La texture, l’épaisseur, la couleur varient selon les êtres, les pays, les continents: raide et noire en Asie; raide ou ondulée, allant du blond au brun en Occident; bouclée, frisée, crépue et noire en Afrique. Les cheveux sont un langage social, une puissante symbolique.
En Inde, les cheveux sont sacrés. Le Gange, fleuve sacré, est alimenté par la chevelure du dieu Shiva. Ils sont la prolongation de l'être, la force et la vigueur.
La longue natte des Indiennes est signe de chasteté et de fertilité. Elles l’offrent à une divinité pour qu’elle exauce leurs vœux. Hommes et femmes se rasent en signe de deuil.
Dans le monde, se raser les cheveux étaient un signe de soumission ou distinctif, tel chez les esclaves.
Dans la Grèce antique, les jeunes filles, une fois mariées, offraient leurs longues tresses à la déesse de la fertilité pour avoir des enfants. Chez les Bouddhistes et les Chrétiens, les religieux se rasaient les cheveux comme preuve de renoncement à la sexualité. En France, pour humilier une femme qui a couché avec des nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, on la rasait en public. Dans l’armée, les hommes sont rasés pour être humbles et tous égaux.
Dans les années 60, les femmes avaient adopté la coupe garçonne pour s’émanciper. Les hommes se laissaient pousser les cheveux pour protester contre le conformisme.
Les femmes juives doivent se raser les cheveux pour purifier leur corps après les règles et ne pas souiller les hommes. Les juives orthodoxes continuent à se raser et à porter des perruques. Les chrétiennes devaient se couvrir la chevelure pour rester vertueuses. Au Moyen Age, en Europe, seules les prostituées découvraient leurs cheveux.
Certaines musulmanes se couvrent les cheveux pour ne pas attiser le désir des hommes. Les cheveux sont liés à l’érotisme. Dénouer ses tresses est un geste de sensualité, réservé au mari.
La beauté féminine, la féminité dépendent de la chevelure longue et soyeuse. D’où tout un savoir-faire pour la protéger, la nourrir et la teinter pour cacher le vieillissement. Il faut la protéger même dans le sommeil: une co-épouse pouvait les couper pour enlaidir la femme et éloigner d’elle le mari.
Quelques croyances au Maroc. On coupe les pointes lors de haygouza et hachoura pour accélérer la pousse. Lors de la 26e nuit de ramadan, il faut attendre qu’apparaisse Sidna Kdar, un ange qui réalise tous vos vœux. Il faut lui demander: «Sidna Kdar, donne-moi une chevelure bi lakdère (avec modération)», sinon il vous donne des cheveux longs de plusieurs mètres.
Lors de la fête du mouton, les femmes enduisent la tête du mouton de henné, pour que leurs cheveux ne brûlent pas quand la tête du mouton cuit.
Une personne peut arrêter la pousse des cheveux en passant sa main sur vos tresses, comme pour les mesurer, et les takkafe (bloque) en disant chbère maykbère.
On peut utiliser une mèche de cheveux d’une femme dans un but maléfique: la rendre malade, lui créer lakhyouba (animosité) avec son mari ou tkafe pour ne pas enfanter…
On utilise les cheveux pour lancer un sortilège d’amour. On prend une mèche de cheveux d’un homme et on en entoure une bougie blanche sur laquelle on écrit le nom de l’homme et de sa mère et celui de la femme. Plus la bougie brûle, plus le cœur de l’homme brule d’amour. On parle toujours de la femme qui utilise la sorcellerie pour faire tomber un homme, mais pas de l’homme qui en fait de même. Un stéréotype!
Il est conseillé de cracher trois fois sur ses cheveux avant de les jeter, pour se protéger de la sorcellerie et des jnounes qui habitent les égouts.
Les cheveux ont un pouvoir érotique. Les femmes les enduisaient de produits odorisants, an-nafga, pour flamber le mari. Hâfez Shirâzi, poète persan: «je suis énivré sans arrêt par le parfum de tes cheveux». Al Mourrakouchi: «femmes ravissantes, de leur chevelure s’exhalait le musc le plus suave».
Une femme ouvre ses tresses face au tombeau d’un saint pour lui demander de l’aider face à une injustice ou pour une vengeance. Dans de nombreuses régions au Maroc, une femme pouvait tahlègue, couper ses cheveux en signe de deuil, lors du décès du mari.
A la mariée, on faisait plusieurs souwalèfe, tresses, et on y accrochait des dates. Le lendemain de la défloration, un petit garçon ouvrait les tresses et distribuait les dattes, pour favoriser la fertilité.
Pour le garçon, la coupe des cheveux marquait des rites de passage d’enfant à adulte : elôrfe, algarne, algoutaya. L’adulte se rasait la tête et portait un turban (rezza), taguiya, tarbouche (chapeau)… Pour être respecté. D’un homme touché par un scandale d’honneur, on dit : «sa tête s’est dénudée». Dans les années 50, apparu lafrisi, nouveau look qui consiste à se laisser pousser les cheveux, mais très courts.
La perte des cheveux a toujours inquiété: Socrate, chauve, s’est consolé en disant que «l’herbe ne peut pousser dans les rues actives». Jules César portait une couronne de feuilles de laurier pour cacher sa calvitie. Aujourd’hui les hommes chauves s’affirment, sinon, il y a la greffe capillaire.
Pour une femme, changer de coupe peut signifier rompre avec le passé et commencer une nouvelle vie.
Les cheveux sont la partie du corps à qui on donne le plus d’importance et à qui l’industrie cosmétique offre le plus de produits. Pour les femmes, la tendance est aux cheveux raides, lissés selon des normes occidentales. Mais des voix s’élèvent pour valoriser les cheveux frisés et bouclés. La chevelure est ici une revendication identitaire. Les hommes eux, sont entre la boule à zéro et lakouippate, notamment la coupe Tyson. Les cheveux sont aussi un signe d’appartenance à une culture donnée. Ils déterminent notre style. Quel est le vôtre?