À l’approche des élections législatives de 2026, la question de la transition démocratique, à l’ordre du jour dêpuis plus de deux décennies, et celle de la participation des jeunes dans la politique marocaine se posent avec acuité. Le centre Tizi, engagé depuis 2011 dans un «projet d’espoir et de confiance en la jeunesse marocaine», a souhaité apporter sa contribution en réalisant une enquête. Les résultats de cette étude sont révélateurs et offrent des pistes concrètes pour favoriser l’engagement politique des jeunes, de nature «à leur faire réinvestir le champ politique».
L’examen de la composition des listes électorales conduit à plusieurs observations. La première regarde le fait qu’en 2011, la part des jeunes inscrits a été de 30 % dans un collège global d’électeurs de 13,4 millions d’électeurs. L’explication tient à la séquence particulière de cette année-là, le printemps arabe et son prolongement marocain du Mouvement du 20 février.
Ce pourcentage a ensuite enregistré une contraction (25 % en 2016 puis 27 % en 2021), accentuée à hauteur de 20% selon les chiffres disponibles en mars 2024. Il y aurait ainsi une sorte de plafond de verre qui limite durablement -et sans doute structurellement- l’insertion des jeunes dans la vie électorale et partant démocratique.
«Les jeunes, qui n’adhèrent que très peu aux partis politiques, estiment qu’ils ne sont pas «représentatifs» et qu’ils sont davantage préoccupés par les intérêts personnels ou le clientélisme.»
Selon les chiffres du HCP en 2023, cette tranche d’âge atteint 2,8 millions de jeunes, soit près de 32% de la population totale. En attendant les chiffres plus affinés du recensement de septembre dernier, on peut estimer que ce pourcentage sera pratiquement d’un tiers pour une population globale de 36,8 millions de personnes. Qu’en dire? Que dans cette tranche d’âge, moins de 3,4 millions de jeunes étaient inscrits sur les listes en mars dernier. À cette même date, le total des inscrits était de 17,2 millions de personnes. Il tournera autour de 18 millions en janvier 2025.
Sur ces mêmes bases, comment construire la citoyenneté des jeunes? Les deux tiers d’entre eux -soit quelque 8 millions d’individus- ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Ni le «droit personnel» ni le «devoir national», tous deux consacrés par la Constitution (article 30, al.2), ne sont exercés ou assumés. Pour résumer, on peut identifier deux ensembles: une société «inclusive» regroupant un corps électoral de 17 à 18 millions d’individus et une autre, plus importante, d’environ 26 millions, correspondant au nombre potentiel de citoyens en âge de voter. Cette base électorale restreinte, considérée comme le premier stade de la démocratie, doit être renforcée et consolidée.
La composition des électeurs durant la période 2011-2021 apporte des enseignements intéressants, notamment en ce qui concerne la participation des jeunes. On constate une évolution de leur nombre: 1,9 million en 2011, représentant 32% des votants, 1,57 million en 2016 (24%) et 2,5 millions en 2021.
L’enquête s’attache, par ailleurs, à examiner, sur la base d’un benchmark international, la participation des jeunes Marocains au vote. Avec 29% de participants seulement, contre 20% en Tunisie, le Royaume est loin derrière la France (41%), l’Inde (46%), le Canada (54%), la Suède (78%) et l’Australie (87%). Il y a donc beaucoup à faire pour améliorer ce chiffre et s’insérer dans le cercle vertueux des démocraties bénéficiant d’une large assise électorale.
Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible engagement des jeunes dans le processus électoral, selon l’étude: une certaine défiance vis-à-vis de la politique, un manque d’éducation civique, les difficultés économiques liées au chômage et à la précarité, le sentiment que leur vote n’aura pas d’impact réel, et enfin, l’inefficacité des campagnes de sensibilisation mises en place.
Afin d’améliorer la participation des jeunes au vote, l’étude formule plusieurs recommandations. Elle préconise notamment un renforcement de l’éducation civique à travers des modules d’apprentissage sur l’histoire et les institutions marocaines, ainsi que sur les processus démocratiques. L’étude suggère également de cibler les jeunes avec des campagnes de sensibilisation adaptées et de créer des espaces de dialogue pour les encourager à s’engager. Enfin, elle met en avant la nécessité d’une modernisation des partis politiques, qui souffrent d’un manque d’attractivité auprès des jeunes. Ces derniers, qui n’adhèrent que très peu aux partis (seulement 2%), estiment qu’ils ne sont pas «représentatifs» et qu’ils sont davantage préoccupés par les intérêts personnels ou le clientélisme.
Il paraît ainsi difficile d’escompter une réforme des modes de direction et de gouvernance de ces formations partisanes. À des titres divers, elles gèrent et reproduisent une gouvernance marquée du sceau de la gestion d’un «statut» s’apparentant à une fructification d’une sorte de «rente» politique.
Dans le champ social, il n’est pas étonnant d’observer les jeunes s’engager davantage, notamment dans l’associatif national et local. Il y a là un capital d’énergie et de mobilisation valorisé par la proximité et le sentiment d’utilité. Les réseaux sociaux trouvent là une fonction à nulle autre pareille: celle de la communication et de la sensibilisation, celle d’un lien social ravivé, nourri, offrant un cadre citoyen de dialogue. De débat. Et d’interpellation. Un matériau «brut» mais tellement vivant, effervescent voire éruptif.
Il est essentiel d’intégrer pleinement les jeunes dans le système électoral, institutionnel et démocratique, et de ne pas laisser cet enjeu institutionnel et partisan de côté. Il faut donc déterminer les conditions et les modalités de cette inclusion.
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