Baiser, bisou, bécot, quouboula (arabe classique), boussa, bouissa, houbba, ammouha (arabe dialectal), taqqamoute, isetjmite, ammouhe (amazigh). Les jeunes disent plutôt: tchalquime, harbe achnayfe (guerre des lèvres), tmatmite, takrache, tma’chique (vient de ‘ichque, passion), elâddane (morsures), tmoun’îche (vient de Moun’îche, un jus de fruit vendu dans un tube en plastique que les jeunes sucent), maklate swihla (manger du melon)… L’imagination est féconde chez nos jeunes!
Le baiser passionné est la première rencontre foudroyante de deux corps enflammés dans une fusion embrasée par l’explosion des sens.
À travers les siècles, la littérature fait l’apologie du baiser, prélude aux jeux charnels. Il daterait d’au moins 1500 ans avant Jésus-Christ. Le célèbre conte des Mille et Une nuits le sublime.
Pour le Kâma Sûtra indien, c’est la porte du bonheur. «Les deux bouches au contact l’une de l’autre, l’amante touche la lèvre de son amant avec sa langue, (…). Elle peut caresser son partenaire de mille façons: de gauche à droite en suivant sa courbure naturelle, caresser de haut en bas en entrant doucement dans l’interstice entre les deux lèvres, en faire le tour, effleurer doucement ou bien exercer des pressions...»
Le Prophète de l’Islam le recommande comme prélude indispensable aux jeux de l’amour: «Ne prenez pas vos femmes comme on prendrait une bête, et qu’il y ait entre vous un doux messager: le baiser» (Bokhari).
Dans le conte La Belle au bois dormant, la princesse ensorcelée a dormi 100 ans. Elle est réveillée par le baiser miraculeux d’un prince. Mais aujourd’hui, des féministes occidentales contestent ce baiser, considéré comme un viol car la princesse n’a pas donné son consentement!
Le doux baiser amoureux n’existe pas chez toutes les populations. Dans de nombreuses cultures, il est considéré comme répugnant. Près du tiers des cultures asiatiques ne le pratiquent pas.
Ce baiser, french kiss, mêlant les langues et les salives de deux partenaires, a été sublimé à partir des années 1930 par les films américains et européens.
De nombreux scientifiques détaillent, avec sérieux, les bienfaits du baiser: il aide à la digestion, permet de brûler autant de calories qu’une course de 500 mètres. La salive favorise l’échange de bactéries: 80 millions seraient échangées lors d’un baiser langoureux de 10 secondes, grâce auxquelles se forment des enzymes qui deviennent des antibiotiques naturels. À condition que le partenaire ne soit pas porteur de virus!
Le baiser booste les neurotransmetteurs, telle la dopamine qui est à l’origine du désir et la sérotonine, excellente pour l’humeur et l’attachement à l’autre. Il développe l’ocytocine, une hormone qui détruit stress et anxiété, stimule le système immunitaire, ralentit le cœur, apaise le corps et aiderait à la guérison de cancers.
Le baiser est un aphrodisiaque pour la femme: quand l’homme embrasse, il envoie de la testostérone dans sa salive, ce qui augmente la libido de la femme.
Le baiser étanche la soif de l’amoureux, calme ses ardeurs et l’engloutit dans la volupté extrême. G. de Nerval (1808-1855): «Baiser de la bouche et des lèvres, où notre amour vient se poser, plein de délices et de fièvres… Ah! J’ai soif d’un baiser!»
Chez nous, le baiser n’est jamais chanté en arabe dialectal. Hchouma. Dans les années 50, la chanteuse Al Hamdaouya osait le chanter: «Tâaali boussini, tâali houzini, lah la douzini…» (Viens m’embrasser, viens m’enlacer, par Dieu, ne m’ignore pas). Chanson qui a disparu et dont je détiens jalousement un disque 76 tours.
Par contre, dans la poésie écrite et chantée en arabe classique, le baiser est honoré. La magnifique chanson Gafnouhou de Mohamed Abdelwahab, grande star de la chanson arabe, décrit avec force la fougue du baiser: «Nous avons brûlé nos âmes dans un enfer de baisers.» (Du poète Bichara Abdellah Elkhouri, 1933)
Dans la poésie arabe, l’échange de baiser est délicieusement nommé: boire le miel de l’autre, s’hydrater de son nectar.
Pour le grand poète, Gibran Khalil Gibran (1883-1931), «le premier baiser, c’est la première goutte bue dans la coupe remplie du nectar de la vie».
Le baiser exprime avec force ce que les mots peinent à dire. Un baiser est plus expressif qu’un long discours. Il a un rôle social important puisqu’il scelle la relation, l’agrémente de romantisme et l’entretient.
Le baiser n’a pas la même signification pour les hommes et pour les femmes. Les hommes embrassent pour débuter une intimité sexuelle. Les femmes recherchent le romantisme. Elles évaluent le degré d’amour par la fréquence des baisers reçus.
«Le baiser, c’est le lien entre le silence des sentiments et leur mélodie.» (Gibran Khalil Gibran)
Le baiser est à la relation amoureuse ce que l’eau est à la rose. Non hydratée, la relation se nécrose et entraîne des frustrations qui détruisent l’harmonie du couple. Pour les femmes, les baisers sont un puissant aphrodisiaque. Hajar: «Plus il m’embrasse dans la journée, plus mon désir augmente. Le soir, je suis impatiente de me donner à lui».
La magie du baiser, avalanche érotique, fusionne les corps dans une transe rythmée de romantisme.
À l’occasion de la Saint-Valentin, usons et abusons de baisers. Ceux et celles qui n’ont pas de partenaires pour s’en délecter, nous leur souhaitons ardemment de faire de belles rencontres.