Covid-19 au Maroc: facteurs de décès, de sévérité, profil des patients hospitalisés… Le point avec des experts

Dans un centre Covid-19, une biologiste manipulant un prélèvement avant son transfert au laboratoire d’analyses médicales Derb Sultan pour la réalisation des analyses PCR, le 2 octobre 2020.. MAP

Le Maroc a enregistré le 2 mars 2020 son premier cas de Covid-19. Depuis, plus de 1,27 million de cas ont été recensés. La circulation de ce virus se poursuit à l’heure actuelle et la potentielle rapidité de sa diffusion met au défi le système de santé. Retour avec des experts sur les facteurs déterminants de décès et de sévérité, et sur le profil des patients hospitalisés.

Le 30/01/2023 à 08h04

Lors du congrès scientifique de l’Association nationale de l’épidémiologie de terrain (ANET), tenu les 27 et 28 janvier 2023 à Rabat, plusieurs experts ont souligné que depuis le début de la pandémie, de nombreuses études ont été menées, partout dans le monde pour comprendre le Covid-19, qui se caractérise par une hétérogénéité des formes, et pour déterminer les facteurs de risque associés à la sévérité de cette maladie. L’objectif? Adapter les stratégies de prise en charge et d’hospitalisation.

Présentant une étude menée à Tanger sur les déterminants de la sévérité de la maladie, Zaynab Mahdi, médecin résidente communautaire, a expliqué que les facteurs de risque de sévérité du Covid-19 ont été largement étudiés mais a tenu à signaler qu’un manque de données concernant le contexte marocain subsiste, d’où l’intérêt d’explorer d’autres facteurs potentiels.

S’agissant de cette étude de cohorte ambidirectionnelle, qu’elle a réalisée avec une équipe de professionnels dans les locaux de prise en charge du Covid-19 de Tanger, on note que 915 patients diagnostiqués entre août 2020 et octobre 2021 ont été suivis tout au long de l’évolution de la maladie, jusqu’à la rémission pour les formes légères à modérées et 30 jours après la sortie pour le groupe de patients hospitalisés (formes sévères à critiques).

Formes sévères à Tanger: les hommes plus touchés que les femmes

L’analyse multivariée a montré une augmentation de risque de sévérité avec le sexe masculin, l’âge de plus de 65 ans, le diabète, la surinfection et la lymphopénie à l’admission (trouble sanguin qui se concrétise par une diminution de certains globules blancs).

Selon Zaynab Mahdi, ces facteurs identifiés peuvent être utilisés pour le développement d’outils de prédiction pour le pronostic du Covid-19 et la stratification des risques, de sorte que les groupes à haut risque seraient prioritaires en termes de vaccination et d’hospitalisation. Une meilleure compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents pourrait également représenter un guide pour des thérapies mieux adaptées.

Rappelant l’importance de la prise en compte des populations à risque, le médecin a noté que la gestion des épidémies doit être planifiée en lien avec la spécificité de chaque communauté.

Quid des facteurs de risque associés aux décès?

Dans la même veine, une autre étude sur les facteurs prédictifs de décès et le profil clinique des patients hospitalisés pour Covid-19 au Maroc a été menée également entre août 2020 et octobre 2021 et porté sur 615 patients hospitalisés atteints de Covid-19, lesquels ont été suivis tout au long de l’hospitalisation, puis 30 jours après leur sortie. Cette étude indique qu’à l’admission, le symptôme le plus fréquent était la dyspnée.

Selon les résultats de cette étude présentés par Faiza Charif, médecin résidente communautaire, le sexe masculin, l’âge avancé, l’atteinte pulmonaire, la lymphopénie, la prise de corticothérapie, la ventilation invasive et le séjour en réanimation étaient associés à un risque plus élevé de décès.

L’analyse multivariée a montré que l’âge >60 ans, l’utilisation d’une ventilation invasive, le séjour en réanimation et le syndrome de détresse respiratoire aiguë étaient des facteurs prédictifs indépendants de la mortalité par Covid-19.

Concernant les comorbidités, une prédominance du diabète, de l’anémie et de l’hypertension a été observée. À l’admission, les symptômes les plus fréquemment observés chez les patients étaient la dyspnée, la toux et la fièvre, a indiqué Faiza Charif.

Parallèlement, une étude menée à Khouribga, entre mars 2020 et mars 2021, présentée par Saïd Ben Zaria, chef d’unité de veille, de sécurité sanitaire et de santé environnementale au ministère de la Santé, a permis de déterminer les facteurs de risque associés aux décès en milieu hospitalier chez les patients atteints du Covid-19.

Il s’agit notamment d’un âge supérieur à 62 ans, du diabète, du cumul de deux ou plusieurs comorbidités, d’une lymphopénie, d’une saturation pulsée en oxygène à l’air libre et d’un délai entre le début des signes cliniques et l’admission à l’hôpital supérieur à 7 jours.

Dans le détail, l’analyse bivariée a montré que les personnes de plus de 62 ans avaient plus de cinq fois plus de risque de décéder que les patients âgés de moins de 62 ans.

De plus, la quasi-totalité des comorbidités était associée au décès des patients hospitalisés pour Covid-19 et les patients avec un délai entre le début des signes cliniques et l’admission à l’hôpital supérieur à sept jours.

A noter que ces études ont été présentées lors du 2e congrès scientifique de l’Association nationale d’épidémiologie de terrain, les 27 et 28 janvier 2023 à Rabat, sous le thème «L’épidémiologie de terrain, socle de la sécurité sanitaire face aux risques épidémiques».

Au cours de ce congrès, des synthèses de plus de 60 études et recherches de terrain ont été présentées, en plus de l’organisation de conférences et tables rondes scientifiques autour de plusieurs sujets ayant trait à la sécurité sanitaire dans son ensemble ainsi que de ses différents domaines, et du rôle essentiel des épidémiologistes et des experts dans ce domaine.

Par Hajar Kharroubi
Le 30/01/2023 à 08h04