Hassan Benaddi a épousé les idées de gauche dès son plus jeune âge, alors qu’il fréquentait encore le lycée Mohammed V de Marrakech, établissement alors connu pour son activité culturelle intense. «Nous avions une coopérative des élèves qui entretenait des liens étroits avec l’Union nationale des étudiants du Maroc», se rappelle l’homme qui avait lancé, avec feu le journaliste Abdallah Stouki et d’autres élèves, le premier journal du célèbre lycée, intitulé «Reflets».
Le jeune Marrakchi se fera remarquer par le Parti communiste marocain (PCM), qui n’a pas tardé à le coopter. «Je ne savais encore rien du communisme. J’ai intégré une des cellules du parti, car je considérais cela à l’époque comme un grand honneur», dit-il. Hassan Benaddi faisait partie des élèves actifs lors des grèves de 1962, en réaction aux appels au boycott du référendum sur la Constitution, ce qui a entraîné son expulsion du lycée. «J’ai repris mes études grâce à l’intervention du censeur du lycée, Ssi Abdelaziz Kandil», se souvient-il.
Le bac en poche, Hassan Benaddi part s’inscrire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat pour entamer des études de philosophie. Dans la capitale, il sera à nouveau sollicité pour intégrer les cellules clandestines du PCM, devenu à l’époque le Parti de la libération et du socialisme. À Rabat, la coordination était menée par feu Abdelaziz Belal.
Son action militante va se poursuivre jusqu’après la licence. Parallèlement aux études de troisième cycle, il va rejoindre une cellule composée de figures emblématiques qui auront, des années plus tard, des trajectoires de carrière bien différentes: Abdelkébir Khatibi (sociologue et écrivain de renommée internationale), Ismaïl Alaoui (leader du PPS et plusieurs fois ministre), Abdelaziz Belal (illustre économiste), Taieb Bencheikh (ancien ministre de la Santé sous les couleurs du RNI), Abdellatif Laâbi (poète et romancier) et Abraham Serfaty (professeur à l’École Mohammadia d’ingénieurs).
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Devenu enseignant de philosophie au lycée Hassan 2 à Rabat, Benaddi entretenait des liens rapprochés avec Abraham Serfaty. Il se souvient encore des débats sans fin autour de la pensée philosophique. «Serfaty était courtois, généreux et modéré. À tel point que je serai plus tard surpris quand il va commencer à développer un discours radical», témoigne notre interlocuteur.
Les choses vont évoluer, et les chemins des deux hommes vont se séparer, lorsque Hassan Benaddi refuse d’adhérer à l’idée, proposée par l’ancien opposant du régime, de créer un Parti des travailleurs aux desseins révolutionnaires.
L’année 1984 marque une nouvelle étape dans la carrière politique de Hassan Benaddi, lorsqu’il réussit à remporter un siège au Parlement, au nom de l’Union marocaine du travail (UMT). Il était à cette époque secrétaire général du syndicat national des enseignants. Une semaine après son élection, il fera partie de la délégation des députés désignés pour accompagner le conseiller royal Ahmed Reda Guedira aux travaux du Sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), dans lequel le Maroc allait annoncer son retrait de l’institution panafricaine, en protestation contre l’admission de la république fantomatique du Polisario.
Ben Seddik, Ibrahim, Bouabid, et les autres…
«De retour au Maroc, le Roi a demandé à Guedira d’aller s’exprimer devant le Parlement, pour expliquer à l’opinion publique les motivations de cette décision. Feu Hassan II a également demandé à ce que la parole soit donnée aux membres de la délégation qui ont fait le déplacement en Éthiopie, et non aux présidents des groupes parlementaires ou les secrétaires généraux des partis politiques», affirme Hassan Benaddi. Aussi, l’intervention de ce dernier, lors de cette séance au Parlement, n’a pas été du goût du numéro un de l’UMT, non pour son contenu, mais pour le principe, ce qui a contribué à la dégradation des rapports entre les deux leaders syndicalistes.
«Mahjoub Ben Seddik est un intellectuel autodidacte. Il était un passionné de lecture et un grand connaisseur de relations internationales. J’ai eu la chance de travailler à ses côtés, car j’ai appris à comprendre le monde à travers lui», reconnaît Hassan Benaddi, sans omettre de citer l’apport de Abdallah Ibrahim, figure emblématique du mouvement national et leader de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), avec lequel il avait noué une relation quasi familiale. «J’ai commencé à comprendre l’Histoire du Maroc grâce à Abdallah Ibrahim», confie-t-il.
Hassan Benaddi voue en effet une grande admiration pour Abdellah Ibrahim et l’héritage qu’il a laissé en présidant le premier gouvernement post-indépendance. «En seulement 22 mois, le gouvernement Abdallah Ibrahim a marqué les esprits et est encore présent dans l’Histoire du Maroc, plus que d’autres gouvernements qui ont eu des mandats bien plus longs. Les choix opérés par ce gouvernement, dont Abderrahim Bouabid était la deuxième cheville ouvrière, ont permis de créer le noyau dur de l’État social», souligne-t-il.
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Hassan Benaddi est l’un des fondateurs du Mouvement pour tous les démocrates (MTD), qui a débouché sur la création du Parti authenticité et modernité (PAM). Et tout a commencé, se remémore-t-il, avec le Rapport du cinquantenaire.
Feu Meziane Belfkih a fait appel à lui pour faire partie d’une commission chargée du rapport de synthèse du cinquantenaire. «Le Roi a demandé de publier simultanément sur Internet les deux rapports, celui du cinquantenaire et celui de l’Instance équité et réconciliation (IER). Les deux groupes qui ont travaillé sur les deux rapports se sont rencontrés chez Fouad Ali El Himma», poursuit Benaddi. Deux années plus tard, au lendemain des élections de 2007, marquées par une abstention record, les mêmes personnes ou presque se sont retrouvées et ont ainsi donné naissance au MTD.
Quant à savoir si l’idée de transformer le mouvement en parti politique était présente dès la naissance du MTD, notre témoin affirme que les avis étaient partagés à ce sujet. «Certains membres ont suggéré de s’intégrer dans une formation partisane existante, notamment l’USFP. D’autres voulaient créer un nouveau parti en s’appuyant sur les gens de la gauche qui ont fait de la prison. Puis, il y avait l’initiative, plus réaliste, de Fouad Ali El Himma, qui a consisté à former un groupe parlementaire, baptisé groupe Authenticité et modernité, composé de députés issus de petits partis. Le PAM a donc été créé avant tout au parlement par les députés membres dudit groupe. C’est à partir de là qu’est née l’idée de créer le cadre politique dans lequel le groupe parlementaire sera amené à agir et à être le noyau de la nouvelle formation partisane», explique Hassan Benaddi.
La naissance du PAM
Et d’ajouter: «La naissance du PAM est intervenue dans un contexte où la scène politique était quasi monopolisée par des partis qui revendiquaient une certaine légitimité historique et qui pensaient que le fait d’avoir milité pour l’indépendance du pays leur conférait à eux seuls la légitimité d’agir sur le terrain. Le taux d’abstention du scrutin de 2007 a été un coup dur pour ces partis. Puis, il y a eu l’apparition de signes qui annonçaient l’arrivée d’un nouvel acteur: des études et des sondages annonçaient l’imminence d’une vague nouvelle, à savoir le mouvement de l’islam politique dans le monde arabe et musulman».
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Pour l’ancien secrétaire général du parti du Tracteur, sans le PAM, on aurait assisté à une hégémonie de forces indisciplinées au sein du mouvement islamiste. «Les gens oublient que le Maroc est le seul pays sorti indemne de cette vague. Regardez ce qui s’est passé en Algérie. Rappelez-vous le choc provoqué par les évènements terroristes de Casablanca en 2003, suite auxquels plusieurs responsables politiques, voire à l’intérieur des appareils de l’État, voulaient emprunter la voie de l’éradication choisie par le voisin de l’Est. Le Roi avait refusé cette orientation et avait insisté pour préserver la voie démocratique», rappelle-t-il.
Hassan Benaddi, qui a pris ses distances avec la vie partisane depuis mars 2020, affirme n’avoir jamais été d’accord avec ceux qui disaient que le PAM a été créé pour combattre les islamistes. «L’Histoire peut en témoigner, le PAM a été créé pour un objectif noble, celui de défendre le multipartisme et la démocratie », insiste-t-il.
«Quand nous nous sommes frottés à la réalité du terrain, nous nous sommes rendu compte qu’il ne suffit pas d’avoir des idées ou d’être un ancien détenu politique pour remporter une élection. Il se trouve que les notables jouent un rôle majeur dans la politique. Le PAM a certes réussi à mobiliser ces notables, mais le pilotage de l’opération a été entaché d’erreurs et de déviations, dans l’exécution notamment», conclut Hassan Benaddi.