La médecine nucléaire est la spécialité médicale qui utilise les propriétés de la radioactivité à des fins médicales. Les éléments radioactifs, ou radionucléides, ont la particularité d’émettre différents types de rayonnements. Ces rayonnements traversent différemment les organes selon leur densité.
En introduisant des substances radioactives à l’intérieur même de l’organisme, cette technique médicale permet de réaliser des actes ciblés et puissants, du diagnostic au traitement. Les rayonnements radioactifs, à fort dosage, ont aussi la capacité de détruire certaines cellules. Cette propriété est utilisée pour détruire de manière ciblée des tumeurs cancéreuses. On parle alors de radiothérapie.
Pour le Pr Nezha Ben Raïs, chef du service de médecine nucléaire au CHU Ibn Sina de Rabat, cette discipline a un rôle clairement défini dans la pratique clinique en raison de son utilité dans de nombreuses disciplines médicales, notamment en cardiologie, neurologie et en cancérologie.
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De plus, c’est une spécialité médicale qui évolue à un rythme rapide. Mais les progrès technologiques réalisés au cours des vingt dernières années contribuent à une disparité croissante entre les pays développés et les pays en développement.
Depuis 2000, le nombre d'actes de médecine nucléaire a considérablement augmenté. Les avancées dans le domaine, telles que l’utilisation de la technique du «théranostic», ont complètement remodeler la médecine personnalisée, en terme de diagnostic et de traitement.
Ainsi, la médecine nucléaire est devenue la pierre angulaire en cancérologie et un outil incontournable en matière de diagnostic, de l’évaluation du bilan d’extension de la cancérologie, de la «stadification» du cancer, de l'efficacité thérapeutique et de la délimitation précise des volumes ciblés pour la radiothérapie et du «théranostic».
Cependant, les avantages de la médecine nucléaire n'ont pas été équitablement répartis dans le monde. Alors que les données de qualité sur l'incidence du cancer et les taux de survie sont souvent indisponibles (par exemple, la disponibilité des données des registres est bien inférieure à 10% en Afrique, en Asie et en Amérique latine), les analyses actuelles indiquent qu'environ 70% des décès à cause d'un type de cancer surviennent dans les pays à revenus faibles et intermédiaires.
Sachant que la thérapie en oncologie ou la radiothérapie ne peuvent être établies sans la médecine nucléaire, il est urgent de réduire les disparités existantes entre les pays développés et les pays en développement, et d'établir une stratégie pertinente pour renforcer la place de la médecine nucléaire dans toutes les spécialités médicales et secteurs de la santé, en particulier en oncologie, de même que dans les pays dont la population est à revenus faibles ou intermédiaires.
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Comme dans tous les domaines, la disparité entre les sexes est omniprésente en médecine nucléaire, indique le Pr Nezha Ben Raïs. qui a été nommée, en février 2022, présidente d’un groupe d’experts internationaux comprenant les femmes spécialistes en médecine nucléaire à travers le monde. C’est le WINMI, les femmes en médecine nucléaire: ce groupe fait partie lui même du WIN GLOBAL, qui est l’International Women In Nuclear, qui regroupe 7 groupes d’expertise.
Un de ses objectifs est de promouvoir la parité dans ce domaine, du fait que la parité entre les sexes est l'une des priorités de WiN global et fait partie des 17 objectifs de développement durable des Nations Unies.
Le groupe international des femmes experte en médecine nucléaire a pour principal partenaire, au Maroc, le Centre National de l’Energie, des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN).
Mais comment fonctionne le spécialiste en médecine nucléaire? Pour obtenir des images, le médecin nucléaire injecte des éléments radioactifs appelé traceurs. Grâce à un matériel de détection adapté, il visualise la diffusion d’un traceur dans les organes dont il veut obtenir une image fonctionnelle. Deux grands systèmes de détection coexistent: la scintigraphie gamma, et la tomographie à émission de positons ou Pet-scan.
Ils permettent d’obtenir des images d’une précision extrême du muscle cardiaque, des poumons, de la thyroïde, du cerveau… Ces images permettent notamment de détecter des lésions profondes ou des maladies à des stades très précoces de leur développement.
Le recours à un spécialiste en médecine nucléaire est généralement décidé par un spécialiste (cancérologue, spécialiste d’organe), ayant besoin d’images précises pour établir un diagnostic et suivre l’évolution d’une maladie ou d’un traitement.
Il peut être aussi décidé par l’équipe pluridisciplinaire qui suit un patient souffrant d’un cancer du fait de l’intérêt de cette technique dans le protocole de prise en charge mis en place.
Comme tout ce qui se rapporte au nucléaire inquiète, les spécialistes en médecine nucléaire précisent que l’imagerie nucléaire ne présente pas de risque particulier, les doses et le temps d’exposition aux radionucléides étant faible. Un risque d’allergie aux éléments marqués, notamment à l’iode, existe mais il est évalué avant l’intervention.
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La radiothérapie peut être à l’origine d’effets secondaires variables selon la dose administrée, la technique utilisée, les autres traitements et la zone traitée.
Certains peuvent apparaître dans les jours ou les semaines qui suivent l’irradiation (rougeur de la peau, difficulté à avaler, œdème…), d’autres peuvent apparaître plusieurs mois après (changement de la couleur de la peau, douleurs, raideurs articulaires, troubles cardiaques…). Avec les nouvelles générations d’appareil de radiothérapie, on maîtrise de plus en plus ces effets secondaires, indique le Dr Mounir Bachouchi, cancérologue à Rabat.
Cette propriété est exploitée pour observer les organes durant leur fonctionnement, permettant ainsi l’étude, le diagnostic et le suivi de très nombreuses maladies. La médecine nucléaire, donnant des images en deux, puis maintenant en trois dimensions, apporte un complément à la radiologie, à l’échographie et à l’IRM, conclut le Pr Nezha Ben Raïs, dont les études post-doctorales ont eu lieu à l’Université de Tokyo et l’Institut National de Santé (INH) du Maryland, aux Etats-Unis.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.