Cette étude, portant sur 300 personnes âgées de 15 à 35 ans, réalisée pendant le confinement, a permis au socio-anthropologue Chakib Guessous de mesurer l’impact du confinement sur la jeunesse.
Isolement«A cet âge, les jeunes ont besoin d’explorer le monde extérieur, de voir leurs amis, de se confronter à leur pairs, de vivre des expériences qui les formeront. Avec le confinement, les jeunes se sont retrouvés coupés d’un monde qui est le leur», explique le socio-anthropologue.
Selon cette étude, les garçons ont déclaré que leurs pairs (ensemble de personnes présentant des éléments communs avec un individu et susceptibles d'influencer celui-ci) leurs ont manqué pendant le confinement.
Les filles, en revanche, ont déclaré que les membres de la famille éloignée (tantes et grands-mères) leur avaient manqué.
«Les filles au Maroc entretiennent des relations plus poussées avec leurs tantes ou leurs grands-mères qu’avec leurs parents», affirme Chakib Guessous.
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Cette coupure a poussé les jeunes à utiliser leur smartphone pour échanger avec le monde extérieur.
L’étude a ainsi révélé que les jeunes ont parfois passé toutes leurs journées sur les réseaux. Or, en temps normal, seulement 10% des jeunes passent plus de 4 heures sur les réseaux sociaux et plus globalement Internet.
L’utilisation exacerbée des smartphones a donc été une source de conflit entre les parents et leurs enfants pendant le confinement, et ce, «d’autant plus que certaines familles, confrontées à des problèmes financiers, n’ont pas pu payer les recharges pour que les enfants aient accès à Internet. Ces jeunes ont donc été coupés, même virtuellement, de leurs amis», indique Chakib Guessous.
L’étude révèle aussi que l’activité physique a aussi manqué aux jeunes.
«A cet âge, les jeunes ont besoin de se défouler en faisant de l’exercice, ils ont de l’énergie à revendre, bloqués à la maison cette énergie bouillonnaient en eux», précise l’auteur de l’étude.
Les addictionsL’étude indique que chez les jeunes souffrant d'une addiction, celle-ci s'est exacerbée pendant le confinement.
La tradition veut que dans notre société, les jeunes ne peuvent fumer de cigarettes dans leur domicile familial, a fortiori consommer des drogues. Les jeunes ont dans donc été obligés d’inventer tous types de stratagème pour pouvoir quitter le foyer, en prenant le risque de braver le confinement ou le couvre-feu nocturne.
«Les jeunes qui n’ont pas pu quitter le domicile familial, pour consommer ou se ravitailler, se sont retrouvés dans une situation de sevrage et cette situation a provoqué des crises d’angoisses ou même des crises, où le jeune a usé de violence à l’encontre d’un autre membre de la famille», affirme Chakib Guessous.
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La sexualitéLes jeunes sont dans une phase où ils ont des pulsions sexuelles, un ou une petite amie, des rapports sexuels. L’étude montre que ce manque a fortement impacté leur bien-être mental et leur humeur pendant le confinement.
«Ne pas avoir la possibilité de se rencontrer, d’avoir de l’affection ou des rapports sexuels a énormément joué sur les jeunes», indique Chakib Guessous, auteur de l'essai Mariage et concubinage dans les pays arabes.
Une forte capacité de résilienceToutefois, certains jeunes se sont mobilisés pendant le confinement pour venir en aide aux autres membres de la famille, aux voisins et aux individus les plus démunis face à cette crise sanitaire.
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De nombreux jeunes, pendant cette période, ont pris des initiatives solidaires: participation à des opérations de dons alimentaires, nettoyage et désinfection de leurs quartiers, faire les courses pour leurs voisins ou encore repeindre les rues de leur quartier.
«Certains jeunes ont fait preuve de résilience et l’enquête l’a montré. Après être passé par une phase critique, ils se sont pris en main eux-mêmes et ont considéré qu'il était de leur devoir d’aider les autres. C’est quelque chose que nous devons retenir de la crise, les jeunes ont montré que dans les situations les plus graves ils pouvaient se sentir concernés et donner d’eux-mêmes pour les autres», conclut l’auteur de l’enquête.