Ayant longtemps vécu en Angleterre, je n’ai cessé de m’intéresser à ce qui se passe dans ce pays fascinant par son Histoire, ses traditions et sa culture. «Si tu es fatigué de Londres, c’est que tu es fatigué de la vie», disait Samuel Johnson il y a trois siècles –et sa boutade est toujours d’actualité. J’ai donc suivi au jour le jour, sur la BBC, le psychodrame qui a conduit Liz Truss à démissionner après seulement 44 jours au poste de Premier ministre.
Résumons. Atteint par plusieurs scandales, l’inénarrable Boris Johnson démissionne le 7 juillet dernier. Une lutte s’engage au sein du Parti conservateur pour le remplacer. Les Tories ont le choix entre l’improbable Liz Truss, qui leur promet d’être la réincarnation de Margaret Thatcher, et Rishi Sunak, l’ancien ministre des Finances. (Le titre officiel est «Chancelier de l’échiquier» parce qu’au Moyen Âge on se servait là-bas d’une table en forme d’échiquier pour calculer les taxes et impôts. Cet attachement aux plus anciens usages et dénominations fait le charme des Anglais.) Liz Truss promit la lune, Sunak refusa de faire des promesses inconsidérées. Le parti choisit la lune… pardon, Truss.
Leçon 1. Entre la démagogie et le sérieux, toujours choisir la démagogie –si l’on veut ruiner son pays.
Au pouvoir, Liz Truss concocta un plan tellement stupide que le plus nul de mes étudiants, du temps que j’enseignais la macroéconomie, n’aurait eu aucun mal à en démontrer l’inanité. On baisse les impôts pour les plus riches et on augmente les dépenses publiques, ce qui creuse immédiatement un trou dans le budget de l’Etat.
Comment va-t-on combler ce trou? Truss ne le dit pas. Les marchés financiers en déduisirent que le pays allait s’endetter encore plus, ce qui allait dévaloriser sa monnaie. Plus personne ne voulut de la livre sterling, à l’étranger: très logiquement, son cours s’effondra. Pour tenter de la remettre à flot, la Banque d’Angleterre intervint massivement. Entre autres mesures, elle augmenta ses taux d’intérêt (pour rendre la livre attrayante) ce qui fit automatiquement grimper le coût des crédits accordés aux ménages, notamment les prêts hypothécaires. Désespoir des ménages qui ne pouvaient plus payer leurs traites, effondrement du marché de l’immobilier, chaos…
Leçon 2. Entre l’incompétence et le professionnalisme, toujours choisir l’incompétence –si l’on veut ruiner son pays.
Devant le désastre, Liz Truss renonça à son «plan» funeste. Pour sauver sa peau, elle congédia son chancelier de l’échiquier, Kwasi Kwarteng. C’est-à-dire qu’au lieu d’assumer son erreur, elle s’en défaussa sur Kwarteng alors que tout le monde savait qu’ils avaient concocté ensemble le programme de gouvernement. Ils étaient d’ailleurs les meilleurs amis du monde –gageons qu’ils ne le sont plus.
Leçon 3. Entre le sens des responsabilités et le c’est-pas-moi-c’est-lui, toujours choisir le c’est-pas-moi-c’est-lui –si l’on veut ruiner son pays.
Toute honte bue, les Conservateurs se sont débarrassés de Liz Truss et ont mis Sunak à sa place. Ils ont d’ailleurs failli reprendre Boris Johnson, ce qui aurait été une grosse farce puisqu’il fait encore l’objet de plusieurs enquêtes. Dommage. Les Tories nous ont privé d’une autre leçon, encore plus instructive.
Leçon 4. Entre un clown et un homme respectable, toujours choisir le clown –si l’on veut ruiner son pays.
NB: Toute ressemblance avec certains hommes politiques de notre beau pays serait purement fortuite.