THC, la fameuse substance psychotrope qui fait gentiment planer, qui angoisse à mort, ou… qui ne fait rien du tout, tant il y en a peu.
Et puis non, je ne vous parlerai pas non plus de ses nombreux usages, le fait que cette plante peut se transformer en différents textiles, en de multiples grammages de papier, servir d’agro-carburant, devenir un matériau d’isolation phonique ou thermique…
Je n’évoquerai pas le cannabiol contenu dans cette plante, qui soigne, et guérit, de nombreuses maladies…
Oui, M. Benkirane, tout cela me dépasse, et si vous persistez actuellement dans votre entêtement, c’est que vous ne voulez pas bouger d’un iota de vos préjugés.
Vous vous entêtez, malgré les évidences qui ont été mises sous votre énorme nez, à freiner des quatre fers pour faire échouer le processus d’adoption au parlement de ce projet de loi. Alors qu’il permettrait à notre pays de continuer à évoluer, dans sa marche vers un développement qui me semble quant à moi à présent palpable, mesurable et même, soyons fous, possible.
A moins que vous ne restiez persuadé que je m’apprête à fumer mon tube de crème hydratante? Ou à en faire du maâjoun?