L’heure est grave. Depuis le 28 mars, elles sont plusieurs militantes féministes à recevoir des menaces de mort. Sur les réseaux sociaux, elles ont partagé les captures d’écran des messages qu’elles reçoivent en raison du combat qu’elles mènent publiquement pour le changement des lois au Maroc en faveur de l’égalité des sexes.
«Vous et beaucoup d’autres (…) êtes condamnées à la peine de mort pour la promotion des LGBT, de la Zina (fornication), et d’autres choses qui nuisent à la société marocaine. L’exécution sera douloureuse et totalement inattendue, wallah», est-il ainsi écrit dans un message publié sur le compte Instagram de l’une d’entre elles.
«Tu vas mourir douloureusement, je promets», peut-on lire ici, ou encore «dis à tes collègues que tu seras tuée dans vos locaux de Rabat comme Charlie Hebdo en 2025. Je jure devant Dieu (…) tu mérites de mourir», et enfin «je sais où tu habites, je sais quelles écoles ils fréquentent»…
En réaction, les femmes ciblées par ces menaces de mort et cette campagne de harcèlement ont publié un communiqué pour dénoncer cette violence dont elles font l’objet, et qui cible également leurs proches. «Nous condamnons fermement ces actes d’une extrême violence relevant du terrorisme et sévèrement sanctionnés par la loi», ont-elles déclaré, annonçant par ailleurs que des plaintes ont été déposées auprès du parquet général pour apologie du terrorisme, menaces de mort et incitation à la haine. Et d’appeler les autorités compétentes «à prendre des mesures immédiates pour enquêter sur ces incidents, traduire en justice les responsables et prononcer des sanctions à la hauteur de la gravité des actes».
Ces attaques sont gravissimes, elles sont inacceptables, mais elles sont malheureusement devenues monnaie courante sur les réseaux sociaux dès lors que l’on s’attaque à des sujets qui ne font pas l’unanimité au sein de la société, ou tout du moins dans ce reflet déformant de la société que renvoient les réseaux sociaux.
Depuis l’émergence de ces plateformes censées garantir la liberté d’expression, une violence sans commune mesure s’est confortablement installée et dangereusement banalisée. Pour peu que l’on ose aborder certains sujets qui fâchent, mais qui sont pourtant essentiels afin de garantir une même justice pour tous, une meute anonyme se lance à vos trousses à coups d’insultes, de harcèlement et de menaces.
La violence est telle que beaucoup se taisent pour ne pas risquer de se faire prendre en chasse, laissant ainsi, par leur absence de ces plateformes, proliférer une pensée unique qui conforte ceux qui tentent de l’imposer dans leur bon droit. La machine est bien rodée, il s’agit d’attaquer avec violence pour dissuader les avis différents de s’exprimer. Désormais, c’est un climat de peur qui règne sur les réseaux sociaux, car derrière leurs écrans de fumée, ces anonymes qui prônent le règne de la terreur ont tôt fait de déterrer votre état civil, votre situation personnelle, votre adresse, vous contraignant à vivre comme un reclus et bientôt, à vous taire.
C’est le même schéma qui caractérise les meilleurs films de terreur qui s’installe, lorsque la menace plane autour de vous, que vous la sentez roder, mais qu’elle demeure invisible. Et c’est inacceptable.
Que l’on soit pour ou contre l’égalité des genres, la réforme de la Moudawana, le féminisme et le militantisme, en aucun cas, peu importent nos différences d’opinions, nous ne devrions céder à cette forme de violence en y prenant part et en l’encourageant. Ce qui fera avancer le Maroc, comme toute société en bonne santé, c’est le débat, c’est la pluralité des opinions. On ne peut décemment pas espérer que notre pays évolue sur la voie de la justice dans tous les domaines tout en embrassant ce type de violences.
Face à ce type de menaces qui émergent aujourd’hui et s’apparentent à des menaces terroristes, les Marocains doivent faire bloc, en se nourrissant de leurs différences et en respectant les avis des uns et des autres. Ceux qui se cachent dans l’ombre de leur anonymat pour menacer l’un d’entre nous ne sauraient représenter aucun d’entre nous. Nous, au Maroc souffrons encore dans notre chair et nos mémoires des méfaits du terrorisme et en cela, cette campagne de haine qui vise nos concitoyennes, nos sœurs, doit être condamnée par tous, sans exception.