Vidéo. Entre angoisses et frustrations: être jeune au Maroc

le360

Le 09/08/2020 à 13h07

VidéoDans cet entretien, le socio-anthropologue Chakib Guessous décrit les étapes et les problèmes auxquels doit faire face la jeunesse marocaine de nos jours. Etudes, emplois, sexualité: entre angoisses et frustrations, la jeunesse peine à s’épanouir. Interview.

Souvent décrit comme fainéants, ne voulant rien faire, cherchant la facilité, etc., les jeunes Marocains, pendant la crise sanitaire due au Covid-19, ont démontré qu’ils étaient capables d'accomplir des exploits et de s’engager pour la société dont ils font partie. 

Cependant, plusieurs obstacles freinent l’épanouissement de la jeunesse marocaine.

Selon le socio-anthropologue Chakib Guessous, un des problèmes majeurs est l’éducation et le niveau scolaire des jeunes du Maroc. 

«Les jeunes, quand ils arrivent à l’université, savent qu’ils n’ont pas le niveau, ils en sont conscients et ça les dérange et les angoisse. Ils trichent, parce qu’ils estiment qu’avoir un diplôme leur permettra d’assurer leur vie demain. Ce n’est pas de leur faute, ils n’ont pas été suffisamment formés pendant leurs années de scolarité. Ils grandissent avec cette angoisse d’années en années», confie Chakib Guessous. 

Une fois leur diplôme en poche, les jeunes se retrouvent face à une nouvelle difficulté: celle de trouver du travail.

Selon les statistiques communiquées par le socio-anthropologue, prés de 26% des 15-25 ans sont au chômage et plus le niveau d’étude est élevé, plus le taux de chômage est important.

«Une fois qu’ils ont une activité professionnelle, le revenu n’est pas suffisant. Par rapport aux ambitions que la société donne aux jeunes, ils ne parviennent pas à satisfaire ces ambitions. Ils n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture, une maison, alors qu’avant, avec un diplôme universitaire on pouvait facilement quitter le domicile familial. Ne pouvant quitter leurs parents, les jeunes ne sont pas totalement adultes, mais ils ne sont plus enfants. Ils restent donc dans une situation de flottement», explique Chakib Guessous.

A cette frustration, s’ajoute la frustration sexuelle. Les jeunes Marocains, comme tous les êtres humains, à partir de l’adolescence, ont des pulsions et ils ont envie d’avoir des relations avec une autre personne.

«Avant, les jeunes se mariaient à la puberté ou quelques années après, donc dès qu’ils avaient des pulsions, ils étaient orientés vers le mariage. Aujourd’hui le mariage se situe en moyenne à 27 ans pour les femmes et à 31 ans pour les hommes», indique le socio-anthropologue.

«Les jeunes sont donc obligés de vivre cette période avec de l’abstinence mais nous savons qu’une très grande majorité ont des relations mais ce ne sont pas des relations satisfaisantes pour l’un et pour l’autre. Ils vivent cette situation dans la peur et l’angoisse de se faire attraper ou dans l’angoisse d’avoir des conséquences de type grossesse ou maladie», ajoute l'auteur de l'essai Mariage et concubinage dans les pays arabes.

Autre étape importante dans la vie des jeunes: le mariage. Or, de nos jours, le mariage est un évènement qui coûte très cher.

«Tous ces obstacles mis bout à bout font que nous nous retrouvons avec des adultes qui viennent de se marier et qui ont des difficultés à avoir un enfant. La majorité de leur énergie a été perdue dans des obstacles, dans des angoisses qu’ils continuent de porter. Aujourd’hui, nous devons changer notre manière de traiter les jeunes. Nous devons permettre aux jeunes de se former au niveau de leur corps, de leur esprit et de leur mental pour pouvoir donner des Marocains épanouis et utiles pour leur pays», conclut le socio-anthropologue.

Par Mehdi Heurteloup
Le 09/08/2020 à 13h07