Salle comble et ambiance électrique ce mercredi 12 avril au siège de l’association INSAF à Casablanca. Les journalistes étaient nombreux à s’être déplacés en cette veille du procès de la petite S. prévue jeudi 13 avril à la cour d’appel de Rabat. L’association qui lutte contre l’exclusion des mères célibataires et l’abandon des enfants a organisé une conférence de presse pour présenter les derniers développements de l’affaire du viol collectif dont a été victime S., âgée de 11 ans au moment des faits.
Mohammed Essebar, l’avocat principal de la victime, était présent pour rappeler à quel point le verdict des deux ans de prison infligé à l’un des trois violeurs est inacceptable. «C’est un jugement plus proche de l’innocence que de la culpabilité», a-t-il estimé. Si celui qui a été secrétaire général du Conseil national des droits de l’homme et l’une des chevilles ouvrières de l’Instance équité et réconciliation est plus un défenseur des peines alternatives, il affirme néanmoins que la justice est un outil essentiel pour la réhabilitation.
«Ce dossier n’est pas ordinaire et doit être traité de manière extra-ordinaire», a ajouté Mohammed Essebar, installé aux côtés de Soumaya Naamane Guessous, la sociologue qui a relayé cette affaire en adressant, dans les colonnes du 360, une lettre ouverte au ministère de la Justice. «Je suis réconfortée par le fait que cette lettre n’ait pas laissé de l’indifférence. Nous sommes face à un tabou. Nous sommes face à un drame, une injustice, mais ce qui est intéressant c’est que cette injustice est en train d’être prise en main. Il y a une prise de conscience de la société civile, y compris des institutions», a-t-elle pour Le360 tout en affirmant que le cas d’une victime comme S. devrait faire avancer les lois.
Lire aussi : Viol collectif d’une mineure à Tiflet: il ne faut pas oublier l’enfant Rayane, l’autre victime
A son tour, Mohamed Oulkhouir, vice-président de l’association INSAF et avocat de profession, s’est dit heureux que la reprise du procès se fasse aussi rapidement et que cette affaire puisse être traitée dans toute sa complexité avec des magistrats qui vont réexaminer l’affaire dans ses différents aspects. «On ne demande pas d’exception particulière, on ne demande pas non plus de commettre une injustice quelconque, on souhaite simplement un accompagnement de la petite fille victime d’un crime abjecte. Nous aimerions que l’on puisse réexaminer l’affaire dans tous ses aspects et rendre une décision cohérente en fonction de la loi et du droit applicable au Maroc», a-t-il précisé.
S., âgée aujourd’hui de 12 ans, a été victime il y a plus d’un an d’un viol commis par trois personnes dans son village à quelques encablures de Tiflet. Le dossier de la plainte a été déposé le 28 décembre 2023 auprès de la cour d’appel de Rabat. La première audience avait eu lieu le 13 janvier 2023, et deux mois plus tard, le verdict jugé «incompréhensible», «trop clément» et «injuste» par la société civile a été annoncé: entre 18 et 24 mois de prison ferme.
Lire aussi : Viol collectif d’une mineure: ce que la défense de la victime entend plaider
Après des tests ADN, l’un des trois accusés s’est avéré être le père de Rayane, le petit garçon né de ces viols. Mais rien aujourd’hui dans la loi ne l’oblige à le reconnaître comme étant son fils. C’est l’autre bataille qui doit être menée par la société civile et tous ceux qui se sont donné comme mission de prêter main forte à la fillette. L’affaire de la petite S. va donc forcément, selon Me Mohammed Essebar, ouvrir plusieurs débats à la fois et sera l’occasion d’accélérer le processus de révision du Code pénal. L’avocat espère que le législateur marocain s’intéressera à ce sujet en proposant des lois offrant la protection suffisante et nécessaire des mineures.
La petite S. n’était pas présente à la conférence «pour la protéger», a précisé Meriem Othmani au 360. Le père de la jeune fille, très sollicité depuis la médiatisation du drame, ne peut plus sortir de chez lui. «Les journalistes, les acteurs associatifs, tout le monde veut l’aider. En ce moment, il ne peut pas quitter la maison» a affirmé Siham, celle qui a informé l’association INSAF de cette affaire. Visiblement très affectée, elle a dit avoir été bouleversée par la vue d’une enfant portant un enfant au tribunal, et en parlant à sa famille, elle a découvert son histoire douloureuse et dramatique.