Voici pourquoi la crise d’El Guerguerat n’a pas profité aux exportateurs algériens vers la Mauritanie

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Alors que les marchés aux fruits et légumes en Mauritanie sont au bord de la rupture de leurs stocks et que les prix flambent à cause de la crise actuelle d’El Guerguerat, certains se demandent pourquoi les exportateurs algériens n’ont pas réussi à profiter de «l’aubaine». Explications.

Le 28/10/2020 à 17h23

En août 2018, l’Algérie a inauguré un passage frontalier avec la Mauritanie, en vue de s’improviser comme pays exportateur de produits agricoles et industriels vers la Mauritanie et l’Afrique de l’Ouest. Mal préparé et malintentionné, puisque l’objectif premier de ce trafic à travers le passage algérien était de concurrencer celui ouvert par le Maroc plusieurs années plus tôt, au niveau de sa frontière sud avec la Mauritanie, le plan algérien n'a pas tardé à s’enliser.

Face à ce fiasco commercial, que la fermeture des frontières pour cause de pandémie de coronavirus a fini par achever, le passage frontalier algéro-mauritanien est aujourd’hui devenu moribond. Les échanges actuels entre l’Algérie et la Mauritanie se font essentiellement par voie maritime. Ainsi, selon des résultats récemment publiés à Nouakchott par l’Office national de la statistique (ONS), les importations africaines de la Mauritanie durant le second trimestre de 2020 proviennent «du Royaume du Maroc (44,3 %), du Mali (14,8 %), de l’Algérie (12,1 %), de l’Afrique du Sud (8,5 %) et du Sénégal (7,2 %)».

Or, du moment que les marchés mauritaniens sont actuellement au bord de la rupture de stocks en certains produits généralement fournis par son premier partenaire commercial en Afrique, à savoir le Maroc, il était attendu que l’Algérie profite de l’obstruction actuelle du passage d’El Guerguerat par les coupeurs de routes du Polisario, pour compenser le déficit actuel sur les marchés de son voisin du sud.

Or, à la barrière économique qui fait que les coûts exorbitants empêchent les produits algériens d’être concurrentiels, à cause de la facture prohibitive du transport, de l’absence de banques et de relais commerciaux algériens en Mauritanie, s’ajoute une barrière politique.

En effet, tout laisse croire que pour exprimer clairement leur mécontentement, les autorités mauritaniennes, bien placées pour savoir qu’il n’y a pas d’action du Polisario sans une main de l’Algérie, se sont opposées à tout retour des produits algériens pour compenser la pénurie actuelle, en denrées issues de l'agriculture, surtout.

Cette colère, si elle n'a pas officiellement été rendue publique, transparaît dans quelques chroniques d'éditorialistes, réputés proches du pouvoir, qui foisonnent dans les colonnes de la presse mauritanienne, à l’instar de ce coup de gueule de Abdallah ould Sidiya, ancien journaliste de la télévision publique, El Mouritaniya, et correspondant de la chaîne Arab Network.

Dans un billet intitulé «Le Polisario et nous», ce journaliste mauritanien a rappelé que si le Polisario s’exhibait actuellement à El Guerguerat, c’était parce qu’il se sent plus en sécurité quand il entre par effraction en territoire marocain ou dans l’une des villes du nord de la Mauritanie, qu’il ne l’est à Tindouf. En effet, bien que Tindouf et Rabouni, a-t-il expliqué, ne sont séparés que de 14 km, aucun Sahraoui des camps de Lahmada ne peut s’aventurer à entrer à Tindouf, sous peine d’être abattu d’une rafale de mitrailleuse, et ce, sans sommation, par la gendarmerie algérienne.

Et pourtant, ce Polisario qui n’a aucune liberté ni droit en Algérie se permet aujourd’hui de camper dans la zone démilitarisée d’El Guerguerat et d'en bloquer le trafic commercial, «pour affamer le peuple mauritanien».

Si l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz avait fermé les yeux depuis 2014 sur les agissements inamicaux du Polisario à l’égard de la Mauritanie, l’actuel président, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, est appelé à réagir fermement. Ce journaliste lui préconise de fermer toutes les frontières nord du pays en vue d’interdire, en représailles, toute entrée de Sahraouis du Polisario sur le territoire mauritanien, voire carrément d’en expulser ceux qui y résident actuellement. Preuve en est, s'il en faut une encore, qu’il y aura bien un après-El Guerguerat, en Mauritanie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 28/10/2020 à 17h23