Plus encore, les spécialistes marocains considèrent qu'aujourd'hui, au Maroc, 8 enfants sur 10, souffrant d’un cancer pédiatrique et qui sont pris en charge correctement, guérissent complètement de leur maladie cancéreuse.
Un des fleurons de cette prouesse historique est le service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique du Centre Hospitalier universitaire Ibn Sina de Rabat qui reçoit 300 nouveaux enfants atteints de cancers chaque année.
Ce service universitaire de prise en charge thérapeutique des cancers infantiles et d’autres maladies chroniques du sang, réalise un bilan annuel considérable: il fait 10 000 consultations, 10 000 actes de chimiothérapie et de traitements ambulatoires, 5000 transfusions sanguines et 50 000 actes diagnostiques (biologiques, radiologiques et autres comme les ponctions lombaires et les médullogrammes que sont les prélèvements à partir de la moelle osseuse).
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Mais il faut préciser par ailleurs que sur les 1200 à 1300 enfants marocains sont touchés par le cancer par an, même pas la moitié, environ 700 sont diagnostiqués, et pris en charge sur le plan thérapeutique dans les différents centres spécialisés du Maroc
A l’occasion de la journée internationale du cancer de l’enfant, célébrée le 15 février de chaque année, la Dr Lailla Hssissen, professeur de pédiatrie à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat et chef du service d’hématologie oncologie pédiatrique à l'hôpital universitaire des enfants relevant du CHU de Rabat-Salé, dresse un tableau succinct des cancers de l’enfant dans le monde et dans notre pays.
Les cancers pédiatriques constituent la principale cause de décès liée à la maladie chez les enfants âgés entre 1 et 15 ans.
Pour l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 300.000 enfants et adolescents âgés de 1 à 19 ans sont concernés chaque année par le cancer dans le monde.
Cette maladie peut apparaître à n’importe quel âge et se localiser dans n’importe quel organe ou partie du corps de l’enfant.
Il y a 15.000 nouveaux cas de cancers chez les enfants aux Etats-Unis, contre 130.000 dans les pays en voie de développement, chaque année.
Pour le Maroc, on compte entre 1200 et 1300 nouveaux cas par an des cancers de l’enfant, mais seulement 700 sont pris en charge correctement.
Et ce sont des cancers spécifiques de l’enfant, complètement différents de ceux qu’on voit chez l’adulte.
Aujourd’hui, grâce au diagnostic précoce d’un cancer chez l’enfant, associé à une prise en charge thérapeutique s’alignant sur les standards internationaux et faisant appel aux médicaments innovants, le taux de guérison total tourne autour de 60%.
L’objectif de tous les services d’hématologie oncologie pédiatrique est d’atteindre 80% de survie.
Il faut savoir que dans toutes les spécialités cancérologiques confondues, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, les cancers infantiles ne dépassent pas les 3%.
Les leucémies, les lymphomes et les tumeurs dites embryonnaires sont les plus fréquemment observés chez les moins de 15 ans.
Pour le Pr Mohammed Khattab, ancien chef du service des cancers de l’enfant (2005- 2019) du CHU de Rabat-Salé, depuis 1983, pratiquement tous les enfants atteints de cancers mourraient de leur cancer par défaut de structure hospitalière spécialisée et d’un personnel qualifié.
Aujourd’hui, entre 50 à 90% guérissent définitivement et mènent une vie personnelle et professionnelle d’adulte comme tout un chacun, explique le Pr Khattab.
Il ajoute que «ces résultats positifs ont été obtenus grâce à la volonté et le dévouement de pédiatres marocains pionniers, aidés par la suite par des experts français, canadiens et Américains ainsi que par des associations nationales et internationales».
Enfin, l’une des lueurs d’espoir pour traiter les cancers de l’enfant au Maroc est le développement de la greffe de cellules souches hématopoïétiques.
Ainsi, pour Fatma Chraïbi, vice-présidente de l’association L’Avenir, soutien essentiel du service d’oncologie pédiatrique au CHU de Rabat, au Maroc, comme dans d’autres pays en voie de développement, l’insuffisance des moyens thérapeutiques et financiers rend difficile l’aide des enfants atteints de cancer.
Lorsque les différentes possibilités thérapeutiques, qu’il s’agisse de chimiothérapie ou de radiothérapie, ont échoué, l'alternative, c’est la greffe de la moelle osseuse.
Le but de cette pratique thérapeutique est de greffer une moelle osseuse saine ou des cellules souches périphériques.
Il faut préciser que les cellules souches, dites «cellules-mères» sont celles qui sont à l’origine des cellules définitives dans le sang (globules blancs, globules rouges et plaquettes).
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Ces cellules souches sont prélevées dans la moelle osseuse ou dans le sang périphérique par une technique appelée cytaphérèse. Selon le type de cancers, elles peuvent être prises chez le patient lui-même, qualifiée d’auto greffe, ou chez une tierce personne compatible, un frère ou une sœur, dite allogreffe.
Le coût élevé de la greffe de la moelle, qui peut atteindre plusieurs millions de DH à l’extérieur du pays, a imposé que cette pratique soit disponible et développée dans les hôpitaux marocains.
Certes, celle-ci commence à être pratiquée dans certains CHU du Royaume, mais pas assez pour répondre aux besoins réels.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.