Il n’y a pas de développement sans liberté

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ChroniqueLe développement n’est pas possible sans liberté. Et dans la liberté, il y a celle d’exprimer sa colère.

Le 04/01/2020 à 11h30

Si je vous dis que l’année 2020 commence bien, vous allez me rire au nez. Ne nous voilons pas la face, ne feignons pas de regarder ailleurs. L’actualité de ces premiers jours est dominée par les arrestations, les procès et les condamnations, parfois très lourdes, de jeunes personnes «envoyées au frais» pour un tweet, un post sur Facebook, un morceau de rap diffusé sur internet.

Ce coup de sang, cette tour de vis, on peut l’appeler comme on veut, interpelle et inquiète. L’Etat, à travers ses institutions, et à leur tête l’appareil judiciaire, est peut-être en train d’apprendre (oui, apprendre) à gérer ce déferlement de colère empruntant des canaux nouveaux.

L’apprentissage sera difficile. Mais il est nécessaire.

Si on prend la peine d’observer calmement ce qui est en train de se passer, on peut très bien le résumer comme suit. Nous avons des jeunes gens en colère, qui expriment leur ras-le-bol avec les moyens et les supports dont ils disposent. La subtilité n’est pas le trait principal de ces nouveaux modes d’expression, qu’il va falloir cadrer et encadrer. Mais dans l’absolu, et c’est ce qu’il faut retenir avant tout, cette colère élargit le champ des possibles. Ce qui repousse de facto les limites de tolérance de l’Etat et de son redoutable appareil judiciaire.

L’expérience, et puis l’histoire (quand on prend la peine de l’étudier ou simplement de l’examiner), nous ont toujours montré que ce n’est pas l’Etat mais la société qui donnent le ton et imposent le tracé des nouvelles frontières du possible, du licite et du tolérable. C’est une question de bon sens. Parce que la société va plus vite que les lois, alors que l’Etat, qui est avant tout une matière politique, n’avance que par consensus.

C’est la société qui crée une situation nouvelle, à laquelle les institutions doivent s’adapter. En augmentant leur capacité de tolérance, de manière à absorber la colère et à maintenir au final un sentiment d’équité, et un certain équilibre.

A peine installée, la Commission qui planche pour un nouveau modèle de développement au Maroc fait donc face à cette situation embarrassante, mais qui est tout à fait inédite. Cela lui servira de test. En étant optimiste, cette actualité terrible peut pousser, de facto, la Commission à placer la barre haut. En tout cas plus haut que prévu.

Le développement n’est pas possible sans liberté. Et dans la liberté, il y a celle d’exprimer sa colère.

L’arrestation, pour un tweet, du journaliste Omar Radi, heureusement remis en liberté provisoire depuis, a fait dire à Rachid Benzine, membre éminent de la Commission, qu’il ne saurait y avoir de développement sans liberté. Pour les connaitre, je sais que d’autres membres de la Commission sont du même avis. Beaucoup de Marocains sincères sont aussi du même avis.

En intégrant la liberté d’expression et en renforçant les droits de l’individu dans son rapport au système, la Commission rendra beaucoup de services au Maroc. Parce que la voie qui mène au développement est celle qui rétablit, ou établit tout court, la confiance que peut et doit avoir l’individu dans le système qui le dirige. Cette confiance n’existe pas ou si peu. Certains diront même qu’elle n’a probablement jamais existé.

Par Karim Boukhari
Le 04/01/2020 à 11h30

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Merci pour cet article Karim Boukhari

Merci M. Boukhari de ramener ce sujet. À mon avis la phrase clef que la commission doit prioriser est: LES LIBERTÉS ET DEVOIRS INDIVIDUELLES. Celà permettrait au Maroc de faire un bond significatif au niveau socio-économique. Imaginez : 1. les familles monoparentales seraient intégrées à la société et leurs enfants auraient une identité et une énergie positive dans la communauté; 2. la quantité de bébés jetées à la poubelle auraient un destin autre, et surtout des mères mois traumatisées pour le reste de leurs existences; 3. des femmes qui pourraient avorter dans les meilleurs conditions que de risquer sa vie entre les mains d'un boucher; 4. Une jeunesse en général et de cadres en particulier, se sentant étouffée par une sorte de dictature des moeurs cherche par n'importe quel moyen de l'oxygène ailleurs; 5. Réduction considérable de l'incivisme. Tout le monde pourrait apprendre à partir de l'école primaire LES DEVOIRS et les libertés individuelles; 6. Une population serait responsabilisée et non enfantilisée; 7. Une justice grandement améliorée, nettoyée des articles moyennageux et mise à jour; Bref, vous pouvez en rajouter... La mise en place pourrait se faire par UNE CHARTE DES DEVOIRS ET LIBERTÉS INDIVIDUELLES de la personne.

Bonjour Monsieur Karim Boukhari, Bonne Année et Bonne Santé à vous et à tous les Marocains. Pour résumer mon avis concernant votre intéressante chronique, je puis vous assurer qu'au jour d'aujourd'hui, je ne vois rien à l'horizon qui puisse émanciper et développer la société marocaine, plus qu'Internet. Des résultats significatifs et prometteurs sont déjà observables dans toutes les couches de la société et plus particulièrement chez les jeunes. C'est puissant, Internet ! Cordialement.

Felicitation Mr Boukhari pour avoir dit les choses comme elles sont

enfin le sujet de debat que je me suis pose 40 ans de ca lorsque gamin je passais devant le parlement pour aller au college plus tard au lycee et bien plus tard a la fac . a quoi sert cette institution si les gens n y croient pas...alors kck il faut en premier le developpement ou l institution ... aujourd hui et apres l experience de 6 gouvernements de tout bord...il n y a pas de developpement sans respect des indtitutions ... la constitution a etabli les droits de chaque citoyen ...les institutions doivent veiller sur les devoirs du citoyen ss ca le mafiosisme sera la regle ...le developpement du maroc sur les 20 dernieres annees s est accompagne d une totale defiance envers l etat et ses institutions et le politique en est la premiere cause...il est temps de retablir le droit avant d envisager l avenir

Cher Monsieur BOUKHARI, Je lis régulièrement vos chroniques et je vous adresse mes compliments pour la clairvoyance et la lucidité de votre analyse. Bien cordialement

Bravo pour la franchise, enfin 360 voit les choses "tel qu'elle" sont

C'est certain, la crainte fait reculer et la confiance disparaît. C'est la raison pour laquelle les pays arabes sont restés arriérés et leurs têtes pensantes quittent le pays pour se aller se défouler (scientifiquement) ailleurs.

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