What a Wonderful World!

Mouna Hachim.

Mouna Hachim.

ChroniqueScènes réelles du monde présent…

Le 11/02/2023 à 11h02

Mon esprit s’agite, dans un va-et-vient fébrile à travers les méandres de ce monde connecté, incapable de se concentrer sur un thème précis, ni même de se détacher par un refuge salvateur dans le confort d’un quelconque récit historique ou littéraire.

Appréhender le présent. Dans toute sa brutalité et ses paradoxes.

Les images apocalyptiques du séisme en Turquie et en Syrie sont obsédantes: des immeubles entiers effondrés comme des châteaux de cartes. Des scènes déchirantes de pertes humaines, de deuil, de survie, de naissance au milieu de collines de décombres…

Et forcément, des leçons à tirer, des plus terre-à-terre, notamment sur les vertus des constructions aux normes antisismiques dans des régions situées sur une faille active au centre de trois plaques tectoniques, jusqu’aux plus métaphysiques relevant de l’inéluctabilité et de l’irréversibilité du destin.

Au milieu de tant de dévastations et de morts, certains en sont à politiser une catastrophe naturelle, soit en tergiversant sur la confiance à accorder à Bachar el-Assad avant d’acheminer de l’aide aux zones sinistrées en Syrie, déjà ravagée par plusieurs années de guerre, soit en essayant de récupérer mesquinement des miettes de leurs campagnes médiatico-humanitaires.

«Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.»

Question vanité, nous sommes servis!

Pendant que les uns incarnent le triomphe de la vie et la lutte pour la survie, ailleurs, dans ce qu’il est convenu d’appeler le «monde libre», c’est une foire qui se donne à voir en spectacle, au service de la dictature de l’individualisme et de la déshumanisation.

Par exemple: la diffusion sur un site d’information français, partagé grandement sur les réseaux sociaux, du témoignage d’une jeune femme de 23 ans refusant de transmettre la vie (ce qui est bien entendu son droit absolu), faisant la promotion de sa ligature des trompes (interrogeant du coup sur la déontologie médicale et sur la propagande publique en faveur d’idées mortifères).

La «bonne» nouvelle, c’est que cette opération de stérilisation définitive est remboursée à 100% par la sécurité sociale. Plus généreux que pour changer des lunettes de vue ou pour se faire extraire une dent!

La bonne nouvelle aussi, c’est qu’on n’arrête pas le progrès!

En Norvège, à l’université d’Oslo, une professeure agrégée de philosophie (l’éthique est passée visiblement à côté!), suggère dans une étude récente, publiée dans la revue scientifique Theoretical Medicine and Bioethics, de créer un dispositif permettant aux femmes en état de mort cérébrale d’accepter que leur corps soit utilisé à des fins de gestation pour autrui. Soit, en clair: servir, en plein coma profond, de mère porteuse pour des couples infertiles ou homosexuels.

A ce rythme, nous ne sommes plus très loin de la gestation contrôlée en bocal au centre d’incubation et de conditionnement, telle que décrite en 1932 dans le fameux livre dystopique d’Aldoux Huxley!

Et puis quoi, dans une société soumise à la logique de rentabilité, on peut être mort et toujours productif, non?

Pour cela, nous avons déjà le compost humain, légalisé par cinq État des États-Unis: Washington, l’Oregon, le Colorado, le Vermont et la Californie.

Dans les médias du Vieux continent, où la vice-présidente de l’Assemblée nationale française et députée de l’Isère vient de déposer une proposition de loi en ce sens, le procédé est vendu sur le plan marketing comme une «alternative écologique à l’enterrement ou à la crémation», permettant de se recycler en réduisant son empreinte carbone et, par la même occasion, de faire gagner de l’espace perdu en cimetières!

Une concurrence rude serait donc à prévoir avec les pompes funèbres. La société américaine qui a mis au point le processus de compostage tout en se préparant à sa commercialisation, prévoit de facturer 5.500 dollars, ce qui est désigné comme une «conversion organique accélérée en milieu clos des restes humains en humus» avant d’octroyer aux proches le corps du défunt ou, plus exactement, «l’équivalent de deux brouettes» de terreau, à disperser dans le potager ou à utiliser pour faire pousser son pommier!

Commentaire désabusé digne de «Soleil vert»: après la réforme des retraites, on viendra nous dire qu’il faudra bosser post-mortem pour faire pousser les plantes!

Dans ce meilleur des mondes, partant de l’idée que «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», va-t-on manger des insectes et marquer un bond civilisationnel phénoménal par un retour de 300.000 ans en arrière avec ce nouveau vieux régime alimentaire?

L’UE, apprend-on via des sources sérieuses –en l’occurrence ici, pour ne pas la citer, Euronews-, a désormais approuvé quatre insectes en tant que «nouveaux aliments».

«Avec les problèmes de surpopulation et la pollution causée par l’industrie de la viande et des produits laitiers, de plus en plus de scientifiques pensent que les insectes pourraient être la clé pour freiner le changement climatique.»

La Commission européenne a donc autorisé (en bonne démocratie, sans débat et sans passer par aucun des différents parlements nationaux), la mise sur le marché de poudre dégraissée de grillons domestiques qui pourra être utilisée dans des pains, biscuits, pâtes à pizza, soupes, confiseries, etc.

Rassurez-vous cependant, même s’il y a de quoi mettre la puce à l’oreille là!

Vous en mangerez –ou pas!– en connaissance de cause, puisque les produits à base de poudre d’insectes devraient être obligatoirement étiquetés, de même que la mention des risques de réactions chez les personnes allergiques aux crustacés, aux mollusques et aux acariens.

Dans ce marché de niche prometteur, où l’on découvre en titre dans un article du journal Le Monde datant de 2017 que «Le “lait” de cafard est bien plus nutritif qu’on ne l’imagine», il demeure toutefois quelques réfractaires.

Le Qatar vient ainsi de déclarer par le biais de son ministère de la Santé publique qu’il interdit les produits alimentaires contenant des insectes, car ne répondant pas «aux exigences de la réglementation technique des aliments Halal».

Pas folle la guêpe!

Quoique, quand on sait qu’il existe du mascara sans cochon, du shampoing sans graisse animale, du rouge à lèvres sans alcool, on leur fait confiance pour nous concocter des recettes tout ce qu’il y a de plus halal, aux ingénieux explorateurs de cette piste marketing juteuse, ou poudreuse, c’est selon!

Par Mouna Hachim
Le 11/02/2023 à 11h02