Dès la prochaine rentrée scolaire, les parents d'élèves inscrits dans les écoles privées devront payer plus cher la scolarité de leurs enfants. C'est en tout cas ce qu’avait annoncé Kamal Daissaoui, président de la Fédération de l’enseignement privé (FEP) relevant de la CGEM. D’après lui, les frais de scolarité devraient augmenter de 5% dès la prochaine rentrée en raison de la hausse de 13% de la fiscalité des enseignants vacataires, qui représentent en moyenne 50% du corps enseignant dans le secteur privé.
Si la décision ne passe pas du tout auprès des parents, elle semble même créer une division au sein des établissements d’enseignement privé. Dans une publication mise en ligne jeudi 12 janvier 2023 sur la page Facebook de l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc, Mohamed Hansali, président de cette association qui regroupe le plus grand nombre d’écoles privées dans le pays, a affirmé que les écoles membres de l’Alliance n’ont décidé d’«aucune augmentation des frais de scolarité».
Précisant qu’une telle annonce ne «prend pas en considération la diversité structurelle et géographique du secteur», Mohamed Hansali a également considéré que «toute personne qui évoque une quelconque hausse en évoquant un quelconque taux ne représente qu’elle-même et son instance».
Par ailleurs, il serait «précoce», pour le moment, de prendre une décision quant à l’application d’une telle augmentation, selon le président de l’Alliance qui considère nécessaire «de mener une étude profonde qui tient compte des intérêts des familles, des ressources humaines, ainsi que de l’ensemble des partenaires du secteur».
Indignation des parentsLa décision provoque déjà une vague d’indignation, notamment dans un contexte marqué par une forte inflation, avec un pouvoir d’achat des ménages qui continue à s’affaiblir. En effet, les parents d'élèves refusent que l’augmentation de l’impôt sur le revenu des enseignants vacataires soit répercutée sur les frais de scolarité.
Plus simplement dit, «les parents n’ont pas à supporter cette nouvelle hausse», indique Noureddine El-Akouri, président de la Fédération nationale des associations de parents et tuteurs d'élèves, contacté par Le360. «Ce n’est pas admissible que les parents payent plus cher la scolarité de leurs enfants parce qu’il y a eu une hausse de l’impôt sur le revenu des enseignants vacataires», réitère cet interlocuteur s’indignant qu’«à chaque fois qu’il y a une augmentation de taxes ou autres, celle-ci se reflète directement sur les frais d’inscription et de scolarité».
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Même son de cloche chez Hassan Touaf, chef de division à la Fédération nationale des associations des parents au Maroc pour la préfecture d'arrondissement Ain Sebaâ-Hay Mohammadi, qui considère que «dans un contexte où les ménages sont touchés par une flambée générale des prix, le renchérissement des frais de scolarité ne peut tout simplement pas être toléré».
D’après cet interlocuteur, l’augmentation des tarifs que souhaitent appliquer les écoles privées n’a «aucun fondement», d’autant plus que les parents ne sont pas concernés par la hausse de la fiscalité des enseignants vacataires.
«A vrai dire, la hausse de l’impôt sur le revenu pour les enseignants vacataires ne concerne point les parents. Ils n’ont pas à payer plus cher juste parce que les écoles ne veulent pas supporter des coûts additionnels. C’est auprès du gouvernement qu’elles doivent soulever ce problème et trouver d’autres solutions», a-t-il étayé.
Une nouvelle vague de «migration» des élèves vers le public?En plus de mettre en péril l’équilibre financier des familles, Noureddine El-Akouri, président de la Fédération nationale des associations de parents et tuteurs d'élèves, estime qu’une telle mesure aura des répercussions sur le système d’éducation dans sa globalité. «Nous observons déjà depuis le début de la pandémie une migration des élèves des établissements privés vers le public, car grand nombre de parents n’arrivent plus à supporter les dépenses de plus en plus lourdes», indique-t-il.
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Une nouvelle augmentation des prix appliqués par les écoles privées contribuera sans doute à l’accentuation de cette «migration», ce qui mettra à l’épreuve les établissements d’enseignement public, selon Noureddine El-Akouri.
«Si les frais de scolarité augmentent davantage, plusieurs familles n’auront plus d’autre choix que de retirer leurs enfants des écoles privées. Or, les écoles publiques, déjà trop encombrées, ont-elles la capacité d’accueillir ces nouveaux élèves?», s’interroge-t-il. Et d’ajouter: «Cela va tout simplement mettre encore plus de pression sur les établissements publics».
Un renforcement du cadre réglementaireEn l’absence de tout contrôle des tarifs pratiqués dans le secteur de l’enseignement privé, les annonces d’augmentation des frais dans le secteur de l’enseignement supérieur sont tellement «fréquentes» que les parents «s’y sont habitués», regrette Hassan Touaf, chef de division à la Fédération nationale des associations des parents au Maroc pour la préfecture d'arrondissement Ain Sebaâ-Hay Mohammadi.
Si certains établissements abandonnent parfois, après la mobilisation des parents, l’idée d’augmenter leurs tarifs, plusieurs finissent souvent par concrétiser ces décisions, ajoute Hassan Touaf, regrettant le fait que «les parents sont abandonnés seuls face à ces écoles».
Et d’ajouter: «Il faut savoir que lorsqu’on parle d’enseignement au Maroc, on parle d’un seul et même système chapeauté par un seul et même ministère. C’est donc inconcevable que la tutelle n’exerce pas un contrôle au niveau des prix dans les établissements privés».
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Bien que les parents d’élèves continuent d'appeler à la réglementation des prix dans le secteur de l'enseignement privé, et que plusieurs réunions aient eu lieu entre les associations des parents et le ministère, aucun texte juridique n’a encore vu le jour. Le contrôle du ministère reste ainsi limité aux aspects pédagogique et administratif, alors que les prix sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande.
Selon un avis du Conseil de la concurrence publié en juillet 2021, les frais dans ce secteur varient entre 4.000 et 40.000 dirhams, en fonction de la qualité de l’apprentissage et des services rendus, alors que ces tarifs «ne font l’objet d’aucune régulation et leur prix sont fixés en fonction du positionnement de l’établissement au moment de sa création, et du coût résultant de divers intrants de production induits par ledit positionnement».