Widade, 29 ans: «divorcée depuis 7 ans, j’ai la garde de mon fils qui vient d’avoir 8 ans. A 21 ans, j’étais déjà divorcée. Mon mari a très peu vu notre fils. J’aime un homme que je dois épouser. J’en ai informé mon ex-mari. Il me menace de me prendre mon fils! Je ne connaissais pas cette loi. C’est injuste!»
Quelle est cette loi?
Le Code de la Famille (art.171): en cas de divorce, lhadana (garde des enfants) revient d’abord à leur mère, puis leur père, puis leur grand-mère maternelle. Sinon, le tribunal attribue la garde à un proche parent apte à l'assumer.
La garde, pour les filles et les garçons, va jusqu’à la majorité (18 ans).
Si le père ayant la garde des enfants se remarie, il n’a aucun problème.
Si la mère ayant la garde des enfants se remarie, le père peut obtenir la garde des enfants dès que ces derniers atteignent 7 ans!
A moins que le nouvel époux de la mère ne soit le représentant légal de l’enfant ou qu’il ait un lien avec l’enfant qui entraîne l’empêchement au mariage.
Le père ne peut obtenir la garde de l’enfant «atteint d'une maladie ou d'un handicap rendant sa garde difficile à assumer par une personne autre que sa mère». (art. 175).
Si l’enfant est en bonne santé, son père peut le garder. Malade, il revient à sa mère!
L’article précise pour tous les enfants: «à moins que la séparation avec sa mère lui cause un préjudice».
Comment prouver le préjudice? Kawtar, 34 ans: «mon ex-mari m’a pris ma fille après mon remariage. Elle maigrit, pleure, fait cauchemars. Elle déteste sa belle-mère. Nos séparations sont déchirantes: elle hurle, s’accroche à moi… Comment prouver le préjudice?»
Tout enfant a besoin de sa mère lors de l’enfance et de l’adolescence. Aucune épouse du père ne peut donner l’affection et l’attention d’une mère.
Arracher un enfant à sa mère est cruel, sauf exception. Redouane, 42 ans: «après son remariage, mon ex-épouse a négligé nos enfants. Ils étaient sales, mal éduqués, s’absentaient de l’école. J’ai réussi à en obtenir la garde».
Par ailleurs, cette loi suggère que le beau-père est un danger potentiel pour l’enfant, mais pas la belle-mère! Une mère peut protéger ses enfants d’un nouveau mari. Le père, moins: c’est son épouse qui s’occupe des enfants, de leur hygiène… Son influence est plus importante que celle du beau-père.
La déchéance de la garde de l’enfant n’est pas automatique après remariage: il faut que le père la réclame, par le biais de la justice.
Il a un délai d’un an après avoir été informé du remariage de son ex-épouse (art.176).
C’est pourquoi de nombreuses femmes se marient en cachette, avec la phobie d’être séparées de leurs enfants. Maria, 36 ans: «un cauchemar! Je n’arrête pas de dire à ma fille que si son père l’apprenait, il nous séparerait. Je l’angoisse, lui apprends à mentir, comme si j’avais commis un crime».
Beaucoup vivent une sorte de concubinage. «Je vis chez mon compagnon tous les week-ends, quand mes enfants vont chez leur père. Je ne peux me remarier par crainte de perdre mes enfants. Sans acte de mariage, nous ne pouvons pas partager une chambre d’hôtel». Une union considérée comme illégale (un mois à un an de prison. Code Pénal, article 490)!
Certaines se marient selon le orf (une union selon un usage coutumier, par la récitation de la première sourate du Coran, et sans qu'un acte de mariage ne soit établi par deux adouls).
Awatife, 41 ans: «je me suis remariée secrètement par orf. J’ai eu un autre enfant d’une union religieusement licite, mais illégale pour la loi. Avec mon nouveau mari, nous avons falsifié des documents pour avoir un acte de mariage dans une autre ville pour donner une identité à notre nouvel enfant».
Garçon et fille peuvent, à 15 ans, choisir avec lequel des parents vivre. Loubna, 30 ans: «mon fils a 8 ans. Il refuse de vivre avec son père. Je dois attendre encore 7 ans avant de penser au mariage!»
Que de femmes abandonnent tout espoir de bonheur conjugal. L’élu du cœur finit par partir. Youssef, 38 ans: «je l’aime mais je ne peux patienter 5 ans pour que son enfant ait 15 ans».
Certains pères veulent garder leurs enfants par amour, d’autres, plus nombreux, menacent les ex-épouses juste pour les empêcher de se remarier, par vengeance.
D’autres prennent leurs enfants juste pour ne plus verser de pension alimentaire à l’ex-épouse. Certains pères sortent la menace à chaque fois que la mère remariée lui demande la pension alimentaire. Amal, 27 ans: «il ne me donne plus un sou depuis mon remariage et j’ai peur de porter plainte car il menace de reprendre les enfants».
Lors du divorce, le juge fixe la pension alimentaire (nafaqa), à laquelle s’ajoute un montant mensuel pour le logement de l’enfant et une indemnité pour la mère qui le garde. Si le mari est informé du remariage de son ex-épouse et ne demande pas la garde des enfants, il doit continuer à verser la nafaqa seulement.
Une autre aberration: la mère déchue de son droit de garde n’obtient pas automatiquement le droit de visite à son enfant! Zakia, 33 ans: «le tribunal m’a refusé le droit de visite. J’ai fait appel. J’ai dépensé beaucoup d’argent pour voir mon fils un jour par semaine!».
De quel droit prive-t-on une mère de son enfant et un enfant de sa mère? La loi punit la femme qui se remarie. Pourtant l’islam recommande vivement le mariage pour l’homme et pour la femme!
En privant la femme de remariage, on contribue également à la précarité féminine. Nadia, 38 ans: «mon salaire est misérable. Avec un mari, j’améliorerai ma situation».
Le divorce est en hausse chez les jeunes ainsi que le nombre de femmes privées de remariage.
Ces articles discriminatoires doivent être réformés. Aucune loi n’a le droit d’obliger une femme à choisir entre son enfant et son bonheur conjugal!