Plus de 11% de la population inscrite à l’Assurance maladie obligatoire (AMO), soit plus de 3,56 millions personnes, n’accèdent pas à ses services. La raison? Elles se trouvent dans une situation administrative de droits fermés pour cause d’insuffisance de durée de déclaration ou de non-paiement, volontaire ou involontaire, des cotisations.
Ce chiffre est avancé par le Conseil économique social et environnemental (CESE), qui a récemment publié un avis sur le bilan d’étape de la généralisation de l’AMO.
Par catégorie, il s’agit de plus de 930.000 assurés du régime des travailleurs salariés de la CNSS (soit 9,42% des assurés de ce régime), 2,3 millions travailleurs non-salariés (soit 65,72%), 70.780 personnes relevant du régime Achamil (43,11%) et plus de 220.000 bénéficiaires des régimes gérés par la CNOPS (plus de 6%).
L’indice socio-économique accordé aux ménages par le Registre social unifié (Source : ministère de l’Economie et des Finances).
Niveau de notation | Montant de la cotisation mensuelle due en DH | Pourcentage des assurés AMO |
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Supérieur à 9,3264284 et ne dépasse pas 9,5124369 | 144 | 42% |
Supérieur à 9,5124369et ne dépasse pas 9,743001 | 176 | 50% |
Supérieur à 9,743001et ne dépasse pas 9,9903727 | 224 | 6% |
Supérieur à 9,9903727et ne dépasse pas 10,237316 | 287 | 2% |
Supérieur à 10,237316et ne dépasse pas 10,431048 | 355 | 1% |
Supérieur à 10,431048et ne dépasse pas 10,739952 | 454 | 0% (91 personnes) |
Supérieur à 10,739952et ne dépasse pas 11,013068 | 611 | 0% (29 personnes) |
Supérieur à 11,013068 | 1164 | 0% (24 personnes) |
Selon le CESE, les travailleurs non-salariés ont été immatriculées à l’AMO sur la base de données dont la fiabilité est contestée. Celles-ci ont été transmises à la CNSS par les organismes dits de liaison (départements ministériels de tutelle eux-mêmes instruits par des fichiers d’organismes professionnels). Ce facteur constituerait l’un des principaux freins à la généralisation de l’AMO pour cette catégorie, selon la CNSS, auditionnée par le CESE dans le cadre de la préparation de cet avis. Ces personnes se retrouvent privées d’une couverture médicale, tout en étant tenues de s’acquitter du cumul des cotisations impayées, des pénalités de retard et des frais de poursuites.
Le nombre élevé de bénéficiaires de l’AMO Achamil en situation de droits fermés s’expliquerait en partie, selon le CESE, par la nécessité d’une période de cotisation préalable de trois mois avant l’ouverture des droits.
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Interrogé à ce sujet par Le360, Saâd Taoujni, consultant en politique, management et droit de la santé et de la protection sociale, considère que la fermeture des droits est contradictoire avec les principes mêmes qui sous-tendent l’AMO. En fait, explique-t-il, l’assurance maladie est un droit dont on ne doit priver personne, dans la mesure où elle est censée être obligatoire.
Que faire alors? Pour l’expert, la solution viendra notamment de la révision de l’indice socio-économique, dit «mouachir», qui est accordé à chaque ménage lors de son inscription au Registre social unifié (RSU).
L’objectif étant, explique-t-il, d’étendre le bénéfice de la gratuité des services de l’AMO à ceux qui en sont exclus et qui relèvent actuellement soit du régime des travailleurs non salariés (professionnels, travailleurs indépendants et non-salariés exerçant une activité libérale) ou du régime Achamil (destiné aux personnes n’exerçant aucune activité rémunérée ou non rémunérée, et dont le score issu du RSU dépasse le seuil ouvrant droit à l’AMO Tadamon).
Élargir la gratuité à 15 millions de personnes
Saâd Taoujni estime que la base des individus en situation de précarité, qui méritent donc de figurer parmi les bénéficiaires de la gratuité (AMO Tadamon), est plus large que ce qui est avancé par les concepteurs de la généralisation de l’AMO. À rappeler que l’AMO Tadamon concerne 11 millions de personnes qui relevaient auparavant de l’ex-RAMED.
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Pour notre interlocuteur, la cible de ce régime devrait être étendue pour atteindre 15 à 16 millions de personnes. Pour étayer son propos, il note que, comme cela a été mis en avant par le CESE, 92% des assurés inscrits à AMO Achamil sont des personnes dont le «score RSU» est situé juste au-dessus du seuil d’éligibilité, avec des cotisations de 144 et 176 dirhams par mois.
Ces personnes bénéficient des aides sociales directes. Il s’agit d’une population objectivement vulnérable et dont la capacité à contribuer financièrement à l’AMO est précaire, a souligné le CESE dans son avis.
De ce fait, conclut l’expert, c’est à l’Etat de payer pour eux, dans la mesure où le coût supplémentaire ne sera pas énorme, de l’ordre de 5 à 6 milliards de dirhams. Sachant que le gouvernement dépense 9,5 milliards de dirhams pour assurer la couverture médicale d’environ 11 millions de personnes couvertes par l’AMO Tadamon.