Non, nous ne sommes pas tous Tariq Ramadan!

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ChroniquePar quelle extraordinaire aliénation mentale, sentimentale, en vient-on à soutenir massivement, aveuglément, des hommes accusés de viol?

Le 17/02/2018 à 17h59

Tariq Ramadan n’a bien sûr rien à voir avec Saad Lamjarrad. Comment mettre sur un pied d’égalité un maitre penseur et un chanteur, me diriez-vous. Comment comparer l’incomparable?

Les deux hommes présentent pourtant, peut-être malgré eux, quelques points communs. Chacun dans son genre, ils sont tous les deux des «pop stars», adulées par des milliers (millions?) de fans. Et ils ont des problèmes avec la justice française qui les soupçonne de violences sexuelles.

Surtout, les deux hommes bénéficient d’un large soutien de la part de nos concitoyens. Et tout le problème est là.

Alors pourquoi? Comment se fait-il que des milliers de personnes soutiennent d’une manière aveugle et inconditionnelle quelqu’un qui est soupçonné de viol(s)? Comment et par quel miracle des femmes, beaucoup de femmes, soutiennent à leur tour quelqu’un qui est accusé de violences caractérisées contre des femmes?

Cela dépasse l’entendement. Nous ne vivons pas dans un monde rationnel. Nous marchons sur la tête.

Quand, dans la rue, une voiture heurte un piéton, c’est au piéton que l’on porte secours, pas à la voiture. Peu importe l’identité du chauffard, sa religion, sa nationalité, son statut social, peu importe les circonstances de l’accident.

Par quel renversement moral, par quelle extraordinaire aliénation mentale, sentimentale, en vient-on à soutenir des hommes accusés de viol en lieu et place de leurs présumées victimes?

Ce soutien indécent interpelle parce qu’il renvoie à certains réflexes que notre société se plait à cultiver, alors qu’ils sont obsolètes et ne cadrent plus avec le monde et l’époque que nous vivons. En voici quelques échantillons:

1- La tolérance vis-à-vis du viol et des violences faites aux femmes. L’idée court toujours que la victime «l’a bien cherché». Elle est complice de son violeur ou de son bourreau. Sur ce point, la justice est au diapason de la société. Elle est clémente et tolérante envers les coupables.

2- Un bon musulman ne peut pas faire ça, en aucun cas. Les «fans» soutiennent toujours les accusés en avançant que ceux-ci aiment dieu et son prophète. Ils font leurs prières. Ils vont à la Mecque. Tous ces signes extérieurs de piété sont censés rendre les concernés au-dessus de tout soupçon. Cela fait d’eux des intouchables et des insoupçonnables.

3- Il est beau, il peut avoir toutes les femmes. Beaucoup croient que le viol et la violence sont le fait, uniquement, d’hommes reclus, frustrés, sans femmes, sans aucun pouvoir de séduction. « Il peut les avoir toutes, et même les plus convoitées, pas besoin de les violer ou de les violenter ». 

4- L’homme peut, la femme ne peut pas. Nous sommes une société phallique, sexiste, masculiniste. On pardonne volontiers à la pop star de sexe masculin. On dira de lui qu’il a été piégé (qui plus est par une femme !). «Lui, un violeur ? Mais elle est pire que lui, c’est une trainée !».

5- La justice n’est pas indépendante, elle ne s’abat pas sur les puissants, les riches, les gens célèbres. Nous extrapolons les injustices de notre justice. Nous généralisons. Nous ne croyons pas à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice. Nous pensons que lorsqu’une personne célèbre est rattrapée par la justice, elle ne peut être que victime d’une machination, un règlement de comptes, un complot.

6- Quand une célébrité de confession ou de culture musulmane est attaquée, c’est l’islam qui est attaqué. C’est ce que nous croyons. Nous nous sentons concernés, touchés, blessés. Nous crions au complot. Contre l’islam ! Nous pensons alors qu’il est de notre devoir de riposter, ce n‘est plus le problème d’une personne mais celui de la communauté.

Ces fausses croyances ont de beaux jours devant elles. Puisque rien ne vient les contrer. Et puisque la culture du mea culpa et de la remise en question n’existe pas.

Alors ? Alors, laissons la justice suivre son cours et gardons-nous de soutenir nos «pop stars», à moins que leur innocence ne soit établie. Si ce dont on les soupçonne est avéré, jamais leurs victimes ne nous le pardonneraient.

Par Karim Boukhari
Le 17/02/2018 à 17h59

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VOS RÉACTIONS

Michèle Merci à vous Et bravo je vous suis maintenant régullièrement

Contrairement à vous tous, je ne suis pas tt a fait d'accord. Je suis bien sûr pour que la justice fasse son travail sereinement. Mais justement là où je ne vous suis pas, c'est au niveau du harcèlement (ou plutôt tapage) médiatique dont sont l'objet ces personnalités avant le prononcement de la justice. Ce qui laisse de larges "brèches" pour des têtes bien "pensantes" afin d'influer sur le cours des événements à leur manière pour montrer leur vérité à eux. Désolé, ce n'est pas une attitude complotiste. Au contraire, c'est révéler les agissements sournois de certains esprits qui pratiquent la politique de 2 poids, 2 mesures.

Je suis entierement d'accord avec vous, sauf que vs ne serez compris que par une fraction des 35% des marocains. Jamal

Chacun est responsable de ses faits, bons ou mauvais, homme normal ou religieux, prêcheur musulman évêque ou rabbin. C'est à eux qu'incombe la correction. Les textes sacrés sont assez clairs. Pourtant personne n'est à l'abri des erreurs humaines mais sanctionnables ou pardonnables, ici comme comme dans le monde éternel, ils le savent parfaitement. Ces dérapages ont existé depuis la naissace de ce monde et continueront d'exister. Bravo pour cette mise au point

Je suis d'accord avec ce qui est dit Personne n est au dessus des fautes Ca revient a la justice de trancher homme dd religion ou c est un homme ou c est une femme Merci pour ces articles qui nous apprends quelque chose

Fort heureusement que nous sommes pas tous des T. Ramadan ou Lamjarrad! Bravo pour cet analyse objective et réelle de cette société qui, à chaque fois qu'un musulman est soupçonné, croit dur comme fer aux complotismes . Il est temps que les responsables et les intellectuels de ces pays musulmans réfléchissent à comment changer ce mode de pensée échappatoire de leur concitoyen. A revoir, surement avec force et durée, la transmission des savoirs, la critique philosophique et philologique "§ En tous cas c'est un travail de longue haleine .

Merci Karim pour votre article qui met les choses au point.

Je m'associe pleinement aux commentaires de vos lecteurs. Votre journal associe avec talent qualité d'analyse et d'écriture avec remarquable indépendance. Journalistes talentueux,avec une mention particulière pour Karim Boukhari. Je vous lis tous les jours avec beaucoup de plaisir.

Eh oui ces fausses croyances vont encore durer.

J'approuve totalement.

Bravo ! Vous avez mis des mots sur mon sentiment intérieur.

BRAVO !!

bravo M. boukhari

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