Viol collectif d’une mineure à Tiflet: il ne faut pas oublier l’enfant Rayane, l’autre victime

طفلة تيفلت المغتصبة رفقة رضيعها وجدتها

Le petit Rayane, entre sa mère et sa grand-mère.

Le 10/04/2023 à 16h20

VidéoIl s’appelle Rayane, un enfant mis au monde par une enfant, S., la victime d’un viol collectif près de Tiflet. Voici pourquoi il faut lui rendre justice également et le rétablir dans ses droits.

Quand une équipe du 360 a rendu visite à la famille de S., la mineure victime d’un viol collectif près de Tiflet, Rayane, un an et des poussières, était assis sur les genoux de sa grand-mère en train de jouer. Il ne savait pas ce qui se tramait autour de lui ni la gravité du drame que sa mère et toute sa famille vivent et vivront. Un drame dont il risque lui aussi de traîner les séquelles toute sa vie.

Rayane a été privé de ses droits depuis la naissance, et pas des moindres, nous explique Me Aïcha Guellaâ, présidente de l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV) et membre du collectif de défense de S. Rayane, selon l’article 147 du Code de la famille, a un prénom et nom, celui de sa mère, mais il est privé du nom de famille de son père biologique.

«La filiation vis-à-vis de la mère est légitime dans les cas où elle résulte d’un mariage, d’un rapport sexuel par erreur (Choubha) ou d’un viol», stipule ledit article. Mais il n’empêche que l’enfant est privé de sa véritable identité du moment que les tests ADN ont prouvé à 99,99% qu’il était le fils de l’un des trois suspects qui a été condamné à deux ans de prison ferme en première instance par la Cour d’appel de Rabat.

«Au lieu de bénéficier de son droit à une identité, comme le stipulent la Constitution et les engagements internationaux du Royaume, au niveau des textes actuels, il reste considéré comme le fruit du « zina » (relation adultère)», s’offusque Me Aïcha Guellaâ, expliquant que la justice marocaine a le droit de recourir à des tests ADN dans ce genre d’affaires, mais rien n’oblige les magistrats à aller plus loin et à obliger le père biologique a reconnaître une filiation.

Sur ce volet, le législateur n’a rien prévu pour faire le suivi. Les magistrats restent donc prisonniers de textes et usages dépassés. Le Code de la famille va même plus loin en tranchant, à son article 161, que «seul le père peut établir la filiation d’un enfant par aveu de paternité, à l’exclusion de toute autre personne».

Il faut secouer le cocotier

Au-delà de la privation d’identité, le père biologique de Rayane reste ainsi «exonéré» de toute forme d’obligation envers son fils et la mère de ce dernier: aucune pension, ni frais de scolarité, voire de soins. Voire aucune possibilité pour Rayane, une fois grand par exemple, de revendiquer éventuellement une partie de l’héritage de son père biologique.

Et dire qu’il est venu au monde à quelques mètres de ce dernier et que sa famille maternelle vit dans une sorte de mouchoir de poche avec les familles des trois bourreaux de sa mère. Bonjour la protection des victimes!

Pour essayer de réparer les injustice que subit déjà le petit Rayane, le collectif de défense de S. ne compte pas rester les bras croisés. «Nous préparons une plainte pour filiation contre le père biologique de Rayane», confie Me Aïcha Guellaâ, qui semble consciente du fait que cette requête devant la justice marocaine ne sera pas une entreprise facile.

Le procès en appel des trois individus accusés de viol collectif sur S. reprend ce jeudi 13 avril devant la chambre criminelle (2ème degré) de la Cour d’appel de Rabat.

Par Mohamed Chakir Alaoui, Mohammed Boudarham et Fahd Rajil
Le 10/04/2023 à 16h20