Dans l'appréhension de la diplomatie marocaine, bien des secteurs sont mis en exergue. Leur déclinaison embrasse davantage de redéploiement, au-delà des partenaires traditionnels, se déployant vers de nouvelles latitudes géopolitiques (Amérique centrale et latine, Asie, Afrique). Le Maroc a ainsi œuvré à conforter et à développer une coopération élargie avec le souci, dans certains cas, de la rehausser à hauteur d’un partenariat stratégique, qualifié parfois d’exception. Coopération Sud-Sud, environnement, changement climatique, énergies renouvelables -et demain l'hydrogène vert- mais aussi d'autres pans, tels que ceux d'une étroite coopération dans la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme. Une approche qui privilégie une politique multidimensionnelle, proactive, prenant en compte les volets d'ordre socio-économique, juridique, religieux et sécuritaire.
C'est précisément sur ce dernier aspect qu’il vaut de revenir: il est désormais, à part entière, un facteur et un vecteur d'une diplomatie spécifique. Avec le recul, celle-ci s'est développée au fil des ans jusqu'à s'imposer à l'international comme une marque, un «label» de reconnaissance du professionnalisme et de la crédibilité de l'appareil l'appareil de sécurité du Royaume. Naguère discrète, confidentielle même, la coopération sécuritaire du Maroc avec la communauté du renseignement et du contre-espionnage de pays étrangers devient publique et fait l'objet d’une communication régulière. Son illustration la plus médiatique a été la visite du Secrétaire d’Etat américain, Michael Pompeo, au responsable de la DGSN/DGST, au siège même de cette direction, à Témara, le 5 décembre 2019.
En ne prenant que les derniers mois de cette année, bien des informations éclairent cette politique du Royaume. Les 13 -14 juin, Abdellatif Hammouchi s'est ainsi rendu aux Etats-Unis, à la tête d'une délégation de directeurs et de hauts cadres de cette institution. Des réunions de travail ont eu lieu avec les agences fédérales américaines en charge du renseignement et de l'application de la loi (Avril Hainse, Directrice du renseignement national américain, William Burns directeur de la CIA, Christopher Wray, directeur du FBI). Elles ont notamment porté sur les différentes menaces sécuritaires et les nouveaux dangers sur les plans régional et international ainsi que sur les mécanismes et les moyens de faire face à ces risques. Une approche tournée vers une vision commune et collective pouvant garantir la sécurité et la paix internationales. D'autres questions ont également été abordées: défis sécuritaires et menaces des groupes terroristes et des réseaux du crime organisé (Sahel, Sahara, Moyen-Orient, Europe); les «opérations virtuelles» en liaison avec la lutte contre la menace terroriste et le crime organisé, notamment sous leur forme cybernétique et leurs connexions transnationales; l’échange d'expertises et d'expériences; le partage d'informations relatives à la lutte contre les organisations terroristes et les réseaux de crime organisé; la coordination des efforts conjoints et développement des mécanismes de surveillance et de lutte, etc.
Une semaine plus tard, c'est une autre visite du directeur général de la DGSN/DGST en Espagne sur l'état et les axes de la coopération sécuritaire entre les deux pays. Elle fait suite aux entretiens du ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, avec son homologue espagnol, Fernando Grande- Marlaska, le 15 juin, dans la capitale ibérique. Aux dossiers de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, il faut ajouter celui de la migration. D'autres visites ont marqué cette coopération sécuritaire avec l'Espagne -la dernière en date est celle ces derniers jours de la Secrétaire d'Etat et directrice du Centre national du renseignement, Esperanza Casteleiro Llamazares.
Une mention particulière doit être faite, par ailleurs, aux relations avec Israël: elles se tissent et renforcent des liens d'étroite coopération, et ce «au service des intérêts communs du Royaume du Maroc et de l'Etat d’Israël». Le 5 août dernier, c'est l'Inspecteur général de la police, Yaakov Shabti, qui s’est rendu dans le Royaume. A l'issue de sa visite de cinq jours, plusieurs accords ont été conclus (accords d'extradition, lutte contre la criminalité et le terrorisme, etc.). A noter aussi que le Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), dirigé par Habboub Cherkaoui, est aussi partie prenante dans cette politique d'ouverture des organes sécuritaires en interne et à l'international. Ainsi le 6 août dernier, ce responsable a reçu à son siège, à Salé, des diplomates de 22 pays -certains accompagnés par leurs magistrats de liaison et responsables de lutte contre le terrorisme. Une opportunité pour mettre en exergue la force et la capacité des organes sécuritaires marocains pour la garantie et la préservation de la sécurité des Marocains mais aussi pour la coopération avec les autres pays. A la fin 2021, le bilan est largement significatif: saisie de 1.443 tonnes de cocaïne, interpellation de 38 suspects impliqués dans le terrorisme et l'extrémisme, démantèlement de 150 réseaux criminels d'immigration clandestine, saisie d'une centaine de bateaux pneumatiques et à moteur, de 65 véhicules, etc. Une action qui s'est poursuivie depuis janvier 2022.
Un tel bilan explique que Rabat soit le siège, depuis 2021, du Bureau du Programme des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme et la formation en Afrique. Le Maroc s'emploie en effet depuis des années à des échanges de formation de la DGSN/ DGST avec douze pays africains (Mauritanie, Gabon, Burkina Faso, Guinée -Conakry, Madagascar, Tanzanie, etc). C'est aussi au Maroc, à Marrakech, que s'est tenue la réunion de la Coalition mondiale contre Daech avec 83 pays participants et des organisations internationales. C'est là le résultat d'une capitalisation déclinée autour d'une politique sécuritaire antiterroriste pionnière, efficace et holistique. En décembre dernier, à Bruxelles, le Maroc s'est vu confier, pour un nouveau mandat, la coprésidence de l’«Africa Focus Group» (qui a succédé à l’«Africa Platform») avec les Etats-Unis, l'Italie et le Niger. Il n'y a qu'avec l'Algérie, soit dit en passant, qu'aucune coopération n'existe dans ce domaine...
Le patron de la DGSN/DGST est devenu aussi un ambassadeur de la diplomatie sécuritaire du Royaume. L'expertise marocaine a été dernièrement demandée à l'occasion d'une visite de Abdellatif Hammouchi au Qatar, à la fin mai dernier. Il a été reçu par le Premier ministre et ministre de l'Intérieur, Khalid bin Khalifa bin Abdelaziz Al Thani, puis par le Directeur de la Sécurité publique, Saad bin Jassem Khalifi. Il a également été le premier haut responsable étranger à fouler la pelouse du Lusail Iconic Stadium qui doit accueillir 80.000 spectateurs lors de la Coupe du Monde qui commence le 21 novembre prochain. Les Qataris ont sollicité cette assistance pour assurer la sécurité de plus de 1,5 million de visiteurs attendus pour cet évènement. La participation de quelque 3.500 éléments de police et de forces spéciales turcs ainsi que celle de 200 autres gendarmes français est prévue. Mais avec le Maroc, il a été convenu d'envoyer 6.000 Cadres et agents pour appuyer les forces de l'ordre qataries dans les missions de «maintien de l'ordre, police cynotechnique et protection rapprochée».
De plus en plus sollicité, le Maroc justifie d'une expérience, d'un savoir-faire et d'une crédibilité sécuritaire aux yeux de la communauté sécuritaire dans la région, en Europe, en Afrique, aux Etats-Unis et ailleurs. D'une certaine manière, le Royaume fait sienne cette citation du stratège chinois Sun Tzu (VIe av. J.-C.): «connais ton ennemi et connais-toi toi-même; eussiez -vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux».