J’en suis fière! Contactée en 2020 par Le360 pour produire une chronique hebdomadaire, j’ai aussitôt accepté. Mais mon enthousiasme a cédé la place à l’angoisse de ne pas assumer!
En tant que sociologue, j’ai toujours été frustrée par le manque de supports pour publier des articles sur des sujets qui m’interpellent. Faire de la recherche et en publier les livres demande des années de labeur. Un engagement et une concentration ininterrompus, des efforts et des sacrifices qui ne se soldent pas toujours par des satisfactions, puisque le nombre de lecteurs marocains est dérisoire. La majorité des ouvrages ne dépasse pas les 1.000 exemplaires vendus, sauf quelques exceptions, dont je fais partie.
Écrire des articles une fois par semaine, c’est rester accroché à la réalité quotidienne.
J’ai longtemps collaboré avec des revues féminines. J’ai apporté mon petit grain de sable pour faire évoluer les lois et les mentalités. Mais la cible de ces revues reste limitée.
Avec l’avènement d’Internet et des sites électroniques, il me semblait indispensable de m’y introduire.
Un article hebdomadaire n’est pas facile. Un stress qui motive et permet de relever le défi d’être présente tous les vendredis. Quel thème aborder? L’actualité donne des sujets du moment, nationaux ou internationaux. Sinon, il faut fouiner dans le social, le culturel, le politique, l’événementiel… pour présenter aux lecteurs des thèmes attractifs.
L’écriture est un doux vice. Une addiction. Une fois qu’on y goûte, difficile de s’en défaire. Écrire permet de se réfugier dans un monde sécurisant, apprendre, satisfaire sa curiosité, s’informer, partager… C’est se sentir obligé d’informer, d’attirer l’attention sur un fait, dénoncer, sensibiliser, espérer faire changer les positions face à une cause, une injustice. Pour sensibiliser l’opinion publique et faire agir ceux qui occupent les lieux de décision, pour soutenir et encourager l’engagement et les actions de la société civile.
Écrire, c’est aussi oser livrer ses idées et ses prises de position au public, à ses risques et périls! Il faut accepter la critique et étouffer son ego.
Écrire en toute liberté, mais en respectant une certaine éthique. Il m’arrive de me censurer pour ne pas choquer inutilement, ne pas créer de scandale inutile, juste pour faire le buzz.
Mais parfois, les oreilles restent sourdes ou les faits dénoncés ne peuvent être réglés dans le court terme, tels mes articles sur l’anarchie de la circulation à Casablanca, la mendicité, les dégâts de TikTok, les enfants de la rue…
Parfois, c’est l’indifférence. Exemple, mon article intitulé «Pitié, sauvez la statue du Sultan Mohamed V!» (Le360, 3/06/2022), l’unique statue de ce monarque, qui dépérit sur la façade d’une villa abandonnée à Rabat.
Une déception plus intense, suite à un article, en 2001, titré «Entre El Brouj et Kalâat Sraghna: le souk aux épouses» (Femmes du Maroc, juin 2001), publié dans «C’est pas juste!» (ed. MARSAM, 2018). Lors d’une enquête, j’ai découvert que dans un des souks de la région, il y avait des courtiers qui procurent des «petites bonnes» et également des épouses mineures. Une copie de l’article a été envoyée à chacun des 395 députés, avec une question: que faire?
Aucune réponse, aucune réaction!
Mais aujourd’hui, il y a une nette amélioration. Exemple, ma lettre ouverte au ministre de la Justice, le 28 mars 2023, à propos du cas de Sanae, violée à 11 ans, maman à 12 ans. Le principal accusé, jugé coupable, a écopé de deux ans de prison, dont 18 mois avec sursis, alors que ses deux complices ont été condamnés à 18 mois avec sursis! L’État et la société civile ont aussitôt réagi: en appel, le verdict a été ramené à 20 ans de prison pour le premier et à 10 ans pour les deux autres violeurs.
Aujourd’hui, les responsables sont davantage à l’écoute et, les réseaux sociaux aidant, l’intervention est immédiate. Souvenons-nous du pédophile sur la place d’El Jadida qui a été aussitôt arrêté par les autorités.
Si je n’atteins pas toujours mes objectifs, ma conscience est satisfaite, car j’accomplis mon devoir de citoyenne.
Écrire, c’est aussi inscrire dans la mémoire de notre pays des pratiques, des us et coutumes, des rituels qui risquent de tomber dans l’oubli. C’est sublimer et valoriser des éléments de notre culture. C’est partager des émotions avec les lecteurs, de l’humour et de l’autodérision pour attirer l’attention sur des paradoxes ou des dysfonctionnements.
Le plus agréable, ce sont les commentaires de fidèles lecteurs. Qu’ils soient d’accord ou pas avec moi, ils m’enrichissent.
Une autre joie, c’est quand on m’arrête dans des lieux publics pour me complimenter. Moins souvent pour me reprocher mon féminisme, d’être injuste avec les hommes… Un homme en colère, mais courtois, m’avait interpellé dans une grande surface: «Vous avez écrit sur la masculinité toxique. Et la féminité toxique? J’en suis une victime!»
Un autre homme m’a demandé d’arrêter de détruire l’Islam en revendiquant l’équité dans l’héritage. Nous avons discuté pendant près d’une heure, dans un parking, sur ta’cib en héritage. Cet homme qui ne saluait pas les femmes m’a embrassé le front.
Souvent, on m’arrête pour me proposer des sujets. Des personnes se confient à moi. Ce qui enrichit mes articles, car je n’invente rien, je lis et je questionne les personnes concernées par les thèmes choisis.
On m’a demandé d’enregistrer mes articles en vidéo pour permettre un accès plus facile que par la lecture. J’en ai enregistré beaucoup, mais j’ai arrêté, faute de temps. Promis, je reprendrai les enregistrements.
Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui me lisent, qui me donnent de la matière par écrits ou en m’abordant directement. Merci au média Le360 qui m’a donné une tribune pour faire entendre régulièrement ma petite voix.
Mesdames, Messieurs. Continuez à m’encourager, à exprimer votre désaccord. Je ne détiens pas LA vérité. J’essaye juste de partager avec vous ce en quoi je crois.