Je me suis surpris à marcher lentement, vendredi soir, pour rentrer chez moi, comme si le chemin méritait d’être vécu dans sa longueur, dans sa douceur. Le vent portait des klaxons, des voix, des chants. Les drapeaux flottaient non pas comme des symboles, mais comme des morceaux de cœur. J’ai pensé aux années de patience, aux débats passionnés à la rédaction du journal Le360, aux soirées sans fin alors étudiant, à cette constance presque miraculeuse du Royaume, à ce refus obstiné du bruit et des postures que d’autres ont choisi pour tenter d’exister contre nous.
Une seule idée, la plus importante et précieuse me berçait alors. Oui, une unique idée: le vote du Conseil de sécurité du 31 octobre mettait fin définitivement à l’idée de «séparatisme», et invalidait à tout jamais l’hypothèse d’«indépendance» portée par l’Algérie pour la région du Sahara marocain.
L’autonomie sous souveraineté marocaine constitue la seule voie, la seule solution, la seule architecture viable. L’ONU le répète, le rappelle, l’encadre. Elle le scelle.
Tout, dans la syntaxe feutrée de la diplomatie onusienne, chantait cette proclamation, comme un vers poétique enivrant que l’on ressasse dans son for intérieur. L’essentiel est là, implacable, limpide, historique: la fin du séparatisme comme option, la fin de l’idée d’indépendance d’un prétendu nouvel État dans le Maghreb.
Ce que ce vote acte avec force, c’est la clôture définitive d’un mirage géopolitique entretenu depuis un demi-siècle par Alger: morceler la façade atlantique marocaine, créer un glacis politique et militaire au sud du Royaume, recomposer la carte du Maghreb au détriment de notre unité nationale. Cette ambition a désormais un nom: toute solution se fera dans le cadre de la souveraineté marocaine. Elle se heurte à une réalité internationale désormais stabilisée: le Sahara est marocain, le restera, et ne sera jamais le berceau d’un État séparé.
Ce n’est pas seulement un vote. C’est une bascule historique. Pendant des décennies, l’armée algérienne a nourri l’illusion d’une terre en suspens, d’une souveraineté en jachère, d’un avenir politique indéterminé. Elle a instrumentalisé le discours onusien pour retarder les évidences, espérant qu’un jour, dans un moment de faiblesse du monde ou du Maroc, l’édifice capoterait en sa faveur. Ce jour n’est jamais venu. Il ne viendra jamais.
«Je mesure la chance d’avoir connu ce moment dans ma vie. La chance d’être de cette génération qui voit le Maroc s’élever là où, autrefois, nous cherchions dans l’hésitation. La chance de vivre sous un Roi dont la vision éclaire au lieu de brûler»
— Karim Serraj
Les formules diplomatiques persistent– relancer les négociations, dialoguer, approfondir les paramètres techniques, garantir l’inclusion des parties. Elles sont nécessaires, presque rituelles. Mais nul ne s’y trompe. Le cœur du texte et de l’équation tient en une ligne: la souveraineté n’est plus une proposition marocaine; elle est la matrice. Le drapeau, la monnaie, les institutions régaliennes seront marocains. Tout le reste est discutable.
Une vérité domine: pour la communauté internationale, il n’existe pas d’État sahraoui à venir. Pas de siège à l’ONU. Pas de reconnaissance post-coloniale différée. L’indépendance n’est plus une hypothèse politique; elle n’existe plus, depuis ce 31 octobre, que comme slogan, comme relique d’une époque déjà révolue, comme artifice rhétorique pour ceux qui ont refusé de voir l’évidence et entretenu un conflit artificiel.
Le Maroc, dans cette équation, n’a pas triomphé par la force, mais par la patience. Non par le récit, mais par la stabilité. Non par la rupture, mais par la constance. En diplomatie, la fermeté tranquille est souvent l’arme la plus redoutable. Rabat a attendu, travaillé, construit, protégé. Elle a recouvert son influence en Afrique, consolidé ses alliances stratégiques, modernisé ses institutions, développé ses provinces du Sud. Elle a fait de Dakhla et Laâyoune des capitales émergentes, non pas de discours, mais d’infrastructures, d’investissements, de ports, de zones franches, de perspectives économiques.
Pendant ce temps, Alger a choisi une autre voie: celle du blocage, du financement d’un mouvement armé, de la propagande diplomatique, de la rhétorique militaire. Le monde a vu, comparé, tranché. La voie constructive l’emporte toujours, tôt ou tard, sur la logique de confrontation.
Vendredi, ce fut ce moment-là.
La question désormais n’est plus liée à une possible indépendance de la région. Elle est: comment organiser la forme, la densité et les modalités politiques et administratives de l’autonomie au sein de la souveraineté marocaine? Comment bâtir l’équilibre institutionnel de la future région? Comment transformer la reconnaissance diplomatique en construction territoriale efficace, inclusive, territorialisée, moderne?
Les discussions commenceront, évidemment. Elles sont nécessaires, parce que toute architecture politique durable naît d’un processus. Mais l’axe est fixé. Le cadre est posé. La souveraineté n’est pas négociable. Elle ne l’a jamais été. Elle ne le sera plus jamais. Les mots ont changé. Le Maroc a décidé. Et il a convaincu. Le droit, l’Histoire, la justice ont gagné.
Ce vote, au-delà de son contenu juridique, porte une dimension symbolique. L’ère des illusions révolutionnaires se ferme. Le régionalisme constructif remplace les utopies séparatistes. Les peuples réclament stabilité, croissance, intégration économique, mobilité, énergie, infrastructures. Ils n’attendent pas l’invention artificielle d’un État désertique façonné pour des objectifs géopolitiques inavouables.
Face à un Maroc réformateur, tourné vers l’avenir, connecté au monde, bâtisseur et sûr de ses fondations historiques, un projet fantomatique s’efface: celui d’un État conçu dans les laboratoires idéologiques d’une guerre froide périmée, incapable d’incarner un horizon, dépourvu de base sociale, soutenu par la seule machine d’un État voisin engagé dans une logique de rivalité statique.
Reste une image, presque sportive, que personne n’osera contester: la coupe du vainqueur…
En marchant ce soir-là, une gratitude immense s’est imposée, silencieuse, mais puissante. Gratitude envers mon pays, envers mes compatriotes, et surtout envers mon Roi. Mohammed VI qui a permis au corps national de se sentir grand, non castré, auguste, fier… Tandis que certains criaient, il bâtissait dans le silence. Tandis que d’autres agitaient des drapeaux de papier, il plantait des arbres, construisait des routes, ouvrait des écoles dans les provinces du Sud. Tandis que d’autres rêvaient d’isoler, il reliait– continents, peuples, océans, imaginaires.
J’ai pensé, un peu, à l’Algérie– non pas au peuple, mais à cette machine fatiguée, austère, vidée de vision. Elle a tout sacrifié: relations, avenir, jeunesse, à l’autel d’une obsession stérile. Son idéologie séparatiste, dédiée non pas à créer, mais à détruire, vient de perdre son unique raison d’être. Rien n’est plus triste qu’un projet construit «contre» et non «pour».
Mais je ne voulais pas m’attarder sur cela. La joie n’a pas besoin d’ennemis pour exister. Elle se suffit à elle-même. Et ce qui m’habite, aujourd’hui, n’est pas le ressort de la victoire sur un adversaire. C’est la profondeur silencieuse d’une page tournée.
Je mesure la chance d’avoir connu ce moment dans ma vie. La chance d’être de cette génération qui voit le Maroc s’élever là où, autrefois, nous cherchions dans l’hésitation. La chance de vivre sous un Roi dont la vision éclaire au lieu de brûler, qui ne répond pas à la haine par la haine, mais à la haine par le progrès, au bruit par la constance, à l’hostilité par la souveraineté tranquille.
Le ciel me parait désormais plus large. Un pays se construit comme une vie: avec des fidélités longues, des choix calmes, des refus dignes, des rêves tenus. Le chemin fut oblong et étroit, et au bout il y avait la lumière. Et moi, humble créature, il m’a été donné de vivre cela.
Mon Sahara. Mon pays. Mon Immense Roi.








