Un ouragan nommé Trump

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ChroniqueLa réalité a rattrapé homo sapiens. Donner un nom à des catastrophes dont il est en partie responsable constitue une confession de sa culpabilité.

Le 20/09/2017 à 10h55

Il fut un temps où les ouragans ne portaient que des prénoms féminins, comme s’il s’agissait d’autant de viragos attendant les poings sur les hanches, l’invective au bec, prêtes à en découdre avec leur Jules de retour de beuverie. Pif, paf, boum! En ce temps-là les météorologues étaient tous des hommes et pas qu’un peu machos... Ce sexisme disparut au début des années 80, après moult protestations. Depuis on alterne les prénoms (masculin, féminin, masculin, etc.) pour nommer dans l’ordre alphabétique les cyclones, ouragans et autres tempêtes tropicales de l’année.

Allez, faisons un peu de philosophie. Donner un (pré)nom à un phénomène naturel qui ne dépend nullement de lui était autrefois pour l’homme une forme de “récupération“, un subterfuge qui illustrait parfaitement le mot de Cocteau: «Ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs». En apposant sa marque, sous forme de dénomination, sur tout ce qui l’entourait, l’homme se donnait l’illusion qu’il était vraiment le centre de la Création, comme le lui répétaient toutes les religions. Or, si on y réfléchit bien, un volcan est un volcan, point. Il ne s’appelle pas plus “Etna“ ou “Vésuve“ que Fatna ou Véronique. Quand le Sebou déborde (souvenir effrayant d’inondations à Kénitra où j’ai habité quelques années pendant mon enfance...), c’est juste de l’eau qui envahit le paysage, tous ces milliards de molécules ne s’appellent pas plus Sebou que Sekou ou Abdelmoula.

Mais aujourd’hui la réalité a rattrapé homo sapiens. Donner un nom à des catastrophes dont il est en partie responsable constitue maintenant une confession de sa culpabilité, presqu’une forme de contrition.

Cette nouvelle façon de voir les choses pourrait avoir des effets bénéfiques si elle nous aidait à prendre conscience de nos responsabilités.

Mais il faudrait alors cesser de donner des prénoms qui ne veulent rien dire à ces événements. C’est quoi “Irma“, “José“, “Maria“? On dirait qu’un nabab, cigare au bec, au volant de sa grosse berline polluante, se décharge de ses responsabilités sur sa bonne philippine, son jardinier cubain ou sa cuisinière espagnole.

Il faut être plus concret. Puisqu’il s’agit d’ordre alphabétique, voici quelques suggestions.

A? “Automobile“, bien sûr, puisqu’elle est la cause d’une bonne partie du dérèglement climatique. «Le typhon “Automobile“ fait cent mille morts au Bangladesh». Voilà qui nous inciterait peut-être à prendre plus souvent le tram ou à marcher, tout simplement...

D? “Diesel“, pour inciter les automobilistes à abandonner le moteur à explosion pour aller vers l’électrique. Le gars qui verrait l’ouragan “Diesel“ emporter dans les airs son gros 4x4 ne pourra s’en prendre qu’à lui-même.

G? “Gaspillage“, pour faire honte à ces petits cons fortunés qui organisent par ennui des rodéos automobiles dans le désert, du côté de Koweït City, autant de virées irresponsables où il s’agit de rouler sans but défini, juste pour brûler de l’essence.

T? “Trump“, évidemment, pour lui mettre le nez dans son pipi, lui qui ne croit pas au changement climatique causé par l’homme. Avouez que ça aurait un certain retentissement, des titres de journaux, cinq colonnes à la une, du type: «L’ouragan Trump dévaste le Texas, des centaines de mort, des milliers de sans-abri». Gageons que le balourd hésiterait à montrer sa binette dans cet État...

Si vous avez d’autres suggestions, ajoutez-les à cette liste, amis lecteurs, avant que la tempête ne nous emporte tous.

Par Fouad Laroui
Le 20/09/2017 à 10h55