Pourquoi faut-il actualiser le règlement de construction parasismique

Les dégâts occasionnés par le séisme sur des constructions à Moulay Brahim, dans la province d'Al Haouz.

Bien que le Maroc soit qualifié de sismicité modérée, il a subi, à travers son histoire, de nombreux tremblements de terre destructeurs, dont le dernier remonte au 8 septembre 2023. De nouveaux paramètres qui imposent alors une mise à jour du Règlement de construction parasismique (RPS).

Le 21/03/2024 à 11h26

Alors que le Maroc se remet encore des séquelles du récent séisme destructeur d’Al Haouz, un appel d’offres a été lancé par le ministère de l’Habitat afin de réaliser une étude pour l’actualisation du règlement de construction parasismique (RPS). Selon la tutelle, les dernières secousses, touchant cinq provinces et une préfecture du Royaume, soulignent l’importance cruciale de la construction parasismique et des mesures techniques visant à renforcer la sécurité des bâtiments face aux tremblements de terre.

Lahsen Aït Brahim, expert en construction parasismique, souligne que bien que le premier RPS, introduit en 2002 et révisé en 2011, constituait une base solide, il requiert aujourd’hui une actualisation pour intégrer les dernières connaissances et les nouvelles technologies dans le domaine du bâti. Cette nécessité est d’autant plus pressante que les séismes récents, notamment celui d’Al Haouz, ont révélé des faiblesses dans la mise en application des normes existantes, entraînant des effondrements et d’importants dégâts sur le plan humain.

«Concrètement, ce règlement énonce les normes et directives essentielles à suivre pour garantir que les bâtiments résistent aux secousses sismiques, en veillant surtout à ce qu’ils ne s’effondrent pas, mais puissent éventuellement présenter des fissures tout en maintenant leur intégrité structurelle. En définissant des zones de sismicité et en imposant des standards de construction adaptés, il vise à renforcer la résilience des bâtiments», explique l’expert qui a, par ailleurs, participé à l’élaboration du RPS 2000 et à sa mise à jour en 2011.

Cependant, comme observées lors du séisme d’Al Haouz, des défaillances dans l’application de ces normes ont été remarquées, mettant en relief le danger potentiel lorsque les poteaux ne parvenaient, par exemple, plus à supporter les dalles, provoquant des effondrements en cascade. «À qui incombe la faute? Qui va assumer la responsabilité de ce qui est arrivé? Le ministère de l’Habitat a rempli ses obligations, mais qu’en est-il de l’application des normes sismiques? L’application du RPS 2011 ne peut pas empêcher l’arrivée des séismes, mais elle aurait beaucoup atténué les dégâts aussi bien sur le plan humain que matériel», déplore Lahsen Aït Brahim.

Notre interlocuteur signale qu’une étude sismique a été réalisée, attribuant à chaque commune parmi les 1.503 communes concernées des coefficients spécifiques que les ingénieurs en béton armé doivent intégrer dans leurs calculs pour dimensionner correctement les structures. «Pourtant, il est regrettable de constater que cette directive n’a pas été appliquée par plusieurs bureaux d’études et organismes chargés de délivrer les autorisations de construction», regrette-t-il.

Un nouveau zonage sismique adopté en 2011

Actualisé en 2011, le RPS apportait un nouveau zonage sismique avec la liste par province et par commune, ce qui lève le doute de la carte du RPS 2000. Il comportait également une redéfinition des classes de sol et des catégories d’importance d’ouvrage à risque normal. Concrètement, ces règles fixent des exigences en matière de conception mais également en ce qui concerne les dispositions constructives à mettre en œuvre en fonction des solutions techniques retenues (construction en béton armé, maçonnerie, acier…).

«Le RPS 2002 distinguait trois zones sismiques. Une classification révisée et étendue dans l’édition de 2011 a été publiée au Bulletin officiel en 2013, pour introduire cinq zones sismiques à travers le Maroc. Chaque zone était définie par ses propres caractéristiques sismiques, attribuant des valeurs spécifiques d’accélération et de vitesse aux communes situées dans ces zones. Toutefois, depuis l’adoption de cette mise à jour en 2011, le réseau sismologique marocain n’a cessé d’enregistrer un nombre significatif de secousses, soulignant la nécessité d’actualiser le catalogue de sismicité national», précise l’expert en gestion des risques.

L’urgence de revoir les normes sismiques s’est depuis accentuée à la suite du séisme d’Al Haouz, d’une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter, le tremblement de terre le plus puissant enregistré au Maroc depuis 1900. «Cet événement majeur a mis en évidence l’impact potentiel sur les calculs de résistance sismique et, plus largement, sur le zonage sismique du pays, signalant la nécessité d’une réévaluation complète des standards en vigueur. Parallèlement, les recherches académiques et les études sur les failles actives ou potentiellement actives au Maroc se sont intensifiées depuis 2011, générant de nouvelles thèses et publications. L’implication de la communauté scientifique et universitaire (facultés et écoles d’ingénieurs) dans ces sujets a enrichi la compréhension des risques sismiques au Maroc. D’où l’intérêt d’intégrer ces avancées dans une mise à jour du catalogue des failles potentiellement actives», poursuit notre interlocuteur.

Selon Lahsen Aït Brahim, le ministère de l’Habitat a lancé cet appel d’offres pour recueillir les retours d’expérience des professionnels du secteur de la construction, notamment ceux regroupés en fédérations telles que les architectes, bureaux d’études, et bureaux de contrôle. «L’objectif est d’ouvrir un débat avec ces acteurs en élaborant une plateforme afin d’identifier les éventuelles difficultés rencontrées lors de l’application de la dernière version du RPS. Les problèmes de l’utilisation de logiciels de calcul, non encore validés par les autorités compétentes et le ministère de tutelle, doivent être soulevés pour y remédier», fait-il observer.

Il rappelle qu’en 2011, le RPS a été intégré dans un logiciel de calcul qui a été sollicité par le ministère de l’Habitat à travers l’Université Mohammed V et une boîte privée internationale expérimentée: «Pourquoi ce logiciel validé par les experts marocains n’a-t-il pas encore vu le jour? Cette démarche vise également à évaluer l’impact des surcoûts liés aux augmentations des prix des matériaux de construction post-Covid sur les projets.»

Une approche multidisciplinaire

«Les retours obtenus seront analysés par une panoplie d’experts, notamment des géologues, des sismologues, des géotechniciens, des géophysiciens et des spécialistes en dynamique des structures pour déterminer les mises à jour nécessaires du RPS. Cet examen s’appuiera donc sur une approche multidisciplinaire participative», poursuit-il.

L’analyse de ces retours et discussions permettra de réviser le code de construction en tenant compte des classifications des bâtiments basées sur leur usage, pour assurer une application plus efficace et adaptée du RPS, en réponse aux réalités et défis rencontrés par les professionnels du bâti. «Il faut noter que le RPS ne concerne que des catégories spécifiques de bâtiments, excluant certaines infrastructures majeures telles que les grandes installations industrielles, y compris les usines chimiques, et les infrastructures critiques telles que les ports, les aéroports, les ponts, les tunnels... Ces derniers nécessitent des analyses approfondies en raison de leur importance stratégique», souligne Lahsen Aït Brahim.

«Concernant les projets d’envergure, comme la ligne à grande vitesse (LGV) entre Kénitra et Agadir, ainsi que les autoroutes, des études spécialisées en aléa sismique et en dynamique des structures sont en cours pour garantir leur conformité aux normes internationales de sécurité élevées», relève l’expert, pour qui «cette actualisation du RPS 2011 doit être accompagnée par une vaste campagne de sensibilisation de son application auprès de tous les intervenants dans le domaine du bâti, les autorités qui délivrent les autorisations de construction, les citoyens et surtout les écoles. La culture du risque nécessite de faire des rappels chaque fois que c’est nécessaire».

Par Hajar Kharroubi
Le 21/03/2024 à 11h26