L’Iran, un régime de plus en plus impopulaire

Famille Ben Jelloun

ChroniqueCe régime est une barbarie qui porte atteinte aux valeurs de l’islam. Pourtant l’Iran est un grand pays, a une belle civilisation, une grande culture, hélas dominées aujourd’hui par des ayatollahs qui sacrifient leur jeunesse pour une question de voile.

Le 10/10/2022 à 11h01

Le temps est arrivé de compter ses amis et de s’éloigner de ses ennemis. Plus le Maroc avance et émerge malgré les difficultés, plus ses adversaires s’érigent devant lui et essaient de le combattre. Il ne faut ni se plaindre ni geindre. La vie des nations est ainsi. D’où la vigilance et le redoublement d’efforts. Rien n’est donné. Tout est à arracher par la persévérance, le sérieux et la rigueur dans le travail. L’intégrité territoriale d’un pays ne souffre aucune remise en question.

Par deux fois en quelques années le Maroc a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran. La raison: cet Etat religieux non seulement s’est aligné sur les positions algériennes dans le conflit concernant l’intégrité territoriale du Maroc, mais il aurait entraîné et équipé des éléments du Polisario.

De toute façon, le Maroc moderne ne peut pas partager la conception que ces chefs religieux ont de l’islam. Je me souviens de l’époque, à la fin des années soixante-dix, où le monde musulman vénérait l’ayatollah Khomeiny, celui qui avait trouvé refuge en France en attendant de revenir triomphant à Téhéran. Des portraits de cet homme étaient accrochés dans les cafés du Maroc. Les autorités de l’époque réagirent assez vite pour les faire enlever. Le philosophe Michel Foucault se réjouissait de la chute du Shah et écrivait des articles très favorables à cette révolution. Quelques semaines plus tard, Khomeiny avait fait exécuter des intellectuels iraniens, et le monde découvrait la vraie nature de ce vieil homme autoritaire et violent.

Chez nous, le rite sunnite malékite est modéré et fait une grande place à la spiritualité. Aujourd’hui, la résistance populaire de la jeunesse iranienne qui réclame la liberté de s’habiller selon ses désirs, met ce régime dans une situation difficile. Comme son ami et allié syrien, il n’a pas hésité à tirer sur la foule et tuer des centaines de manifestants.

Un régime qui répond par le feu n’a plus aucune légitimité. Evidemment, il accuse les Américains et les Israéliens d’être derrière le fait que des femmes retirent leur voile. «La main de l’étranger», une vieille antienne qui nous rappelle nos voisins de l’est! Comme si la jeunesse iranienne ou algérienne avait besoin qu’on lui dise de l’étranger comment vivre et résister à une dictature anachronique.

Ce n’est évidemment pas la vérité. La vérité: des jeunes femmes, Mahsa Amini et Nika Shakarami, ont été tuées dans les locaux de la police pour avoir montré un peu de leurs cheveux.

Ce régime est une barbarie qui porte atteinte aux valeurs de l’islam. Pourtant l’Iran est un grand pays, a une belle civilisation, une grande culture, hélas dominées aujourd’hui par des ayatollahs qui sacrifient leur jeunesse pour une question de voile.

Le cinéma iranien est un des meilleurs au monde. Certains cinéastes sont combattus et empêchés de travailler. La société se modernise et le pouvoir se sclérose. Il n’a pas le choix. Pour se maintenir en place (comme le régime algérien) il a besoin de frapper et de punir. La primauté du religieux sur le politique n’est plus possible dans un monde moderne où l’individu aspire à vivre libre et responsable. Le slogan «Femmes, vie, liberté!» sonne comme le début de la fin possible d’un régime qui ne respecte ni l’homme ni la femme.

Le voile ne fait pas l’islam.

L’Etat iranien est en guerre contre beaucoup de monde. Au Liban, il est présent de manière exorbitante par l’armée du Hezbollah. En Syrie, il est venu en aide à Bachar al-Assad, massacreur de son peuple. Au Yémen, il soutient les rebelles houtistes et en Irak, le terrorisme est de retour.

En Russie, il soutient Poutine, qui mène une guerre contre le peuple ukrainien.

Le Maroc n’a rien à faire avec cet Etat qui a introduit l’islam agressif sur la scène internationale.

Khomeiny est mort, mais la sentence de mort contre Salman Rushdie court toujours. L’individu qui a tenté de tuer cet écrivain en juillet dernier a été félicité par le régime des ayatollahs.

Le soulèvement populaire des Iraniens risque de connaître le même sort que le Hirak algérien. Pourtant il n’y a que le peuple qui est capable de renverser ce régime autoritaire, basé sur une conception rétrograde et dangereuse des préceptes de l’islam. La détermination des jeunes est admirable. L’Iran des ayatollahs est très sérieusement secoué. Il ne pourra s’en sortir qu’avec brutalité et un mépris de la vie humaine. 

Par Tahar Ben Jelloun
Le 10/10/2022 à 11h01