Le ministre algérien du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, a annoncé jeudi 18 novembre 2021, l’envoi de 28 camions transportant divers produits vers la Mauritanie et le Sénégal.
Reconnaissant d’emblée que le rythme des exportations algériennes vers les pays de l’Afrique de l’Ouest est très faible, Rezig a promis que «la cadence des opérations d'exportation par voie terrestre vers les différents pays africains limitrophes augmentera à l'avenir, en dépit des difficultés et des défis auxquels font face les exportateurs, notamment après le bombardement des deux camions algériens sur l'axe reliant Nouakchott à Ouargla».
Selon l’agence de presse algérienne, APS, qui a rapporté ces propos, le ministre algérien du Commerce n’a pas manqué d’ajouter, quitte à se répéter, que «le convoi qui prend le départ ce jeudi vers la Mauritanie et le Sénégal se veut une riposte aux parties qui croient semer en nous la terreur et la peur. Nous avons prouvé que nous poursuivrons les opérations d'exportation et que nous en augmenterons même la cadence».
Mais à Tindouf, où sont déjà stationnés les camions dudit convoi, les chauffeurs algériens ont déclenché une grève et posé un certain nombre de conditions avant de se lancer dans cette aventure périlleuse, dont les dividendes recherchés sont plus politiques que d’ordre économique.
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Les camionneurs algériens, qui étaient habitués avant juillet 2018 et l’ouverture du passage frontalier algéro-mauritanien à faire de courts trajets vers la Mauritanie, en ne dépassant pas la ville de Zouerate, mais aussi en achetant à bas prix le carburant dans la zone tampon chez les trafiquants du Polisario, exigent aujourd’hui des moyens plus importants de la part de leur pays.
L’instauration du passage frontalier entre l’Algérie et la Mauritanie a été synonyme d’allongement notable de la distance à parcourir par les camionneurs algériens, et donc de carburant à consommer, mais aussi de droits de douanes à payer, sans parler des conditions difficiles de la traversée du grand désert du nord de la Mauritanie. Car sur les 963 km séparant Tindouf et Zouerate, la seule étape habitée existante est la petite bourgade mauritanienne de Bir Moghreîn (ex Fort Trinquet, moins de 3.000 habitants). Ce n’est qu’à partir de Zouerate que les camionneurs commencent à voir le bout du tunnel car c’est là où commence la route asphaltée vers Nouakchott, sur quelque 763 km, avant de continuer sur plus de 200 autres km vers la frontière mauritano-sénégalaise.
D’ailleurs depuis l’acceptation par la Mauritanie de l’ouverture de ce passage frontalier, comme allègement de sa décision, prise en juillet 2017, de fermer totalement ses frontières avec l’Algérie, cette dernière avait l’habitude de doter ses camionneurs de 600 litres de carburants et d'une somme de 3.000 dinars (198 DH) comme argent de poche pour aller jusqu’à Nouakchott. C’est cette misérable dotation que contestent aujourd’hui les chauffeurs algériens, qui refusent de lever l’ancre tant qu’elle n’a pas été, au minimum, triplée.
Les camionneurs algériens qui transportent des marchandises vers la Mauritanie sont en grève.
En guise de réponse, le ministre algérien a tenté d’amadouer les camionneurs en affirmant que ce convoi est un «défi qui témoigne du courage et du nationalisme de ces chauffeurs qui surpassent les difficultés pour renforcer notre présence dans les marchés africains».
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Force est de constater qu’en réalité ce n’est pas le Maroc, si l'on ne tient pas compte de ses produits plus concurrentiels et de son meilleur savoir-faire, qui empêche l’Algérie d’accéder aux marchés africains, comme le laisse entendre Kamel Rezig. Et indépendamment des mauvaises conditions de travail des camionneurs algériens qui font obstacle à ce déploiement commercial, c’est surtout le comportement du régime algérien, qui s’est érigé en trublion régional, qui a poussé son voisin mauritanien à lui imposer des restrictions au niveau des échanges par voie terrestre, pour raisons de sécurité.
Les autorités mauritaniennes avaient, récemment encore, demandé à leurs homologues algériennes, au mois de mars dernier, de surseoir au déjà très faible trafic commercial routier entre les deux pays. Il s’agissait pour la Mauritanie d’éviter, depuis les évènements d’El Guerguerat d’octobre-novembre 2020, toute infiltration des milices du Polisario vers la frontière atlantique maroco-mauritanienne.
Mais suite à la récente visite du ministre mauritanien de l’Intérieur à Alger, pour protester contre l’implication infondée de son pays dans l’affaire des camionneurs algériens tués le 2 novembre courant à Bir Lahlou, les Algériens ont profité de l’occasion pour demander de nouveaux assouplissements à la Mauritanie.
Ils ont ainsi invoqué la tenue, à partir du 6 décembre prochain, de la Foire internationale de Dakar (FIDAK 2021) pour justifier l’envoi d’un convoi de produits algériens à exposer durant cette manifestation. Pourtant sur les 28 camions annoncés, seuls trois sont destinés au Sénégal.