S’il est un produit hors hydrocarbures, dont le pouvoir en place en Algérie peut s’enorgueillir et qu’il peut exporter dans le monde entier, c’est bien l’inconséquence, érigée en véritable trademark du régime. Sinon, quelle logique peut-on trouver à la sortie médiatique de Ramtane Lamamra, hier lundi 31 octobre 2022?
Dans un entretien accordé à la chaîne panarabe Al-Hadath (groupe Al-Arabiya), le ministre algérien des Affaires étrangères a dit, et répété, tout le contraire de ce que le régime qu’il représente n’a cessé de claironner depuis août 2021, en combinant les actes hostiles et les paroles vénéneuses. Si le régime algérien a tout fait pour rendre rédhibitoire au roi Mohammed VI un déplacement à Alger, dans le cadre du sommet de la Ligue arabe (1er et 2 novembre 2022), son diplomate en chef dit aujourd’hui regretter la non-participation du Souverain.
Ramtane Lamamra a ainsi, sans sourciller, affirmé que le Souverain allait être reçu par le président algérien Abdelmadjid Tebboune en personne sur le tarmac de l’aéroport Houari Boumédiène d’Alger. Quel honneur! Mieux, «à l’image des autres chefs d’Etat, cette réception allait être l’occasion d’entretiens en tête-à-tête entre Sa Majesté le Roi et le président de la République, dans la salle d’honneur de l’aéroport. C’était prévu», a-t-il ajouté. On admirera au passage le sens de la précision du chef de la diplomatie algérienne. Et d’insister qu’un «entretien [de Tebboune] à l’aéroport avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI était prévu », avant de détailler que «dans l’intimité de cet échange, il aurait été décidé [entre Tebboune et Mohammed VI] ce qui aurait pu se passer pendant la présence de Sa Majesté le Roi du Maroc en Algérie».
«Nous croyions que Sa Majesté le Roi allait personnellement participer (au sommet, Ndlr). Tel n’est pas le cas… Aux historiens de déterminer s’il s’agit d’une occasion manquée et, si tel est le cas, de dire qui en assume la responsabilité», a déploré, faussement, Lamamra.
Le ministre algérien des Affaires étrangères est allé plus loin, en établissant un parallèle entre l’actuel sommet et celui tenu en 1988 à Alger, quand les cinq chefs d'Etat maghrébins se sont réunis le 10 juin, au lendemain de la clôture du sommet extraordinaire de la Ligue arabe. Il laisse entendre de façon très claire que ce qui s’est passé en 1988 aurait pu être réédité en 2022. «Il y avait une occasion de soutenir la construction du Maghreb arabe et d’assainir l’atmosphère», insiste-t-il. «Mais il n’a pas été tiré profit de cette occasion qui était possible», déplore le chef de la diplomatie algérienne.
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Voilà pour les propos étonnamment lénifiants de l’auteur du laïus, justifiant la rupture unilatérale par son pays des relations diplomatiques avec Rabat et qui n’a cessé depuis de marteler que «l’Algérie refuse toute médiation avec le Maroc». On fera remarquer aussi à Ramtane Lamamra, qui semble se soucier de la construction de l’Union du Maghreb, que le régime algérien n’a même pas eu la décence d’inviter au sommet de la Ligue arabe celui qui en assure toujours la fonction de secrétaire général, Taïeb Baccouche.
Ce que le chef de la diplomatie algérienne ne dit pas, ou omet de dire, c’est que les autorités qu’il représente ont entamé dès les premières heures de l’organisation du sommet panarabe un véritable travail de sape des règles de bienséance en direction du Maroc. Cela a commencé par la falsification, par la chaîne publique d’information en continu AL24, de la carte officielle de la Ligue arabe, en amputant le Maroc du Sahara atlantique. C’était sans doute le mot de bienvenue au Maroc.
S’en est suivie une vraie maltraitance à laquelle les médias publics marocains accrédités pour couvrir l’évènement ont eu droit (limitation du nombre des journalistes et techniciens autorisés, réquisition de leur matériel, de longues heures d’attente à l’aéroport…). Une maltraitance à laquelle même l’équipe chargée des activités royales au sein du pôle audiovisuel public n’a pas échappé. Sans parler de l’accueil glacial réservé à Nasser Bourita.
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Ce que le ministre algérien des Affaires étrangères, un diplomate prétendument chevronné, occulte également, c’est que la reprise d’un dialogue ne se produit nullement sur le tapis rouge d’un tarmac ou dans les propos convenus qu’on échange dans la salle d’honneur d’un aéroport. Comme le rappelle cet ancien diplomate marocain, de telles actions sont précédées par des rencontres «techniques» censées aplanir les points de discorde, sont établies en fonction d’un agenda spécifique et, surtout, de déclarations préalables de bonnes intentions. Non seulement elles ne s’improvisent pas, mais elles ne peuvent nullement être laissées au hasard des circonstances et des humeurs.
S’agissant des bonnes intentions, il convient de rappeler la politique de la main tendue adoptée par le roi Mohammed VI à l’égard de l’Algérie. Une politique clairement affichée et qui a fait l’objet de plusieurs discours royaux. Dans le discours du Trône, prononcé le 30 juillet 2022, le roi Mohammed VI a affirmé: «Nous aspirons à œuvrer avec la présidence algérienne pour que le Maroc et l'Algérie puissent travailler, main dans la main, à l'établissement de relations normales entre deux peuples frères».
Quelle suite a donné la présidence algérienne à la main tendue par le roi Mohammed VI? Une fin de non-recevoir.
Alors que penser des regrets de Lamamra sur le rendez-vous manqué entre le roi Mohammed VI et Abdelmadjid Tebboune? Une communication de pacotille, supposée humaniser le visage d’une junte dont les excès ont fini par rendre rédhibitoire Alger à plusieurs hôtes illustres dans le monde arabe.