Affaire La Gazelle d’Or: Rita Bennis sort victorieuse d’un procès qui n’aurait jamais dû avoir lieu

Rita Bennis

Rita Bennis . DR

Après cinq années de bataille judiciaire pour reconquérir La Gazelle d’Or, le mythique palace de Taroudant, Rita Bennis peut enfin souffler. Elle vient d’être rétablie dans ses droits.

Le 19/12/2019 à 17h59

L’affaire de la Gazelle d’Or restera à coup sûr dans les annales tant cette saga judiciaire qui a opposé pendant cinq années Rita Bennis, administratrice de cet endroit mythique depuis 1981, aux héritiers de Kamal Ibrahim Adham, et qui a fait couler de l’encre.

Retour sur un imbroglio juridique, avec l’éclairage de Rita Bennis, qui témoigne pour Le360.

La genèse d’un combat acharné devant les tribunauxIl aura fallu cinq ans de lutte acharnée pour que l’affaire connaisse enfin une fin heureuse. Pas plus tard qu’aujourd’hui, le 19 décembre, la justice marocaine a tranché en faveur de la propriétaire de La Gazelle d’Or, cet endroit connu aux quatre coins du monde, où le défunt Jacques Chirac aimait profiter de la douceur de la vie.

C’est en 2013 que Rita Bennis avait perdu tous ses droits sur la Gazelle d’or.

Rita Bennis perdra ensuite, en appel, en 2014, puis en cassation en 2015, bien qu'elle détienne la majorité des parts de l’endroit, dont 80% cédées par Kamal Ibrahim Adham.

Et Rita Bennis de rappeler les faits: «le premier jugement de Marrakech voulait entériner la décision du tribunal de première instance d’Agadir, qui avait décidé que je n’avais aucune action». 

Puis, le 17 octobre 2017, revirement de situation. La cour de cassation se rétracte de sa décision, avant de casser la décision de la juridiction inférieure. Suite à cela, Rita Bennis se souvient: «j’ai récupéré la Gazelle d’Or car à partir du moment où l’appel avait été annulé par la cour d’appel de cassation, j’étais rétablie dans mes droits mais je n’avais pas encore la décision définitive de la cour d’appel». 

Rendez-vous est alors donné pour un examen du dossier, non plus à Marrakech et Agadir, mais à Casablanca cette fois-ci. 

Aujourd’hui, jeudi 19 décembre 2019, le jugement vient de tomber, après cinq longues années de combat acharné pour recouvrer ses droits sur un lieu d’exception, qu’elle tenait comme on tient sa propre maison.

«Après avoir gagné la rétractation le 17 octobre 2017, la cour suprême avait cassé son propre jugement car je m'étais pourvue en cassation. Le jugement du tribunal d’appel de Marrakech a été cassé. Cette fois-ci, comme le dossier est repassé à la cour d’appel de Casablanca, celle-ci a annulé le jugement prononcé en première instance au tribunal de commerce d’Agadir, qui m’avait en 2013 enlevé toutes mes actions, en décidant que c’était une demande irrecevable».

Aujourd’hui, tous les jugements qui n’étaient pas en sa faveur ont donc été retournés. «Je reviens aujourd’hui avec mes 98 % d’actions à mon établissement», souffle Rita Bennis. .

«Désormais, l’établissement me revient donc de plein droit comme c’était le cas auparavant, avant tous ces jugements un peu abracadabrants», explique-t-elle encore. 

Quid de la partie adverse ?A-t-elle été en contact avec les héritiers de Kamal Ibrahim Adham suite à cette décision, lui demande-t-on.

Sa réponse se fait tranchante: «je n’ai jamais eu de leur nouvelles, car je ne leur ai jamais parlé bien que je connaisse très bien auparavant ce monsieur (Michaal Adham), et jamais je n’aurais voulu lui parler. Vous savez il y a quelque chose dans la vie qui est beaucoup plus important que tout, c’est l’honneur. Moi, je me suis sentie bafouée par cette histoire et je me suis battue pour rétablir mon nom et mon honneur. Il n’était pas question que je parle avec quelqu’un qui était en train de toucher à ma crédibilité, à ma sincérité, au travail accompli pendant 34 ans. Vous savez, les voyous ça m’est complètement égal, il y a des choses bien plus importantes dans la vie». 

La Gazelle d’Or, un cadeau empoisonnéLa fin de cette sombre affaire signe également un nouveau départ pour la Gazelle d’Or. Certes, pour Rita Bennis, il s’agit de relancer l’endroit, mais encore lui faut-il assainir une situation financière dramatique, cadeau empoisonné que lui ont laissé ceux-là mêmes qui voulaient l'en déloger coûte que coûte.

«La maison a 30 millions de dirhams de dettes, 10 millions d’impôts qui n’ont pas été payés depuis que j’ai tout quitté, 1,5 millions de CNSS, sans compter toutes les autres taxes», énumère-t-elle.

Ajoutez à cela qu’il n’y a «jamais eu de bilan, ni d’assemblée générale, qu’aucun impôt n’a été payé, le stock a été pillé, et que le personnel a démissionné car il n’était pas payé. Les employés ont d’ailleurs intenté un procès à la société et ils ont gagné 4 millions de dirhams», poursuit-elle.

«Je dois voir comment je vais me dépêtrer avec tout ça car la loi considère que tout ce qui a été fait l’a été au nom de la société. La personne à qui elle appartient, en l’occurrence moi, est responsable de la société», explique encore Rita Bennis. 

Quel recours alors? «Je vais démontrer aux impôts que j’ai quitté [la Gazelle d'Or] en 2014. J’étais considérée comme une pestiférée, je ne pouvais même pas agir car les tribunaux de Marrakech et d’Agadir m’avaient enlevé toutes mes actions.»

Et de conclure amèrement, «après 34 ans, on m’enlève toutes mes actions et on me rétablit dans mes droits après 5 ans de bagarre. Donc, ce sont cinq années inutiles qui ont occasionné la destruction tout aussi inutile d’un patrimoine national». 

Le retour des jours heureuxQu’adviendra-t-il de La Gazelle d’Or? Retrouvera-t-elle bientôt ses lettres de noblesse?

«C’est mon bébé, je vais le remettre en état!», assure Rita Bennis, la tête déjà pleine de projets.

«Je vais le gérer, mais pas comme avant. On ne peut pas refaire les mêmes choses. La clientèle au bout de cinq années change, même si beaucoup d’anciens clients veulent y revenir. Mais la vie évolue. Il faut que je réfléchisse à une façon d’actualiser cet endroit. Je ne veux pas faire de l’hôtellerie de masse mais conserver le même concept qu’auparavant, décliné toutefois sous une autre formule.»

Rita Bennis se donne une quinzaine de jours pour souffler, et entend bien s’attaquer à la reconstruction de ce nouveau rêve dès le début de l’année 2020.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 19/12/2019 à 17h59