Vive l’Etat!

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Revue de presseKiosque360. Qui aurait imaginé qu’un jour les citoyens exigeraient la limitation de leur liberté de circulation et que des mesures répressives, et donc rejetées normalement, seraient approuvées et même exigées par les citoyens, un peu partout dans le monde?

Le 20/03/2020 à 20h27

L’Etat d’après le coronavirus ne sera plus le même, ni la perception de l’Etat par le peuple. C’est la conclusion de l’auteur de l’édito d’Al Ahdath Al Maghrebia du week-end des 21 et 22 mars. Lors des grandes crises, lorsque la frontière entre l’état de nature et l’état de culture s’amenuise, le rôle de l’Etat revient en force. Et ce dernier revit son âge d’or, écrit l’éditorialiste.

En période de pandémie, lorsque l’instinct de vie tend à l’emporter sur la raison, les citoyens retrouvent en l’Etat un refuge. Ils reviennent aux premiers stades du contrat social tel que conçu par Jean-Jacques Rousseau. Là où la logique est binaire: soit l’Etat soit la ruine et la destruction.

Ce que nous vivons aujourd’hui, poursuit-il, ce n’est pas une transition de l’Etat libéral vers le socialisme d’Etat. Ce n’est pas non plus le passage d’un Etat sans protection sociale vers un autre plus protecteur. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un retour aux sources. Un retour à la notion de base de l’Etat, en tant que contrat social, dans ses fonctions de préservation de la santé, de la sécurité alimentaire et de la sécurité tout court.

A travers le monde, l’Etat est devenu l’acteur principal. Les autres acteurs, ceux qui étaient actifs en temps normal, se sont éclipsés. L’Etat a repris le rôle d’une mère qui tantôt conseille ses enfants, tantôt les oriente pour leur bien et celui de la communauté. Parfois même, pour les faire rentrer dans l’ordre, il utilise la violence légitime que tout le monde accepte d’ailleurs. Dans pareil cas, les citoyens ne résistent pas aux décisions de l’Etat. Ils les soutiennent et se mobilisent pour les défendre, faire leur promotion et même pour faire face à ceux qui refusent de s’y soumettre. Les citoyens et les groupes qui se plaignaient des méthodes répressives de l’Etat sont les mêmes qui, pris d’un sentiment de peur, non seulement les acceptent, mais exigent leur renforcement.

L’Etat dans son acceptation moderne reste incapable d’encadrer les franges les plus traditionnelles de la société. L’Etat moderne est un concept abstrait que les citoyens n’arrivent pas à palper dans leur vie quotidienne à mesure qu’on s’éloigne du centre. C’est pour cela, affirme l’auteur, que l’Etat a aujourd’hui recours à son stock traditionnel d’auxiliaires d’autorité. Les chioukhs et les moqaddams sont devenus plus audibles auprès des citoyens et plus proches d’eux que les instances élues. L’Etat au Maroc a su préserver ses bases-arrières traditionnelles. Les citoyens peuvent, en effet, se rebeller contre le chef du gouvernement et son porte-parole, mais ils écoutent avec attention le moqaddam qui leur transmet le message et les orientations du caïd. L’autorité du caïd et du moqaddem devient ainsi une solution médiane acceptée de tous et qui évite à l’Etat de recourir à des solutions plus radicales, comme l’Etat d’exception, la déclaration de l’état de siège ou du couvre-feu.

En ces moments de peur, «l’appareil répressif» de l’Etat est descendu dans la rue pour imposer le respect des consignes de sécurité sans que personne n’y trouve rien à redire. Au contraire, tout le monde l’approuve et l’accepte. L’instinct de vie a fait que les maisons sont devenues des «prisons volontaires» et l’appareil répressif est devenu gardien et garant de la vie et de la sécurité individuelle et collective. Qui aurait imaginé qu’un jour, la limitation de la liberté de circulation par exemple deviendrait un «service public» que les citoyens demandent et exigent même?

Par Amyne Asmlal
Le 20/03/2020 à 20h27