Un 8 mars avec Meghan Markle

Zineb Ibnouzahir.

Que peut-on encore attendre du féminisme occidental alors qu’il n’a pas su faire barrage aux dérives du wokisme et de son évolution vers un féminisme inclusif? Pire encore, comment les féministes ont-elles pu laisser les extrêmes droites s’approprier la défense de la notion de genre?

Le 09/03/2025 à 17h03

Cette année, la journée internationale des droits des femmes a donné lieu à de nombreuses manifestations à travers le monde. En zappant d’une chaîne à l’autre, ou en scrollant sur l’écran de notre smartphone, les images se suivent et se ressemblent, à quelques nuances près. En France, au Venezuela, en Argentine, aux États-Unis, au Canada, en Turquie, elles étaient des centaines de milliers à battre le pavé pour revendiquer les droits des femmes, mais pas que...

Car en fonction du pays où l’on vit, de la société dans laquelle on évolue, le féminisme fusionne avec d’autres combats qui le dépassent. Ainsi, cette année, c’est la montée des extrêmes droites à travers le monde qui inquiète les femmes occidentales. Au Canada, comme en France ou encore aux États-Unis, les manifestantes ont dénoncé la montée toxique du masculinisme associée à celle d’un fascisme incarné, sur les pancartes brandies ici et là, par Giorgia Meloni, Donald Trump, Vladimir Poutine, Elon Musk, Javier Milei, J.D. Vance ou la famille Le Pen. Autant de figures du conservatisme qui sonnent la fin de certaines libertés, et/ou promeuvent le retour de valeurs familiales et sociétales en voie de disparition dans les pays occidentaux, ou dits développés.

En Argentine, la chose se résume à la fermeture du ministère des Affaires féminines et l’élimination des services consacrés à la promotion des femmes dans les agences de l’Etat. Aux États-Unis à la restriction, voire l’interdiction du droit à l’avortement dans plusieurs Etats. Il y a lieu de s’inquiéter. Mais du point de vue de la partie adverse, les arguments avancés convainquent de plus en plus de monde. On reproche ainsi aux féministes, comme c’est le cas en France, de ne pas dénoncer les violences sexuelles commises par les migrants et ainsi, de ne pas vouloir épouser une nouvelle politique migratoire visant à protéger la cause des femmes. Instrumentalisation du combat par l’extrême droite ou déconnexion de la réalité de la part des féministes? À chacun sa réponse et sa vérité.

Une chose est sûre, un gap de plus en plus grand se creuse entre le féminisme occidental et les autres, ceux que l’on pratique ailleurs et que l’on associe à d’autres causes. Dans le Maroc des années 90 et 2000, on se projetait dans ce féminisme occidental né de la deuxième vague du mouvement dans les années 60, et qui prenait pour cible le rapport de domination de l’homme sur la femme, le patriarcat et le sexisme. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui. Mais pendant ce temps-là, aux États-Unis, la troisième vague du féminisme donnait la voix aux minorités non blanches, non bourgeoises, non occidentales, à l’instar du Black Feminism. C’est dans le sillage de cette troisième vague qu’est né le féminisme inclusif qui a fait de son combat celui de toutes les minorités. Ce train-là, les féministes marocaines sont aussi montées dedans dans les années 2000, mais en adoptant pour leur part le féminisme dit islamique. Depuis, le féminisme ne cesse de se ramifier.

Alors peut-on aujourd’hui encore militer toutes ensemble, sous la même bannière, à l’occasion du 8 mars? À vrai dire, la chose devient de plus en plus ardue tant les combats des femmes aujourd’hui divergent, se teintent de couleurs tantôt politiques tantôt religieuses et semblent s’éloigner de plus en plus des fondements de ce mouvement. Cette année, alors que le thème du 8 mars était «pour TOUTES les femmes et les filles: droits, égalité et autonomisation», on se demande s’il n’était pas un peu déconnecté de la réalité, tant la notion de «toutes» mériterait d’être clarifiée.

Car peut-on encore s’inspirer de ce féminisme occidental et en attendre des solutions quand ce mouvement n’a pas fait barrage aux dérives du wokisme et de son féminisme inclusif? Lorsque l’identité féminine n’est plus uniquement définie par la biologie, et que des hommes se déclarent femmes, comment peut-on continuer à défendre les droits des femmes telles qu’on les connaissait? Comment incarner encore un féminisme «traditionnel» quand les questions qui se posent aujourd’hui portent sur la possibilité ou pas de participer à des compétitions féminines sportives quand on est trans et que la féminité se résume à une question d’hormones que l’on ingère? Comment porter encore ce combat quand on explique aux enfants dans les manuels scolaires qu’ils peuvent choisir d’être garçon ou fille? Pire encore, comment les féministes ont-elles pu laisser les extrêmes droites de leurs pays s’approprier ces questionnements plutôt que de s’en faire les chantres?

Au lieu de cela, les voix qui se sont exprimées pour dénoncer ces dérives, à l’instar de J. K. Rowling, la maman d’Harry Potter, ont été ostracisées. Le tort de l’écrivaine britannique: avoir commenté un article prônant une «plus grande égalité pour les personnes ayant leurs règles» (comprenez par là qu’il faut inclure dans ce groupe les personnes transgenres qui ont leurs règles), en ironisant: «Les personnes qui ont leurs règles. Je suis sûre qu’il existe un mot pour ce genre de personnes. Que quelqu’un me vienne en aide. Wumben? Wimpund? Woomud?». Une réponse jugée anormale car, lui a-t-il été rappelé, une femme ne peut plus être résumée à son utérus! J. K. Rowling a depuis été étiquetée TERF (Féministe Radicale Trans-Exclusionniste), un terme péjoratif utilisé sur les réseaux sociaux pour désigner les féministes critiques des personnes trans, qui soutiennent le fait qu’être femme est avant tout une expérience biologique et qui pensent que les revendications politiques des trans nuisent au combat des femmes.

Pendant ce temps-là, alors que Disney perd des millions de dollars depuis qu’il a entrepris de wokiser ses créations pour y inclure la diversité, le féminisme, le multiculturalisme et la cause LGBT, et qu’on accuse le prince plus du tout charmant d’avoir volé un baiser à la belle au bois dormant sans son consentement, une autre princesse vient de nous gratifier (sans notre consentement) de sa vision de la vie, Meghan Markle.

Dans un univers aseptisé et minimaliste à souhait, la femme du prince Harry signe l’un des plus gros flops de Netflix avec son programme «As Ever», où elle dépeint sa vision de la femme, de l’épouse et de la maman en s’inscrivant (consciemment ou pas) dans la lignée de la «trad wife», ce phénomène qui grossit actuellement aux États-Unis et qui signe le retour de l’épouse traditionnelle parfaite dans sa cuisine parfaite des années 50.

À coups de rires niais et de minauderies, Meghan Markle nous gave de conseils domestiques, allant des recettes pour enfants aux croquettes maison pour chiens, en passant par les bouquets de fleurs -parce que ça détend tellement- et l’utilisation de la lavande pour le linge.

Bref, Meghan Markle tente de nous convaincre, après avoir joué le rôle de la princesse rebelle qui refuse le carcan d’une vie imposée par la famille royale britannique, avoir tenté de s’imposer comme une icône des questions raciales en Afrique du Sud, avoir choisi la liberté plutôt que l’oppression de l’étiquette, avoir choisi l’amour plutôt que les titres, qu’elle passe ses journées à faire la popote et à tresser des couronnes de fleurs en préparant des pancakes.

Quelle débâcle! On aurait tellement plus apprécié un programme sur l’art d’être une business woman et les ficelles pour dealer avec Netflix ou Spotify. Mais n’est pas Martha Stewart qui veut. En ce 8 mars, en regardant péniblement son émission, on n’a pas pu s’empêcher de se rappeler que la femme est encore et toujours le pire ennemi de la femme.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 09/03/2025 à 17h03

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