L’Institut royal des études stratégiques (IRES) vient de publier le rapport de synthèse des journées de réflexion prospective sur le thème suivant: «Quel système de santé au Maroc, à l’aune de la souveraineté nationale et de la généralisation de la couverture sociale?».
L’IRES avait, rappelons-le, organisé, le 20 avril 2022, une journée perspective sur ce thème. Plusieurs sujets ont été débattus, tels que les transitions épidémiologiques et la gouvernance du système de santé au regard des objectifs de généralisation de la protection sanitaire. L’examen de ces questions a permis de formuler des propositions de réforme nécessaire à opérer dans le secteur de la santé.
Défis pressants et enjeux multiplesSelon l’IRES, les disparités dans l’accès à l’offre de santé constituent l’un des points faibles à caractère structurel du système actuel. Elles sont généralement liées aux écarts de revenus, au lieu de résidence (milieu rural, milieu urbain, centre, périphérie urbaine, etc.), au niveau d’éducation, aux différences de modes de vie et des modes nutritionnels (fortement corrélés au niveau de revenus), à l’accès aux équipements de base (eau potable, assainissement, infrastructures routières, transport, etc.).
Ces inégalités de santé se creusent, également, du fait d’un développement déséquilibré entre le secteur privé et le secteur public. Le coût d’accès à l’offre de santé représente également l’une des barrières aux soins les plus contraignantes pour les citoyens. Au Maroc, ce coût repose, en grande partie, sur la contribution directe des ménages soit en paiements directs, soit en reste à charge, signale l’Institut.
Lire aussi : Réforme de la santé: Khalid Aït Taleb se réunit avec des syndicats représentant les médecins du secteur libéral
La part des ménages, dans le financement du système de santé, dépasse les 50%. Selon le ministère de la Santé, 10% des Marocains consacrent 30% de leurs revenus en dépenses de santé.
Il est, par ailleurs, estimé que le nombre d’actes médicaux effectué par un médecin exerçant dans le secteur public est de moitié inférieur par rapport au médecin du secteur privé. Cette réalité interpelle sur la performance globale du système de santé dont le potentiel n’est pas pleinement utilisé.
Augmentation des maladies non transmissibles, vieillissement, changement climatique… Des facteurs contraignantsDans son rapport de synthèse, l’IRES fait état d’une augmentation des maladies non transmissibles, lesquelles représentent actuellement près de 74% de tous les décès dans le pays (maladies cardiovasculaires 34%, diabète 12%, cancers 11%, traumatismes 7%).
De plus, la tendance au vieillissement de la population est considérée comme un enjeu à fort impact sanitaire. Ce vieillissement de la population, associé à la transition épidémiologique, peut entraîner une augmentation de la vulnérabilité sanitaire de la population.
En outre, les effets négatifs du changement climatique (sécheresse, pénuries d’eau, changements des modes nutritionnels et alimentaires, etc.) incitent à se préparer non seulement à la montée des besoins en prise en charge rapide des victimes climatiques, mais aussi à l’émergence de pathologies probablement inédites.
L’IRES fait aussi savoir que l’absence d’instances de régulation du système de santé retarde, selon les acteurs du secteur, la mise en œuvre des réformes dans des domaines importants, tels que l’industrie émergente du vaccin, l’élaboration d’un cadre juridique spécifique au partenariat public-privé et la promotion de la R&D.
Il indique également un déficit important en ressources humaines dans le secteur de la santé. Selon les normes de l’OMS, le déficit en médecins au Maroc est estimé à 10.000 médecins et à 70.000 infirmiers. Ce chiffre serait plus élevé selon les récentes déclarations du ministre de la Santé, en janvier 2022, au cours desquelles il a évoqué un besoin de plus de 32.000 médecins et de 65.000 infirmiers.
Le Conseil national du développement humain (CNDH), quant à lui, a énoncé, dans son rapport, d’avril 2021, un besoin de plus de 32.000 médecins. L’encadrement académique lors de la formation est un gage de qualité. Or, dans ce domaine, le déficit est important.
Quel modèle sanitaire pour le Maroc? Les exemples du système de santé cubain, allemand et turc ont été évoqués lors de la journée prospective organisée par l’IRES, afin d’illustrer des bonnes pratiques sanitaires reconnues à l’échelle internationale. Chacun de ces exemples offre, en effet, des spécificités utiles à rappeler pour en tirer quelques enseignements pour le Maroc.
Les exemples cubain et turc offrent ainsi une illustration de modèles de systèmes de santé qui, tout en étant fondés sur la gratuité des soins, permettent d’avoir une offre de soins de qualité. En assurant la gratuité des soins, un verrou important d’accès à la santé est éliminé pour le patient à savoir le paiement direct de la prestation sanitaire ou celui du reste à charge.
Lire aussi : Réforme de la santé: tout ce qu’il faut savoir sur le projet de loi-cadre adopté en Conseil des ministres
L’IRES note aussi que l’exemple cubain, turc et allemand démontre tout l’intérêt d’une santé de proximité. La santé est gérée au plus près des besoins de santé des citoyens par des systèmes locaux adaptés.
La Turquie présente, également, l’exemple d’un modèle réussi, érigé en levier du développement. Ce pays est parvenu, en quelques années, à se hisser parmi les grands pays producteurs et exportateurs de produits de santé dans le monde.
Ce qu’il faudra faireL’IRES propose ainsi de doter le secteur de la santé d’une vision stratégique, prospective et multidimensionnelle innovante, de réactiver les structures de concertation et de gestion de crise, d’actualiser les lois existantes, d’encourager la régulation du partenariat public-privé et de revoir les cursus de formation.
Il est aussi question d’encourager la recherche & développement dans les sciences de la santé au sein des universités et promouvoir la recherche et les études cliniques, de développer l’industrie health tech, et de définir un modèle durable de financement du système de santé.